Choix n°1 : La French de Cédric Jimenez, avec Jean Dujardin, Gilles Lellouche...Synopsis : Marseille. 1975. Pierre Michel, jeune magistrat venu de Metz avec femme et enfants, est nommé juge du grand banditisme. Il décide de s’attaquer à la French Connection, organisation mafieuse qui exporte l’héroïne dans le monde entier. N’écoutant aucune mise en garde, le juge Michel part seul en croisade contre Gaëtan Zampa, figure emblématique du milieu et parrain intouchable. Mais il va rapidement comprendre que, pour obtenir des résultats, il doit changer ses méthodes.L'avis de Première : Ni remake ni suite du French Connection de William Friedkin (1972), La French est plutôt l’équivalent français du French Connection 2 (1975) de John Frankenheimer, puisque le film se situe à la même époque. Sauf qu’ici, la police hexagonale affronte la Mafia à Marseille sans Gene "Popeye" Hackman… Cédric Jimenez et Audrey Diwann consignent avec précision les faits et gestes de chacune des parties, le juge prenant sa mission à bras-le-corps (mandats d’arrêt, présence sur le terrain), tandis que le parrain fait régner la terreur (la scène où il oblige l’un de ses hommes de main à sniffer une montagne de coke). Le réalisateur et sa scénariste tissent habilement les liens de travail, d’amitié et de famille de chaque clan, ajoutant au "bon" une zone d’ombre (une ancienne addiction au poker) et donnant au "méchant" l’aura d’un patriarche faisant vivre sa communauté… La reconstitution se révèle soignée et Marseille, personnage à part entière, est superbement filmée. Tout cela se montre aussi efficace qu’un bon vieil Yves Boisset (au hasard, Le Juge Fayard dit le Shériff) et hautement référentiel (Martin Scorsese, Francis Coppola, Michael Mann, Brian De Palma). De même qu’on sent chez Dujardin (le juge) et Lellouche (Gaëtan Zampa) un plaisir de gamins à incarner de grandes figures ennemies à la Delon/Belmondo ou Pacino/De Niro. C’est donc un film qui, tout en s’inspirant d’une histoire tragique dont les ramifications font encore l’actualité, transmet l’idée d’un monde englouti et celle d’un cinéma révolu. L’intérêt qu’il suscite est étrangement suranné mais bien réel.Bande-annonce : Choix n°2 : Paddington de Paul King, avec la voix de Guillaume GallienneSynopsis : Paddington raconte l'histoire d'un jeune ours péruvien fraîchement débarqué à Londres, à la recherche d'un foyer et d'une vie meilleure. Il réalise vite que la ville de ses rêves n'est pas aussi accueillante qu'il croyait. Par chance, il rencontre la famille Brown et en devient peu à peu un membre à part entière. Suivant les pas d'E.T., Paddington illustre l'histoire universelle d'un étranger qui tente de faire sa place dans le monde, un divertissement pour toute la famille...Adaptation de la série de livres de l' Ours PaddingtonL'avis de Première : De même qu’au début de La Belle et le Clochard, Lady n’est censée dormir sur le lit de ses maîtres "que pour une nuit" les Brown n’ont prévu d’héberger Paddington qu’une soirée. Bien entendu, il va prolonger son séjour, et ce, en dépit des catastrophes qu’il ne cesse de provoquer, à commencer par une inondation mémorable. Pour décrire le quotidien bien rangé de la famille que l’ourson met en péril, le réalisateur puise dans le style de Wes Anderson : plans de coupe, maisons de poupées, objets ordonnés, musique inspirée de celle d’Alexandre Desplat... Un champ référentiel charmant, notamment rehaussé par l’emprunt aux frères Farrelly d’un orchestre qui vient rythmer les aventures du petit clan, comme dans Mary à tout prix. Paul King a donc du goût, mais aussi le sens du rythme. Cela explique qu’on ne s’ennuie pas une seconde devant son film, et plus encore qu’il parvienne à le clore par l’une des scènes de suspense les plus prenantes de l’année.Bande-annonce : Choix n°3 : Mr Turner de Mike Leigh avec Timothy SpallSynopsis : Mr. Turner évoque les dernières années de l’existence du peintre britannique, J.M.W Turner (1775-1851). Artiste reconnu, membre apprécié quoique dissipé de la Royal Academy of Arts, il vit entouré de son père qui est aussi son assistant, et de sa dévouée gouvernante. Il fréquente l’aristocratie, visite les bordels et nourrit son inspiration par ses nombreux voyages. La renommée dont il jouit ne lui épargne pas toutefois les éventuelles railleries du public ou les sarcasmes de l’establishment. A la mort de son père, profondément affecté, Turner s’isole. Sa vie change cependant quand il rencontre Mrs Booth, propriétaire d’une pension de famille en bord de mer.L'avis de Première : Le réalisateur de Secrets et mensonges filme les dernières années du grand précurseur de l'impressionnisme. Qualifié de romantique, puis de pré-impressionniste, Joseph Mallord William Turner a laissé à la postérité une œuvre admirable d’où émergent ses paysages et ses marines définis par des ambiances à la limite du fantastique. Le « peintre de la lumière » n’était cependant pas aussi exalté que ses tableaux pourraient le laisser supposer. C’est même tout l’inverse si l’on en croit Mike Leigh, qui le présente, de prime bord, comme un être taciturne et atrabilaire, voire détestable – il n’a même pas assisté à l’enterrement d’une de ses deux filles. Timothy Spall accentue cette caricature en la jouant ronchon pendant tout le film, ses principales interventions se résumant à un grognement d’animal. Mr. Turner n’est de facto pas un biopic aimable. Il n’est surtout pas conformiste : Leigh est suffisamment subtil pour ne pas faire du personnage un cliché ambulant de peintre excentrique et manipulateur. Le renfermement, presque psychotique, de Turner dissimule ainsi une pudeur de petit garçon qu’on constate à la mort de son père adoré, son confident et premier collaborateur, ou lorsqu’il rejoint sa vieille maîtresse au bord de la mer. Son cynisme de cour (il a une image d’Académicien à entretenir) est contrebalancée par son altruisme discret envers ses collègues. Comme un tableau est le fruit d’une succession de couches, il faut gratter derrière le grumeleux Mr. Turner pour en apprécier les nuances et l’humanisme contrarié. Magnifié par la photo incandescente de Dick Pope, c’est un hommage à la condition d’artiste, par essence solitaire et sans compromis. La lumière est à ce prix.Bande-annonce : Les autres sorties ciné de la semaine sont ici

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