Sundown, le nouveau Michel Franco, impressionne, tandis qu’Ana Lily Amirpour sonne l’heure de la récré avec Mona Lisa and the Blood Moon.
Six ans après Chronic, qui était reparti de Cannes avec le Prix du Scénario (drôle d’idée), Tim Roth retrouve Michel Franco pour Sundown, présenté en compétition à Venise. Un film costaud, très maîtrisé, portrait d’un homme en rupture de ban, qui se regarde comme une espèce de puzzle existentiel. Il vaut mieux en savoir le moins possible avant de s’asseoir devant ce film, tant il fonctionne selon un principe d’énigme, à laquelle chaque nouvelle scène, chaque inflexion du récit, apportera une bribe de réponse supplémentaire. Contentons-nous de dire que Sundown commence dans un hôtel ultra-luxueux, au Mexique, où un homme, une femme et deux adolescents passent des vacances paradisiaques, avant qu’un événement imprévu ne les oblige à rentrer précipitamment chez eux, à Londres.
L’homme (Tim Roth) va trouver un prétexte bidon pour rebrousser chemin à la dernière minute, juste avant que l’avion ne décolle. Là, sous un soleil de plomb, il va lentement se laisser glisser, organiser le minutieux dérèglement de son existence. Michel Franco arrive à créer du suspense, une très grande tension, avec trois fois rien, seulement une extraordinaire gestion de la durée, la capacité de conférer une véritable pesanteur aux détails les plus infimes, et la puissance d’incarnation de Tim Roth, vraiment génial. Le film est par ailleurs parcouru d’un humour noir et pince-sans-rire assez irrésistible. Les détracteurs de Franco lui reprochent une forme de sadisme, un goût pervers pour la manipulation, et il y a parfois, c’est vrai, quelque chose de trop programmatique dans la façon dont le film est zébré de flashs de violence ou de visions choc. Sundown serait peut-être encore plus fort s’il avait été plus dégraissé, moins chargé en péripéties. Quoi qu’il en soit, l’image de Tim Roth tournant le dos à son resort idyllique pour aller s’asseoir sur une chaise en plastique pourrie sur une plage d’Acapulco, sans autre ambition que de boire des bières jusqu’à plus soif et de regarder la marée monter, restera une vision inoubliable.
En compétition elle aussi, Ana Lily Amirpour dégoupillait de son côté Mona Lisa and the Blood Moon, la récré "décomplexée" du festival. La réalisatrice, qui bosse beaucoup à la télé (cool CV : Legion, Castle Rock, Briarpatch, La Quatrième Dimension de Jordan Peele, bientôt le Cabinet de Curiosités de Guillermo del Toro…) a abandonné les manières précieuses et néo-jarmuschiennes de son premier long, A Girl Walks Home Alone at Night, pour se vautrer joyeusement dans une imagerie fantastique, sexy et garage rock, sans véritable autre ambition que de nous faire passer un bon moment.
C’est la pleine lune à la Nouvelle-Orléans : Mona Lisa Lee (Jeon Jong-seo, de Burning) est une fille douée de pouvoirs télékinésiques qui lui permettent de contrôler mentalement les gens qu’elle rencontre et de leur faire faire ce qu’elle veut. Le film commence quand elle s’échappe de l’asile infernal où elle était enfermée (et maltraitée) et vient semer la pagaille dans le Quartier Français. Elle va croiser le chemin d’un flic obstiné (Craig Robinson) qui essayera de pratiquer le vaudou sur elle, et d’une stripteaseuse grande gueule (Kate Hudson) qui décide d’utiliser les super-pouvoirs de Mona Lisa pour pousser les amateurs de lap-dance à lui lâcher de plus gros pourboires. Le film ressemble à ce personnage secondaire de rabatteur sympa qui mange des sandwichs graisseux tout en essayant d’attirer le chaland dans son strip-club : « Tits and ass ! Tits and ass ! » Les couleurs pètent, Jeon Jong-seo hypnotise, la tapisserie electro euphorisante fait oublier les trous d’air du scénario, et le souvenir du film commence à se désagréger quelques minutes seulement après la projection.
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