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Il y a eu plusieurs vrais gagnants à la dernière cérémonie des César. D’une part, évidemment, Guillaume Gallienne, qui poinçonnait son ticket d’entrée dans la famille du cinéma français, et vécut une soirée en forme de grand chelem en raflant chacune des récompenses où il était personnellement nommé. Le Mats Wilander du cinéma français. De l’autre, ses producteurs, Édouard Weil (qui a bossé avec pas mal d’auteurs « Cahiers du cinéma », comme Valérie Donzelli, Philippe Garrel ou Olivier Assayas), et Cyril Colbeau-Justin et Jean-Baptiste Dupont, le binôme qui se cache depuis quinze ans derrière la société de production LGM. Une boîte jusque-là plutôt spécialisée dans le cinéma populaire (le duo a relancé la mode du polar made in France avec 36, quai des Orfèvres, d’Olivier Marchal, offert leurs premiers succès ciné à Kad et Olivier, s’est acoquiné avec Fabien Onteniente et vient de cartonner avec Boule et Bill) qui a connu, ce soir-là, son premier véritable triomphe institutionnel.Chic et franchouillardÀ première vue, l’association Weil/LGM sonne complètement contre-nature, presque aberrante. Elle colle pourtant impeccablement avec l’ambition cinématographique des Garçons et Guillaume, à table !, expliquant en creux sa dimension de prototype et sa manière de faire un grand écart, qui aura mis tout le monde d’accord, entre cinéphilie chic (sujet socio, visées introspectives, scènes baroques sur fond de Supertramp) et gaudriole franchouillarde (où l’on croise encore des masseurs sadiques qui s’en prennent à des corps fluets, comme si rien n’avait changé depuis Gérard Oury). L’ironie, là-dedans,c’est qu’en voulant célébrer unanimement la naissance d’un auteur comme elle les aime, l’Académie des César a aussi mis en lumière un énorme coup de producteurs, redoutablement malins et avisés. Et c’est pour l’instant là que se trouve la force du cinéma de Gallienne, dans cette manière de s’acquitter de standards très précis, tout en donnant l’impression de ne faire aucune concession sur le cahierdes charges. Pour le coup, oui, on peut appeler ça un vrai tempérament de cinéaste.François Grelet