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Les Anarchistes de Elie Wajeman
Thriller historique qui a pour cadre le Paris de 1895 et l’activité d’un groupe anar, Les Anarchistes est un remake en chambre de Traître sur commande passé aux couleurs de Caillebotte (sublime photo de David Chizallet). Si Wajeman cite Bakounine et Louise Michel, le film approfondit moins les options politiques du mouvement qu’une belle réflexion sur la langue, la rébellion et la fidélité et s’attache surtout à la romance entre Jean (le flic infiltré impeccable) et la compagne du leader, incarnée par Adèle Exarchopoulos. Comme en son temps pour Le Voleur de Louis Malle on lui a reproché la sagesse et le classicisme d’un sujet subversif. Méprise. Comme dans le film de Malle ce qui impressionne ici, c’est autant la dimension (un petit film qui voit grand) que le charme des acteurs. La beauté des filles (emmenée par Adèle en idéaliste amoureuse) fait écho à la puissance des mecs et par-dessus tout Swann Arlaud idéal de beauté sèche, marmoréen et mélancolique et Tahar génial en héros tourmenté, indécis. 

Comme un avion de Denis Podalydès
Deux ans après Adieu Berthe, fantaisie funéraire rétro parcourue par l’angoisse de la mort, Comme un avion ressemble à un antidote. Qu’est-ce qu’il y a dans la drôle d’embarcation du frère Poda : un personnage lunaire qui monologue sur tout et rien, tente de se laver des songes noirs qui l'habitent et finira par se battre, seul, dans une prairie, avec sa tente de camping, avant de s'écrouler, vaincu par le plaisir — et l’alcool. Il y a aussi un collègue sympa mais relou (Denis P le frère), une voisine nympho (Noémie Lvovsky), une jolie routarde qui pleure quand il pleut (Vimala Pons) et des situations surréalistes, rocambolesques, improbables. Mais sous la comédie hilarante, les caprices de la narration, le charme vaudevillesque : la gravité. En trouvant le point d’équilibre entre peinture sociale et liberté formelle, en mélangeant observation ludique du quotidien et poétisation du réel, noirceur éthérée et légèreté grave, il livre un hymne aux plaisirs simples, une fable anti-stress, qui rend heureux.

Belle Familles de Jean-Paul Rappeneau
Après Bon Voyage, Belles Familles. Pas un hasard. A l'unisson de ses titres allègres et cordiaux, Rappeneau pratique un cinéma harmonieux, espiègle, où se glisse des valises mystérieuses, des malles à double fond ou des héritages encombrants. C’est le cas ici puisqu’il est question d’un passé qui ne passe pas, de ce qu’on a raté (la vie, l’amour, l’amitié) et des erreurs de jeunesse. Depuis le début Rappeneau s'est fait le meilleur importateur des codes de la screwball en France : vitesse, rythmique et acteurs parfaits… Belles familles de ce point de vue là est un chef d’oeuvre; mais c’est surtout son film le plus français, le plus provincial. Paradoxe d'un cinéaste qui verse dans l'énergie pure, la dynamo d'un autre monde, pour raconter des histoires de bourgeoisie française où rodent la mort, le souvenir et l'héritage familial et culturel. Culturel surtout. Les familles du titre c’est évidemment celles de cinéma. Derrière la Qualité France, Rappeneau réussit un grand film concept qui parvient à unir dans un film enivrant toutes les fratries du cinoche made in France (le cinéma de papa, la nouvelle-vague, la comédie et Desplechin) comme pour leur demander de faire la paix. Quand les souvenirs remontent pour de bon, quand le papa ogresque se révèle plus complexe, un étrange brouillard de cafard semble envahir le film, gelant son staccato et jetant un voile de mélancolie. Que ce soit par sa flamboyance stylistique, son écriture (blanche et lyrique à la fois), son sujet méta, l’absence de Belles Familles au César est parfaitement incompréhensible. 

Le Dernier Loup de Jean-Jacques Annaud
Somptueuse fable utopique - et, en sourdine, politique -, magnifiée par une 3D hallucinante, Le Dernier Loup est sans doute le film le plus fou vu en 2016, une œuvre qui déploie des paysages inconnus, exalte des sentiments primitifs, explore le monde, ses beautés et sa violence du point de vue d'un animal. Avec ce film inouï, Annaud reprenait en fait ses voyages dans l'espace et le temps. Cousin très proche de La Guerre du Feu (épopée d’outre-monde) ou de L’Ours (mélange entre cinéma-world et documentaire), du Nom de la Rose (film mystique et mystérieux) comme de Stalingrad (la guerre et le communisme), Wolf Totem (superbe titre anglais) est une épopée monumentale doublée d’une fable initiatique et d’un tour de force technique. Un chef d’œuvre.

