1976. Christopher Lee n’a plus tourné de Dracula - rôle qui a fait sa gloire - depuis trois ans. On l’a entre-temps vu en Rochefort dans Les Trois Mousquetaires de Richard Lester et, surtout, dans L’homme au pistolet d’or en méchant charismatique. Parfaitement bilingue (polyglotte, même), il accepte pourtant de tourner dans Dracula père et fils, son deuxième film entièrement en français après Les mains d’Orlac (1960). Moins franchouillarde que son titre le laisse supposer, la comédie parodique d’Edouard Molinaro raconte les déboires de Dracula et de son fils qui, après avoir été chassés de leur château par les communistes, se retrouvent, l’un (Lee) en Angleterre où il devient une star de films d’épouvante, l’autre (Ménez) en France où il subit les avanies de la population en tant que travailleur immigré… Bernard Ménez se souvient de cette expérience particulière.>>> Christopher Lee, grand héros maléfiqueComment avez-vous été amené à jouer avec Christopher Lee dans Dracula père et fils ?Molinaro m’avait repéré au théâtre et m’aimait bien. Quand il m’a proposé le rôle, j’ai évidemment sauté sur l’occasion. J’avais lu Paris Vampire, le livre de Claude Klotz, alias Patrick Cauvin, dont le film était l’adaptation, et je pensais que Dracula ne devait surtout pas être interprété par un comique français, type Jean Lefebvre, mais par un spécialiste. Je l’avais dit à la Gaumont, leur suggérant même Peter Cushing qui, physiquement, était plus proche de moi. Finalement, ils ont eu Christopher Lee, qui était quand même l’incarnation idéale de Dracula.A-t-il été facile à convaincre ?A l’époque, il avait un statut de star internationale et ne voulait plus tourner de Dracula. Molinaro l’a convaincu en lui disant que ce serait un Dracula humoristique, et qu’à la fin, il partirait en poussière... Il était heureux de terminer son cycle de vampires de cette façon.Quels souvenirs gardez-vous de lui ?Avant tout, celui d’un homme chaleureux et disponible. Nous avons tourné dans des conditions un peu difficiles et, dès qu’il faisait un peu froid, il me disait (il prend l’accent) : « Bernard, venez donc dans ma caravane, vous serez beaucoup mieux ». Au niveau de la prestance et de l’élégance, je le comparerais volontiers à Paul Meurisse, avec qui j’ai aussi joué, à la grosse différence près qu’il n’était pas hautain et arrogant. Je n’avais pas l’impression d’être un débutant à ses côtés. Il se comportait d’égal à égal.Faisait-il des blagues ?Ce n’était pas son genre, mais il était en permanence de bonne humeur. Il passait beaucoup de temps avec les acteurs et s’entendait très bien avec Molinaro, qui possédait lui aussi une certaine élégance.Vous souvenez-vous d’une anecdote en particulier ?Pas spécialement. Ca a été un tournage très agréable… Ah si ! Je me souviens d’un jour où il y a eu une grève générale des techniciens en France. La production et Molinaro ont très bien géré la situation, sans heurts. Christopher est resté très flegmatique. Je crois qu’il n’était pas étonné. La France a toujours été connue pour ses conflits sociaux, vous savez…L’avez-vous revu par la suite ?C’est arrivé quelques fois. Il était le même envers moi, toujours aussi chaleureux.Avez-vous reparlé du film avec lui ? En était-il content ?Il en était assez fier, je crois. Molinaro était un cinéaste racé et le film était à son image. J’en profite pour inciter les chaînes de télé à le diffuser, parce qu’il est à mon sens très réussi et qu’il est à la gloire de Christopher Lee.Que vous inspire sa carrière ?Elle est exceptionnelle. Christopher l’a gérée de manière très intelligente. Pour faire autant de films et durer aussi longtemps, il faut avoir non seulement un don naturel mais aussi une grande capacité d’adaptation. C’était un grand professionnel, tout le contraire de la star capricieuse. Christophe Narbonne>>> Christopher Lee en 10 grands rôles