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Les films à voir ou ne pas voir dans les salles cette semaine.

 

L’Economie du couple *** 
DE/ Joachim Lafosse
Le titre est trompeur : Joachim Lafosse ne cherche pas avec L'Economie du couple à théoriser, à exprimer une universalité sur la relation entre deux personnes. Après deux films qui partaient de faits divers (A perdre la raisonLes Chevaliers blancs) pour finalement raconter tout autre chose, Lafosse abandonne dans L'Economie du couple une narration classique et une structure début-milieu-fin, préférant laisser Bérénice Bejo et Cédric Kahn exprimer l'émotion écrasante de la fin de l'amour à l'aide de grands plans-séquences souples et pénétrants, shootés à la steadycam. Jamais dans l'hystérie, mais dans les silences humiliants, dans les non-dits et les petits gestes mesquins et tristes, les deux acteurs sont formidables de justesse et le climax déchirant au son de « Bella » de Maître Gims laisse sur le carreau. Sylvestre Picard

S.O.S. Fantômes ** 
DE/ Paul Feig
Il y avait de quoi avoir peur. Très peur. D’abord parce que l’idée de remaker un classique des années 80 "intouchable" qui, de l’avis général, avait déjà tous les atouts pour plaire, n’avait sur le papier pas beaucoup de sens. Ensuite, modernité oblige, le travail d’adaptation a simplement consisté à constituer un casting 100% féminin. Joli défi dans l’industrie machiste d’Hollywood, mais l’argument artistique est, hum…, assez mince. Si on ajoute la bande-annonce la plus détestée de l’histoire de Youtube… ça ne faisait pas de très bons indices quant à la qualité de ce remake.

Mais le film arrive enfin. Et, tadam : il est plutôt réjouissant. La force de ce remake, c’est précisément son casting. Les reines du SNL sont là : Melissa McCarthyKristen WiigKate McKinnon et Leslie Jones portent la comédie vers des sommets de drôlerie teigneuses, loufoques ou sophistiquées. L’alchimie est parfaite entre les quatre dames qui ont chacune leur style de comédie et la mise en scène de Paul Feig laisse suffisamment de liberté aux comédiennes pour qu’elles puissent exister. Feig fait preuve d’un sens du rythme et d’une sophistication souvent réjouissante (mais parfois trop bizarre pour fonctionner). Evidemment, il y a quelques moments de flottements (le final dans Central Park) ou quelques caméos paresseux. Et puis l’impression que Feig a voulu être trop respectueux de l’original pour s’affranchir totalement du premier Ghostbuster (tout y est du slime à la chanson en passant par la bagnole). Ce n’est peut-être pas très original. Mais ce nouveau Ghostbuster a finalement réussi et ça tombe bien. Pierre Lunn

Jason Bourne ** 
DE/ Paul Greengrass
On avait quitté Jason Bourne alors qu’il avait enfin récupéré la mémoire. On le retrouve loin de tout, retiré dans un pays de l’Est, éloigné du marigot de la CIA et bien décidé à mener une vie paisible. Mais quand Niki découvre que son père a joué un rôle obscur dans la conception du programme Treadstone, Jason va être obligé de reprendre du service et affronter deux ennemis redoutables. The Asset, un tueur joué par Cassel et un ponte de la CIA incarné par Tommy Lee Jones.  Près de 10 ans ont passé depuis que Matt Damon et Paul Greengrass ont rendu leurs badges. 10 années pendant lesquelles le monde et le cinéma ont complètement changé. Damon s’est imposé comme une star A list qui n’a plus besoin de saga pour cartonner ; le film d’action (plus industrialisé et dopé aux superhéros) n’a plus grand chose à voir avec ce que Greengrass avait contribué à calibrer avec ses deux opus. Et la paranoïa post-11 Septembre a laissé place à une crise économique doublée d’un terrorisme aveugle qui frappe partout et n’importe comment.

