Avec le 3e chapitre de son anthologie "true crime", Ryan Murphy exhume l’un des criminels les plus terrifiants de l’Amérique devenu croquemitaine de cinéma. Un récit cauchemar totalement fascinant, qui cache un hommage au 7e art... pour rendre tout ça supportable ?
C'est quasiment un retour aux origines du mal pour l’anthologie "true crime" de Ryan Murphy et Ian Brennan.
Vous n’êtes pas prêt pour Ed Gein, meurtrier américain du fin fond du Wisconsin, incarnation de l’ignominie humaine à son paroxysme depuis les années 1940. Ed Gein, c’est le psychopathe absolu, le tueur sans conscience ni limite. Si le portrait de Dahmer avait quelque chose de véritablement glaçant et le procès des frères Menendez d’assez troublant, cette nouvelle saison de Monstre – lancée ce vendredi sur Netflix – bascule, elle, dans l’horreur pure et simple.
Tout commence dans sa petite ferme du Midwest. Ed, garçon nigaud et influençable, vit sous le joug d’une mère inquiétante, femme de foi rigoriste aux punitions brutales. Marqué par la violence psychologique de sa génitrice, par le départ de son père, mais aussi par la révélation des camps de la mort et la barbarie nazie, le jeune fermier nourrit des pulsions de plus en plus sombres. De plus en plus sordides. Jusqu’au jour où son frère aîné lui annonce qu’il quitte la maison pour de bon..
Petit saut dans le temps : lorsque les autorités découvrent sa ferme, à la fin des années 1950, elles tombent sur un spectacle cauchemardesque qui résonnera pendant des décennies dans le cinéma d’horreur. Ed Gein, c’est le tueur qui a inspiré Psychose, Massacre à la tronçonneuse ou Le Silence des agneaux. Un véritable croquemitaine que Ryan Murphy et Ian Brennan auscultent sous toutes les coutures.
Un assassin pilleur de tombes nécrophile
D’abord, ils tentent d'expliquer, à travers une saisissante étude psychologique. Parce qu'on veut toujours comprendre. Mais très vite, le récit bascule vers le terrifiant des faits divers. Des meurtres spectaculaires d’Ed Gein, ils retiennent surtout la folie brute, celle d’un déséquilibré déconnecté. Un schizophrène jamais diagnostiqué, capable de tuer n’importe quand sans jamais prendre conscience de ses gestes. La collection macabre de Gein est si délirante qu’elle semble irréelle : on parle quand même d'un pilleur de tombes nécrophile qui prenait son petit déj' dans un crâne humain et avait fini par découper le visage de sa mère morte pour s’en faire un masque. Ses obsessions malsaines allaient jusqu’à une fascination inimaginable pour Ilsa Koch, la "sorcière de Buchenwald", connue pour avoir confectionné des objets avec la peau des prisonniers du camp.
Comment jouer un truc pareil ? Charlie Hunnam y va à fond. Il donne à Gein une petite voix de "tueur à maman" déroutante et décomplexée. Il est à la fois stupéfiant de calme et terrifiant de violence. Mais il est tellement habité qu’on finit par regarder sa performance avec une certaine distance. C’est le reproche qu’on pourrait faire à cette saison 3 – au demeurant très réussie : Monster va si loin dans l’abject que cela crée comme un filtre involontaire. Impossible de se convaincre qu’une telle monstruosité ait réellement existé : on regarde cette petite boutique des horreurs comme un fascinant spectacle.
De la naissance de Psychose à Massacre à la tronçonneuse
C’est sans doute aussi pour cela que Ryan Murphy a choisi de transformer son Monstre en hommage au 7e art, scrutant la trace laissée par Gein dans la culture américaine. La série fait souvent des pas de côté, délaissant le "true crime" pour montrer son influence sur le cinéma. Les auteurs mettent même en scène Alfred Hitchcock (interprété par Tom Hollander) en pleine création de Psychose, révélant comment Anthony Perkins s’est emparé du personnage, qui vivait lui-même une double vie à Hollywood (contraint de cacher son homosexualité). Puis vient Massacre à la tronçonneuse, qui reprend les "trophées" de Gein. Monstre retrace ainsi presque l’histoire du cinéma d’horreur en montrant comment l’horreur réelle a nourri l’imaginaire collectif.
Oui, il y a beaucoup de choses dans cette saison 3. Peut-être un peu trop. À force de multiplier les prismes, la série dilue l’épouvante et fait parfois moins peur qu’elle aurait pu. Certainement que 8 heures d’Ed Gein sans filtre auraient été inregardables. Une telle horreur, l’humanité n’est pas prête à la prendre de front.
Monstre - Ed Gein, en 8 épisodes, à voir sur Netflix à partir du 3 octobre 2025







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