DR

Avec Zero Theorem, Terry Gilliam revient à une forme de science-fiction qui fait penser inévitablement à Brazil, à cause de son personnage principal manifestement mal à l’aise dans un environnement qu’on serait tenté de qualifier d’Orwellien. Sauf que cette fois, il ne s’agit plus de dénoncer une société totalitaire dont il faudrait s’évader par tous les moyens. Ici, le héros est enfermé dans une prison qu’il a lui-même construite, sous la pression il est vrai d’un environnement peu propice à l’épanouissement.Adaptant le script du nouveau venu Pat Rushin, Gilliam illustre à sa façon un univers qui n’est pas tant une vision futuriste que l’interprétation grotesque d’une société contemporaine dominée par la compétition, la réalité virtuelle et les publicités extraordinairement agressives.Christoph Waltz, le crâne rasé, joue Qoen Leth, un programmateur informatique obsessionnel et asocial dont les performances lui valent une promotion. En échange du privilège de travailler chez lui, il doit résoudre le théorème zéro, qui consiste à prouver que zéro = 100%. Plus il approche de la solution, plus il la sent s’éloigner. Au bord de la folie, Qoen attend avec de plus en plus impatiemment l’appel qui devrait tout résoudre. Il est persuadé que “la direction” (incarnée par Matt Damon qui apparaît périodiquement sous forme d’avatar), va un jour l’appeler pour donner à sa vie le sens qui jusqu’à présent lui a fait cruellement défaut.En fait, Qoen est la victime dépressive de sa propre dépendance à la réalité virtuelle. Et lorsque le fameux appel se présente sous une forme inattendue, il est incapable de s’en rendre compte.  En dépit d’un budget très réduit, Gilliam réussit quand même à inventer un univers visuellement très fort. Tournant à Bucarest, aussi bien en extérieurs qu’en studio, il a créé quelques décors mémorables dont les pièces maîtresses sont le repaire de Qoen, une église désaffectée qui ressemble à une foire à la brocante, ainsi qu’une plage tropicale, construite sur un bassin gigantesque avec des vagues, et complétée par des extensions virtuelles sur écran vert.Dans un registre inhabituellement tragique, Christoph Waltz s’affirme une fois de plus comme un premier rôle ultra solide, tandis que Mélanie Thierry assure dans un rôle risqué de séductrice virtuelle.Gérard Delorme