Un Français de Diastème
Polluée par un contexte politique tendu, la sortie du film de Diastème est un loupé : le distributeur a dû revoir à la baisse le nombre de copies devant la frilosité des exploitants à diffuser ce film qui parle de FN, de racisme et de skinheads qui tabassent des Arabes. Une peur qui mélange tout, d’autant plus absurde qu’Un Français n’est pas le grand film politique sur l’extrême droite que le cinéma hexagonal est incapable de produire mais le parcours passionnant d’un paumé, pur produit de la misère sociale, qui parvient au fil des ans à se libérer de la haine qu’il porte en lui. Modeste, intime, sensible mais ambitieux, nourri de forts partis pris de mise en scène et porté par l’incroyable Alban Lenoir, le film de Diastème sorti en catimini en juin dernier mérite d’être vu.

Papa ou maman de Martin Bourboulon
Une des meilleures comédies de l’année. Un premier film hyper rythmé, porté par une écriture slapstick aiguisée (des auteurs du Prénom) et des dialogues qui fusent comme des balles et s’aventurent sur des terres hautement incorrectes – et d’autant plus jouissives. Papa et maman préparent un divorce idéal jusqu’à se pose la question de la garde des enfants : ils ne se battent pas pour l’avoir, au contraire, ils rejouent La Guerre des Roses pour s’en débarrasser. Papa ou maman est un film vachard qui véhicule une vision libérée et déculpabilisée du couple et de la famille, de la responsabilité et des faillites parentales, où rivalisent de talent le couple Marina Foïs / Laurent Lafitte.   

Marguerite et Julien de Valérie Donzelli
Formellement, le dernier film de Donzelli est sans doute ce que l’on a vu de plus inventif et osé en 2015. La légende des Ravalet, frère et sœur brûlés par une passion incestueuse pour laquelle ils seront décapités, est un terrain d’expérimentation pour la réalisatrice de La Reine des pommes qui, à la manière de Demy, fait voler des hélicos dans le ciel du XVIIe siècle et défiler une bande son pop dans les allées du château. Une histoire d’amour fou, outrageusement romantique, sublime et grotesque parfois, où absolument tout est permis. Sauf d’y rester insensible. 

Un + Une de Claude Lelouch
Si le réalisateur d’Un homme et une femme fait à peu près toujours le même film, ils sont à intensité variable. Avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein, Claude Lelouch, metteur en scène de l’amour, retrouve l’étincelle qui naît de ses grands duos contre-nature et atteint des sommets d’émotion et de lyrisme, auxquels la musique de Francis Lai infuse un goût d’intemporalité. Comme si c’était encore la première fois.

La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil, Joann Sfar
Sorti sans promotion, la première semaine d’aout, le film hybride de Joann Sfar n’a peut-être pas rapporté grand-chose au box office (le contraire aurait étonné), mais il s’est distingué d’un cinéma français généralement moche par ses choix esthétiques affirmés, et sa volonté de pousser le polar jusqu’aux limites du fantastique. L’image rutilante et sexy de Manu Dacosse (encore un chef-op prodige venu de Belgique), recrée les années 60 avec les couleurs adéquates, et traduit visuellement les différents états mentaux d’une héroïne qui se demande si elle n’est pas en train de devenir folle. 

Microbe et Gasoil de Michel GondryRéalité de Quentin Dupieux Le Journal d’une femme de chambre de Benoît JacquoLes Bêtises de Rose et Alice Philippon
 

Quels sont les oubliés des nominations aux César ? 

Les nominations aux César 2016

Marguerite et Trois souvenirs de ma jeunesse ? Onze nominations chacun. Mustang ? Neuf nominations. Mon Roi ? Huit nominations. Cette année, le "meilleur" de la production hexagonale ocuppe une place importante de la séléction des César. A tel point que certains films, pourtant méritants, sont totalement laissés sur le carreau par le Saint-Graal du cinéma français. 

Les César sont-ils condamnés à rester dans l'ombre de Cannes ?