Adaptation virtuose de la pièce de Wajdi Mouawad, Incendies, de Denis Villeneuve, débarque enfin en DVD auréolé de sa nomination à l’Oscar du meilleur film étranger.Première : Le principal défi d’Incendies était de rendre cinématographique un texte purement théâtral et réputé comme inadaptable. Vrai ?Denis Villeneuve : En partie, oui. La pièce durait 3H30 et je n’avais pas les moyens financiers de tourner un film aussi long. Du coup, j’ai préféré me recentrer sur les personnages féminins, qui m'apparaissaient comme des vecteurs dramatiques plus intéressants que les hommes. L’essentiel du travail d’adaptation se situe là. Le film frappe aussi par ses propositions esthétiques très fortes, à la limite de l’expérimentation...C’est le mot, oui. Avec mon chef op, André Turpin, on s’était fixé comme challenge de travailler pour la première fois entièrement en lumière naturelle. Un saut dans le vide total pour nous deux. Pourquoi ce choix de travailler sans lumière additionnelle ?C’est la découverte de Babel qui m’y a poussé. Je voulais retrouver la spontanéité des images d’Inarritu, parce que mon sujet me l’imposait (à la demande du testament de leur mère, un frère et sa sœur partent au Moyen Orient à la recherche de leurs racines). Il fallait à tout prix cette lumière naturaliste pour contrebalancer la force des rebondissements, sans quoi le film aurait sombré dans le pathos larmoyant. D’ailleurs, comme dans tous les bons mélos, on pleure à la fin en se disant qu’on aurait presque pu en rire...On est constamment sur le fil du rasoir. Il suffit de tomber du mauvais côté pour que le film soit bon à mettre à la poubelle. Si tu mets un coup d’accélérateur au mauvais moment, tu vas direct dans le mur. Ça m’a hanté chaque nuit sur le tournage : veiller à ne pas en faire trop...Cette nomination aux oscars et ce succès un peu partout dans le monde ont dû vous rassurer.J’ai toujours du mal à y croire. Ça va m'offrir le luxe de pouvoir tourner de temps à autre un film de commande. Je commençais à être épuisé de jouer ma carrière sur des projets aussi personnels. Au fond, j’ai toujours rêvé d’être un artisan.Interview François Grelet
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