Arte et France tv proposent deux programmes revenant sur les prémices de la poupée la plus célèbre du monde.
En regardant d’un peu plus près l’histoire de Barbie, on se rend rapidement compte que Greta Gerwig et Noah Baumbach se sont très bien documentés sur la poupée la plus célèbre du monde. À l’occasion de la sortie en salles du film avec Margot Robbie et Ryan Gosling, deux chaînes de télé ont décidé de programmer des documentaires sur le jouet Mattel. Ce vendredi 4 août sur Arte, on retrouve notamment Barbie, la femme parfaite ?, réalisé par les Allemands Julia Zinke et Nicola Graef. Il y a un peu plus de deux mois, France tv diffusait également Et dieu créa Barbie, un documentaire de Julie Delettre et Gabriel Garcia, disponible jusqu’au 5 septembre sur la plateforme francetv.fr.
Après avoir visionné ces deux films, les choix scénaristiques des auteurs de Barbie prennent alors tout leur sens. Dans la fiction, rien n’a été laissé au hasard : de manière assez fidèle, le récit concorde avec une partie des choix marketing de la marque, qui a par conséquent eu un impact sur les petites filles du monde entier. Ainsi, si le discours du film peut parfois paraître ambivalent, c’est surtout parce que Mattel l’est depuis le départ.
Voici cinq informations éclairantes à avoir en tête :
Barbie : la promo en fait-elle trop ?Barbie, la toute première poupée adulte et indépendante
Avec l’arrivée de Barbie sur le marché américain dans les années 60, apparaît la toute première poupée adulte. Avant cela, les petites filles ne pouvaient jouer qu’avec des poupons. Autrement dit, elles ne pouvaient jouer qu’à la maman. Désormais, elles tiennent dans leurs mains une femme miniature, en 3D, et peuvent se projeter dans leur vie futur autrement qu’à travers la maternité. C’était notamment le but de Ruth Handler, créatrice de la poupée Barbie, dont le nom a été inspiré de sa fille Barbara. Dans les années 60, cela représentait une petite révolution. D’ailleurs, les cadres de Mattel avaient une peur bleue de s’attirer les foudres des conservateurs. Pour les rassurer, le ton est donné : oui, Barbie est frivole et attachée à son image, mais rassurez-vous, c’est uniquement dans le but d’accéder au mariage.
Malgré tout, au fil des années, Barbie ne deviendra jamais mère de famille. Au lieu de cela, elle enchaîne les professions, parfois même uniquement réservées aux hommes, à commencer par Barbie présidente. Barbie astronaute, chercheuse ou chirurgienne prennent la relève : avant même que les femmes n’aient accès à un compte en banque, la poupée menait son chemin vers les métiers masculins. D’ailleurs, le documentaire Arte montre bien comment Mattel surfe sur l’empowerment depuis toujours. Tous les ans, la marque distingue des femmes pour leur carrière, et continue de s’autoproclamer entreprise pour l’émancipation féminine. Cette multiplication des postes de pouvoir est largement reprise dans le film de Greta Gerwig, où les Barbie contrôlent le monde rose et sont loin de connaître le mot patriarcat.
Dans le marketing de Mattel, Ken a toujours joué un rôle secondaire
Si Ryan Gosling peine à trouver sa place dans le monde de Barbie, ce n’est pas un hasard. Toute petite fille qui possède une Barbie le sait : quand on s’invente des histoires avec ses poupées, Ken n’a jamais le rôle principal du scénario. La vraie star, c’est elle. Dès le départ, c’était l’objectif de Mattel, qui n’a jamais jugé nécessaire de créer une personnalité au compagnon de Barbie. Au contraire, dans la stratégie marketing de la marque, on fait tout pour qu’il prenne le moins de place possible, et qu’il lui laisse toute la lumière. Ken est créé deux ans après elle, en 1961, et porte le nom du fils de Ruth Handler. Il faudra attendre les années 70 pour que d’autres variantes du personnage soient développées.
