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L'affiche   C'est sans doute a plus belle affiche cannoise qu'on ait vu depuis très longtemps (celle de Wong Kar Wai en 2006 avait de la gueule). Contrairement à ce que beaucoup de gens ont dit - et imaginé - cette photo n’est pas un special shoot tiré du sublime De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites, mais une image de La Fille à la casquette (en VO A New Kind of Love ce qui a plus de cachet), comédie 60's de Melville Shavelson qui, si vous voulez tout savoir, est surtout connu pour avoir écrit les blagues de Bob Hope à la fin des 30's.  Une image du tournage redesigné par l'agence Bronx qui, selon son directeur Yann Leuvrey « évoque le cinéma dans ce qu'il a de plus universel. On a trouvé cette photo et on est immédiatement tombés en arrêt. Ce n'est pas l’affiche du film, mais une photo de plateau, totalement indépendante. On aimait l’image, mais surtout, ce qui nous intéressait, c'était ce couple moderne et indémodable : ici, rien n'est daté (leur beauté, leurs tenues, la femme androgyne, la chorégraphie). Et le décor cinétique, quasiment abstrait, traduit bien la sensation procurée par le baiser. Celle que l'on éprouve lorsqu'on ferme les yeux. Un flash lumineux, une perspective, un mouvement : le vertige de l'amour. C’est aussi celui du spectateur qui est transporté dans un autre monde par la pure magie du cinéma »  Le film Réalisé en 63, soit, pour Newman, précisément entre Le plus sauvage d'entre tous, le chef d'oeuvre de Martin Ritt, et un très solide thriller (Pas de lauriers pour les tueurs), La Fille à la casquette est une pâle copie des comédies sophistiquées de l'époque et sans doute l'un des pires films de l'acteur. A mi-chemin entre un Doris Day/Rock Hudson (on croise d'ailleurs Thelma Ritter) et un mauvais Billy Wilder, New Kind of Love raconte comment une styliste frigide se transforme en putain parisienne pour trouver l’amour et craque pour un journaliste cynique et séducteur. Entre d'accablantes scènes de rêves avec Paul en quaterback, une hallucinante séquence où Joanne Woodward parle à la Vierge, un caméo what the fuck de Maurice Chevalier ou quelques scènes d'une misogynie effrayante, le film de Mel Shavelson est un nanar co(s)mique intersidéral. Mais il a le mérite de prouver que 1/ la beauté du couple Woodward/Newman est inoxydable (l’arrogance surexcitante de Newman et le charme affolant de Woodward maintiennent constamment le spectateur en éveil) et 2/ un mauvais film peut toujours donner un bon poster.   Et Cannes dans tout ça ?   A la fin de l'annonce de la sélection, Thierry Frémaux avait fièrement vanté la beauté de l'affiche, son glamour et le rayonnement du couple star. Le fait, surtout, qu'elle mettait l'accent sur l'amour rappelant que le cinéma, et Cannes par la même occasion, c'était aussi ça. On retiendra également le discours (paresseux) du film sur le faux et la copie (Woodward vole les modèles des grandes marques et se fait passer pour une cocotte) pouvant s’entendre comme une métaphore sur le 7ème art. Les plus sagaces noteront enfin une drôle de coïncidence : le film a été réalisé en 63, l'année de La Dolce Vita. Or il est impossible de ne pas faire le lien entre le personnage du journaliste désabusé joué par Newman et celui de l’écrivain dandy de La Grande Bellezza, variation postmoderne sur le chef d’œuvre de Fellini qui sera en compétition officielle la semaine prochaine. C’est tout ?  Oui.  Gaël Golhen Photos : 20 affiches qui donnent envie de tomber amoureux