La Reine Margot
Reine Margot (La) - © 1994 - PATHÉ FILMS - France 2 CINEMA - DA FILMS - RCS PRODUZIONE TV SPA - NEF FILMPRODUKTION

Il y a trente ans Patrice Chéreau adaptait Dumas et rejouait sur grand écran la Saint-Barthélemy. Cette fresque oppressante, avec une Adjani incandescente, ressort sur les écrans.

Au moment de la sortie en salles de sa Reine Margot, le 13 mai 1994, conjointement à sa présentation en grandes pompes au festival de Cannes, le cinéaste Patrice Chéreau ne cessait de rattacher cette « vieille » histoire de guerre des religions au temps présent. En ce début des années 90, l’éclatement de la Yougoslavie transperçait le centre de l’Europe avec son lot de violences aveugles (déplacement de population, épuration ethnique…) Il n’était donc pas délirant de raccorder le massacre de la Saint-Barthélemy, tuerie de masse en plein Paris des Hugenots (protestants) par les catholiques en août 1572 à cette sombre actualité.

Danièle Thompson, la coscénariste de cette adaptation d’un roman d’Alexandre Dumas, faisait elle remarquer que ce projet était né en 1989 alors que l’Iran enterrait son guide suprême, l’Ayatollah Khomeiny, chef de la Révolution islamiste. Près de trente ans plus tard, revoici donc La Reine Margot dans les salles dans un monde tout aussi - voire plus - fracturé qu’avant. Le sang - et Dieu sait si le film en regorge ! - n’a pas séché. Il brille dans la nuit. La Reine Margot, aussi macabre soit-elle, est d’une splendeur maudite.

La Reine Margot
Agence Méditerranéenne de Location de Films (A.M.L.F.)

Les Affranchis à la cour de Charles IX

Dans sa note d’intention censée convaincre des partenaires financiers, Patrice Chéreau avait d’ailleurs écrit : « Ce sera tout, peut-être, sauf un film historique. Ou plutôt, on essaiera de répondre à la question : comment faire aujourd’hui un film historique ? Quel rapport pouvons-nous avoir aujourd’hui à l’histoire, à notre histoire ? À une époque apparemment si éloignée de la nôtre ? Alors comment faudra-t-il l’appeler, ce film ? Thriller historique ? Histoire de mafia ? Drame psychologique ? »

Parmi la liste de films que le cinéaste avait listé pour la préparation du sien, il avait : Les Affranchis, Raging Bull, Le Parrain 1 & 2, Henry V, Ran et Les sept samouraïs. C’est dire si la visée était haute. On notera que Chéreau se foutait pas mal de la précédente adaptation de La Reine Margot par Jean Dréville, en 1954, avec Jeanne Moreau.

Que raconte au juste cette Reine Margot ? Le roman de Dumas paru en 1845 est le premier volet d’un trilogie baptisée "Guerres de religion" ou "trilogie des derniers Valois". Il débute par le mariage arrangée (euphémisme !) de la catholique Marguerite de Valois, sœur de Charles IX avec le protestant Henri de Navarre. Une union censée calmer les esprits. Sauf que le manque d’amour de ces deux êtres traduit une haine politique et religieuse qui va bientôt s’incarner par le massacre des protestants par les catholiques en plein Paris.

Au cœur de ce chaos sanglant, Marguerite de Valois dite "Margot" va tomber amoureuse d’un jeune Huguenot semant un peu plus de trouble au sein de sa propre famille où se trament des luttes intestines.

La Reine Margot
Agence Méditerranéenne de Location de Films (A.M.L.F.)

La fièvre dans le sang

C’est le producteur Claude Berri qui propose à Patrice Chéreau d’adapter Alexandre Dumas. Un choix plutôt incongru tant Chéreau, homme de théâtre réputé et cinéaste du genre intimiste (L’Homme blessé, Hôtel de France…), n’est pas du genre à verser dans le grand barnum historique. D’autant plus surprenant que Berri lui avait d’abord proposé de se pencher sur Les Trois Mousquetaires. Chéreau ne voyant pas très bien ce qu’il aurait à raconter à propos de d’Artagnan avait écouté Danièle Thomspon qui lui avait fourgué en loucedé La Reine Margot. Banco. Tout y est : la fièvre, le sang, les corps, le sexe… Moins vendeur à priori que les mousquetaires, il faudra batailler ferme pour faire vivre Margot.

Etouffée et étouffante

Le reste appartient à l’histoire : un tournage épique avec un Chéreau comparé à un fauve qui encercle ses interprètes pour mieux faire jaillir leur inquiétude ; une Isabelle Adjani magistrale qui a vu le Prix d’interprétation cannois lui passer sous le nez au profit de sa partenaire Virna Lisi aka Catherine de Médicis (un coup de vice de la co-présidente du jury Catherine Deneuve ?) ; le reste du casting en état de grâce : Anglade, Auteuil, Greggory, Pérez, Blanc… et une mise en scène étouffée et étouffante qui donne au spectateur la sensation d’être littéralement embarqué sur le Radeau de la Méduse de Géricault..

Chéreau a donc bien réinventé la Renaissance, lui donnant l’allure d’une messe pour les temps présents et à venir.

Isabelle Adjani raconte le tournage mythique de La Reine Margot

France. La Reine Margot. De Patrice Chéreau. Avec : Isabelle Adjani, Daniel Auteuil, Jean-Hughes Anglade… Durée : 2h41. Ressortie en salles à partir du 1er octobre.


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