A travers l’itinéraire d’un acteur-star du cinéma égyptien obligé de se coucher face aux autorités de son pays, le cinéaste suédois dresse un terrible portrait du pouvoir d'Abdel Fattah al-Sissi. En compétition.
Un baiser de cinéma à bord d’une décapotable lancée sur les routes des grands espaces américains. Nous sommes en plein tournage de la nouvelle production mettant en scène la vedette George Fahmy surnommé « le pharaon des écrans », sorte de Douglas Fairbanks oriental. Tarik Saleh débute ce nouveau long-métrage par des transparences et du carton-pâte dans des gigantesques studios de cinéma qui évoquent un lointain âge d’or. Nous sommes pourtant dans l’Egypte du président nationaliste Abdel Fattah al-Sissi réélu pour un troisième mandat en 2023 avec près de 90% des voix. Cet ancien chef du renseignement militaire a profité de la chute de Moubarak pour prendre un pouvoir qu’il n’entend pas lâcher. Si le contexte politique de ces Aigles de la République est bien réel, le drame qui va se jouer n’est que de cinéma (qui comme chacun sait reste « un moment du vrai »)
Notre « pharaon » George Fahmy est, en effet, un personnage fictif. C’est le génial Fares Fares, acteur d’origine libanaise et muse de Tarik Saleh : Le Caire Confidentiel, La Conspiration du Caire..., qui l’incarne avec toute la décontraction nécessaire. Une décontraction sur laquelle il vient placer une pointe de ridicule et de veulerie. Notre Fairbanks prend ainsi rapidement les traits d’un fanfaron de la comédie à l’italienne. Au diapason de ce personnage-fantoche, le film installe peu à peu une inquiétude d’autant plus forte qu’elle s’insinue dans un inconfort étrange. C’est que George Fahmy persuadé que son statut de star le protège de la pression du pouvoir en place voit peu à peu son champ d’action se réduire. Le voici bientôt obligé d’incarner Abdel Fattah al-Sissi dans un biopic à la gloire du leader conservateur.
L’homme résiste (un peu), revendique au nom de son art une liberté qui lui échappe totalement (entre les prises un censeur veille à ce que tout soit conforme aux souhaits de la présidence), puis finit par se laisser docilement porter.
Dans sa dernière partie Tarik Saleh cherche à percer un trou dans ce réel sous cloche soudain mis à mal par un acte de résistance inattendu mais à l’image de son protagoniste n’y croit pas vraiment. C’est peut-être ça qu'entend nous montrer ce film. Par un subtil jeu de montage et de mise à distance, le pouvoir dicte la propre représentation qu’il entend donner de lui-même. « On dit des mots qui ne sont pas les nôtres, on singe des émotions qui ne nous appartiennent pas... » se plaint l’acteur. Dès lors que le simulacre n’est pas questionné, le réel ne s’appartient plus.
De Tarik Saleh. Avec Fares Fares, Lyna Khoudri, Cherien Dabis, Zineb Triki.... Durée : 2h07. Sortie le 12 novembre 2025







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