Il fallait donc choisir : changer de style pour se couler dans les nouveaux horizons esthétiques du blockbuster (voire les modifier de nouveau) ou remettre à niveau la dimension politique de la série. Greengrass et Damon ont visiblement privilégié la première. De manière très symbolique le script est signé par le monteur et le réalisateur comme s’ils assumaient consciemment de plaquer leur histoire sur leur style, qui pour le coup n’a pas changé. Percutante, réaliste et viscérale, la caméra de Greengrass colle toujours aux personnages et aux lieux qu’elle capture à la volée. C’est impressionnant. Très. Surtout dans la séquence de début où Bourne tente de fuir un tueur au milieu d’une manif. Mais le pendant, c’est cette impression de voir un film de 2004 qui couvrirait l’actualité de 2016. Car Greengrass et Damon ont donc tenté de rendre un peu de pertinence à l’agent amnésique des 00’s. Bourne se retrouve dans une manif anticapitaliste en Grèce, affronte un mogul de l’ère Post-Snowden et doit se battre avec une clique de fonctionnaires qui font alliance avec un gourou des médias. Le résultat est un peu étrange : toujours aussi efficace et percutant (le combat dans les égouts contre Cassel et Damon est un sommet de la série par sa brutalité nette, sa rapidité d’exécution et le refus de toute virtuosité ou la course poursuite à Vegas monstrueuse, encore plus que la scène à Moscou de Supremacy), le film ressemble à un spectre revenant hanter une autre époque. Impossible de ne pas penser à une réplique balancée à l’autre superespion : « je pense que vous êtes un dinosaure, 007 », une relique d’un autre temps. Et c’est exactement ça : Jason Bourne ne veut surtout pas changer, mais tente de se réinventer. Pour ne pas finir amnésique ? Pierre Lunn

C’est quoi cette famille ? ** 
DE/ Gabriel Julien-Laferrière
Sept demi-frères et sœurs issus de huit parents plus ou moins liés, qui en ont marre d'être baladés de maison en maison en fonction des gardes, décident d'inverser les rôles et de s'installer dans un appart à eux. Comédie familiale parfaitement calibrée pour être diffusée en prime time à la télévision (alerte spoiler : on y chante tous ensemble du Polnareff à la fin), le nouveau film du réalisateur de Neuilly sa mère ! ne fournit pas de commentaire sur son époque mais permet de découvrir sept jeunes acteurs absolument bluffants d'énergie, volant la vedette à leurs aînés (de Julie Depardieu à Philippe Katerine, c'est un peu l'Expendables de la comédie française) forcément dépassés. Sylvestre Picard

Stefan Sweig, adieu l’Europe **
DE/ Maria Schrader
En 1936, un des plus grands écrivains allemands vivants quitte l’Europe. Partout où il se rend, on lui demande de réagir à ce qui se passe dans son pays. Mais Zweig refuse de prendre position et de s’exprimer sur le régime nazi. Beaucoup lui reprochèrent sa neutralité, et le film de Maria Schrader tente de la comprendre. Ce faisant, le film explore le rôle des intellectuels dans la vie politique et questionne la légitimité de leur engagement, sujet passionnant et intemporel que la réalisatrice semble avoir eu peur de tenir jusqu’au bout : dans ce cadre resserré sur les idéologies, les digressions sur la vie amoureuse de l’auteur de La Confusion des sentiments sont un peu moins captivantes. Vanina Arrighi de Casanova

Parasol * 
DE/ Valéry Rosier
La déprime de l’Occidental contemporain compactée dans des cadres géométrisés, à Majorque : il y a du Ulrich Seidl dans Parasol. L’influence de l’Autrichien est d’ailleurs revendiquée par le Belge Valéry Rosier, qui a néanmoins voulu délester le style du réalisateur de la trilogie Paradis de sa raideur clinique, pour la remplacer par une once d’humanité. De ce projet peu emballant émane une succession de vignettes sans âme à la loufoquerie volontariste, souvent pénibles de complaisance, arc-boutées jusqu’à la posture sur l’idée d’incommunicabilité : systématiquement isolés dans le plan ou décadrés, les personnages sont condamnés à tourner en rond, seuls, tels les animaux d’un zoo. Assommant. Eric Vernay