Le monde de demain arte
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Anthony Bajon et Melvin Boomer nous racontent comment ils sont devenus Kool Shen et JoeyStarr pour la série Arte.

NTM remonte sur scène, demain soir, sur Arte. Les premiers épisodes de la série Le Monde de demain (déjà dispo en streaming sur Arte.tv) lanceront les jeunes Bruno Lopes et Didier Morville dans le bain du hip-hop, au coeur des années 1980.

Pour incarner les deux rappeurs en herbe, découvrant les bases d'un tout nouveau style qui va révolutionner la musique, les trois créateurs (Katell Quillévéré, Hélier Cisterne et David Elkaïm) ont misé sur un duo qui crève l'écran : Anthony Bajon et Melvin Boomer.

"La première fois qu'on m'a présenté Anthony pour jouer Kool Shen, j'ai dit : c'est pas possible !" se souvient pour Première Melvin Boomer en rigolant "J'étais déjà en mode JoeyStarr. Lui, il est arrivé, il n'avait pas encore la coupe mulet, il était tout gentil... c'était juste pas possible. Et puis il m'a fait fermer ma bouche... Tout de suite il est rentré dans le délire hip-hop. C'était impressionnant.  En fait, on a bossé énormément. Surtout, on a tous essayé de se tirer vers le haut. On est devenu un crew tout de suite. On a pris la bonne mentalité. On s'est tous apporté quelque chose : moi j'ai partagé mon savoir-faire en hip-hop avec Anthony et lui m'a apporté en acting parce que c'était une première pour moi..."



Tous deux sont nés à la fin du XXe siècle et n'ont pas vraiment connu la grande époque du Suprême NTM. Mais même pour eux, le groupe de Saint-Denis demeure une référence absolue. Anthony Bajon assure qu'il y a "certains classiques que tout le monde écoute encore ! Peut-être que la nouvelle génération ne connaît pas les chansons moins médiatisées, mais tout le monde connaît encore les très grands morceaux de NTM. Ce sont les papas des rappeurs qu'on écoute aujourd'hui. Ce sont un peu des Sensei du rap ! Du coup, on écoute un peu de NTM à travers les nouveaux artistes..." Melvin Boomer, qui vient du monde du hip-hop avant de jouer la comédie, raconte même qu'il "breake encore avec (ses) potes, à Montreuil, avec du NTM dans l'enceinte ! Ca tape des gros passages !" Pour les deux acteurs, l'image sulfureuse de JoeyStarr et Kool Shen n'a jamais terni leur héritage musical : "On s'en fout un peu. Ca a pris beaucoup de place médiatiquement, mais ces types-là étaient des bagarreurs et ils ne s'en sont jamais cachés. Quand tu creuses un peu, tu vois qu'il y a énormément de respect. Beaucoup d'amour et une vraie passion. Ces mecs étaient des charbonneurs avec le goût du travail. Et j'espère que ça transpire de la série. Ils avaient envie d'être entendus et pour ça, tous les moyens étaient bons."

Il faut dire que JoeyStarr, notamment, s'est beaucoup investi dans la production du Monde de demain. Le rappeur a surtout échangé avec Melvin Boomer, son interprète dans la série. "Il est venu sur le plateau assez souvent, en balançant des trucs du genre (il imite) : "Hé mec, faut tout reprendre à zéro !" (rires). Non, en vrai, il m'a laissé beaucoup de liberté. Parce que dans un biopic comme celui-là, l'idée n'est pas copier la réalité. C'est de restituer les faits de l'époque. Joey nous a donné les éléments, il m'a expliqué son état d'esprit et sa mentalité  du moment. Souvent, il me prenait à part et me racontait comment il avait découvert tel lieu, comment il analysait ceci ou cela. Après, c'était à moi en tant qu'acteur de savoir sur quoi je voulais mettre l'accent. J'étais libre d'incarner Joey comme je le voulais."

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Il a quand même fallu assurer musicalement. Rapper certaines séquences. Donner du flow. De la voix. Et ce fut certainement le truc le plus compliqué pour Melvin Boomer : "Joey, il est hors-beat. Il rappe à contre-temps. Et ça, c'est hyper dur à choper, sans parler de réussir à reproduire son timbre de voix hyper grave. On n'avait plus de voix à force. Le jour où il a fallu tourner la scène du concert, on avait déjà la voix complètement cassée à force de s'entraîner." Anthony Bajon valide : "On a tourné au gingembre pur ! C'était dur, un truc de fou. Surtout pour moi qui n'avait jamais rappé avant. Il a fallu que je m'y reprenne un paquet de fois pour y arriver. Heureusement, on a enregistré le concert en studio et ce qu'on voit à l'écran, c'est en grande partie du playback évidemment. Mais on n'a jamais été doublé pour ces séquences."

Déjà deux fois nommé aux César et Ours d'argent du meilleur acteur à Berlin pour La Prière de Cédric Kahn (en 2018), Anthony Bajon est déjà une star montante du grand écran. Mais en matière de hip-hop, le comédien de 28 ans était un novice. Il a ainsi pris des cours de danse pour donner du corps à sa prestation. "Mais j'ai été doublé au niveau du break !" avoue-t-il tout de suite. "Oui, j'ai breaké un petit peu sur le tournage, modestement, mais je n'ai pas fait la coupole pour de vrai par exemple ! C'est important de le dire, par respect pour les gens du hip-hop. Ce serait une insulte de faire croire aux gens qu'on peut passer la coupole comme ça pour une série. Pour tous ceux qui breakent depuis tout petit et qui se sont niqués les doigts à force d'essayer, on ne peut pas faire croire ça..." Melvin Boomer, grand spécialiste de break-dance le coupe : "Attends, on s'était quand même fixé comme objectif que tu arrives à passer la coupole une fois ! Et le mec a réussi un tour de coupole ! C'est un truc de ouf ! J'ai des gamins dans mon cours de break, qui sont là depuis deux ou trois ans, et qui n'y arrivent toujours pas. Alors big up Anthony !"

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Les autres membres du casting aussi ont dû travailler dur pour se mettre dans la peau de ces icônes du rap. Andranic Manet incarne Daniel Bigeault alias le DJ Dee Nasty, celui qui a ramené le hip-hop de San Francisco à Saint-Denis. Et avec Victor Bonnel (alias DJ S), ils ont carrément "pris des cours avec le vrai Dee Nasty pour être crédibles dans les scènes où il fallait qu'on mixe. Un an avant le tournage, toutes les semaines, j'allais chez lui. Il me passait des vinyls et je bossais des enchaînements. A l'arrivée, je ne suis pas doublé dans la série et c'est une vraie fierté."

Le résultat est spectaculaire. Le Monde de demain s'impose comme la chronique ultime de l'arrivée du hip-hop en France. Une petite page de l'histoire de la musique, qui passe par Sidney et son émission HIP HOP ; par des "sapes à l'ancienne pas si démodées que ça en fait" selon Melvin Boomer, qui a ramené quelques fringues du tournage à la maison ; et par une coupe mulet d'anthologie, qu'Anthony Bajon n'a, pour le coup, pas ramené chez lui : "À la fin j'en avais un peu marre... Tout le monde avait une coupe un peu spéciale dans cette série, c'est vrai... mais je n'allais pas la garder non plus ! Je comptais bien retrouver une vie sociale et sentimentale normale après le tournage !"