Les pieds courbés de Barbie : la faute à la mode des talons aiguilles des années 50
Barbie, la femme parfaite ? montre bien que, malgré de nombreuses évolutions, Barbie garde son héritage des années 50. Notamment, quelques années avant sa création, les premiers talons aiguilles, fabriqués à partir d’une tige d’acier plutôt qu’en bois, venaient d’être revendiqués par les Italiens. Les plus grandes actrices s’étaient déjà accaparées ces chaussures élégantes créant des jambes élancées. Résultat : dans l’imaginaire collectif, Barbie porte des talons en toute situation, et il faudra attendre 2015 avant que la première poupée aux pieds plats fasse son apparition sur le marché.
Le documentaire France tv va un peu plus loin, et met en avant trois actrices américaines des années 50 qui auraient inspiré le physique de Barbie au-delà de ses pieds : Marilyn Monroe, Mamie Van Doren et Jayne Mansfield (“les 3M”). Le documentaire s’attarde surtout sur cette dernière, qui incarnait le modèle de pin up. Pour atteindre sa taille de guêpe, elle devait notamment porter des corsets. Représentant bien plus qu’un physique, Jayne Mansfield a surtout construit sa carrière entière autour de sa personnalité girly affirmée. Notamment : avant Barbie, l’actrice habitait déjà dans un palace tout de rose vêtu : voiture, moquette, et même baignoire en forme de cœur, largement médiatisés à l’époque.
Avec le temps, Barbie a gardé le corps de rêve vendu dans le cinéma et les pubs. Ainsi, plusieurs décennies plus tard, on continue de vendre un corps impossible à atteindre sans le “travailler” via la chirurgie esthétique ou le corset. Dans la vie réelle, 1 femme sur 2 milliards possèderait une telle morphologie, nous explique-t-on dans le documentaire.
Dans les années 60, Mattel veut rendre sa marque plus inclusive
Comme toute entreprise capitaliste, Mattel a bien dû s'adapter aux évolutions sociales, et tirer des leçons de ses nombreuses polémiques au fil des années. Notamment, on se souvient de “Barbie pyjama party”, kit de 1965 dans lequel était fourni une balance et un manuel “Comment perdre du poids ? Ne mange pas”. Le modèle original, désigné comme “Barbie stéréotypée” dans le film de Greta Gerwig, est alors décliné de manière plus inclusive. Mattel commence par commercialiser une première poupée de couleur, Francy, en 1966. Mais la première Barbie Noire n’arrivera qu’en 1980. Par la suite, la marque développe 175 poupées différentes pour marquer son inclusivité. Plus récemment, des poupées aux morphologies plus réalistes sont apparues sur le marché, ainsi que des Barbie en fauteuil roulant, atteintes d’une maladie de peau ou encore de trisomie 21. En 2018, l’artiste nigériane Haneefah Adam a également conçu la première Barbie voilée. Le documentaire Arte rappelle que Ruth Handler avait envisagé Barbie comme le reflet de son époque, et souhaitait donc qu’elle évolue constamment.
Lilli, l’ancêtre allemande de Barbie
Certes, Greta Gerwig et Noah Baumbach ont souhaité s’appuyer sur le contexte historique de Barbie, dès sa création en 1959 (et le font très bien d’ailleurs). En revanche, ce dont on entend pas parler dans le film, c’est ce qu’il s’est passé avant. En réalité, Ruth Handler a plus ou moins copié une poupée allemande qui existait déjà : Lilli. Et oui, Barbie a une ancêtre. Lors d’un voyage en famille en Europe, la femme d’affaire tombe par hasard sur une petite figurine en vitrine. Vendue avec le tabloïd Build, elle a été créée à l'effigie d’un personnage de vignette humoristique qui figure tous les jours dans le journal. D’une extrême minceur, avec des jambes interminables et une taille de guêpe, Lilli est sexy et attirante. Autrement dit, Lilli a été créée par et pour les hommes. Dans Et dieu créa Barbie, on apprend également qu’elle était régulièrement achetée par des hommes, qui l’offraient à des femmes avec un sous-entendu grivois. Mais Ruth Handler ne perd pas pour autant son idée de vue, et compte bien faire de Barbie une version plus soft de Lilli, destinée aux petites filles. En rentrant en Californie, elle s'aperçoit que la poupée n’est pas brevetée aux Etats-Unis, et décide de se lancer.
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