EXCLU - Panique à Hollywood : Nicolas Winding Refn, Gore Verbinski et Ron Howard critiquent le système
Panique à Hollywood : Quand les réalisateurs tirent la sonnette d'alarme
Il n'y a pas que Steven Spielberg et George Lucas qui s'inquiètent du futur du cinéma hollywoodien...Le mois dernier, le réalisateur de Jurassic Park et le créateur de Star Wars tiraient la sonnette d'alarme : pour eux, <strong>l'industrie du cinéma telle qu'on la connait est prête à imploser</strong>. Ont-ils ouvert la voie ou la situation est-elle véritablement catastrophique à Hollywood ? En feuilletant le dernier numéro de <em>Première</em>, on se rend compte que d'autres réalisateurs ont des choses à redire sur le système. Gore Verbinski, par exemple, critique ouvertement Hollywood, trouvant son fonctionnement <em>« dramatique »</em>. Les plus virulents sont Nicolas Winding Refn et Alejandro Jodorowsky, réunis pour une interview croisée. Neill Blomkamp, malgré son carton récent avec <em>District 9</em>, est également remonté : il ne veut en aucun cas signer pour une franchise. Paradoxalement, certaines personnalités qui s'en sortent très bien auprès des producteurs hollywoodiens ont leur mot à dire sur le sujet, à l'image de Michael Bay ou Adam Sandler : ce dernier a beau financer ses comédies, il sait que le vent peut tourner à tout moment.Comme tous les étés, c'est le box office qui tranchera, mais ces réalisateurs ne sont pas très optimistes quant à l'avenir des blockbusters. Sauf Guillermo Del Toro, qui affirme avoir eue une liberté totale sur Pacific Rim. On fait le point ?
Tout a commencé avec Steven Spielberg et George Lucas
Voici <strong>les propos des deux cinéastes relevés</strong> par <em>Variety</em> à la mi-juin :<strong>Steven Spielberg :<em> </em></strong>« Il y aura sans doute une grosse explosion. Ou plutôt une implosion, lorsque trois, quatre ou six films de ces films aux budgets énormes se crasheront et on changera de paradigme pour de bon. On est arrivés à un point où un studio préfère investir 250 millions dans un seul film pour tenter de décrocher la timbale d?un coup, plutôt que de faire une myriade de projets plus intéressants, profonds et personnels qui risqueraient de se perdre dans la masse. Lincoln était à deux doigts de devenir un téléfilm HBO (tout comme Ma vie avec Liberace de Steven Soderbergh jugé "trop gay" pour les majors, ndlr)<em> »</em><strong>George Lucas :</strong> <em>« Il y aura moins de cinémas, mais ils seront de plus en plus gros. Aller au cinéma pourra vous coûter 50, 100 ou 150 dollars, comme le prix d?un billet à Broadway ou celui d?un match de foot. Ca coûtera très cher?»</em>
Michael Bay : « No Pain No Gain est le genre de projet que les studios ne produisent plus de nos jours. »
On pourrait penser que Michael Bay est à l'abri des problèmes, après avoir rapporté des milliards grâce aux trois volets de <em>Transformers</em>, mais ce n'est pas tout à fait le cas :« Après Transformers 3, j?avais envie de faire un break. De poser ma caméra au milieu des acteurs et de les regarder jouer, tout simplement. Je voulais tourner un film à petit budget qui me permettrait de prendre des risques. J?ai effectivement eu l?impression de revenir à mes racines car nous avons tourné à l?arrache. No Pain No Gain est<em> le genre de projet que les studios ne produisent plus de nos jours. La seule raison pour laquelle ils ont accepté, c?est parce que Brad Grey (le patron de Paramount), à qui j?ai fait gagner une fortune grâce à Transformers, m?a dit : « Tu as carte blanche, tu fais partie de la famille maintenant. » Je leur ai dit que je pouvais le réaliser pour 25 millions de dollars, et on a fini à 26. Évidemment, ils m?ont pris la tête pour ce million de dépassement...»</em>
Nicolas Winding Refn : « Le cinéma est devenu une marchandise »
Inspiré par son modèle, voici ce que Winding Refn lui répond :<em>« Le cinéma est devenu une marchandise, à un point tel que certains types de productions ont disparu.</em><em>Nous devons nous rappeler qu?un film est une forme d?art, pas seulement un divertissement de masse. Souvent, je reviens à ceux de Jodorowsky, juste pour balayer les questions du genre : « Combien va rapporter mon film ? Est-ce que j?aurais gagné encore plus si j?avais fait appel à tel acteur ? ». »</em>
Alejandro Jodorowksy « Je veux être libre de pouvoir réaliser un film de trente heures »
Le cinéaste le plus virulent sur le sujet, c'est Alejandro Jodorowsky :« Avec La danza de la realidad, j?ai cherché une alternative à la production traditionnelle. Je ne voulais dépendre ni de<em>l?industrie, ni du gouvernement, ni de la télévision. J?ai dit à Michel Seydoux, mon producteur, que je voulais faire un film exactement comme je l?entendais, sans stars. J?avais besoin de son argent mais il devait savoir qu?il risquait de tout perdre parce que mon but n?était pas d?être rentable. Il faudrait également changer la logique de la distribution qui impose une durée aux oeuvres. Je veux être libre de pouvoir réaliser un film de trente heures. Je veux aussi m?affranchir des stars, qui sont une maladie pour la création ? sauf concernant Nicolas, qui en a trouvé de très bonnes. DiCaprio vend des montres... À quoi ça rime ? Nous ne sommes pas des putes. Un film est une part de votre existence, pas un business. J?ai risqué ma vie sur des tournages, ma santé mentale, tout. »</em> Et (s'adressant à Winding Refn) :<em>« Le danger, c?est</em><em> de se retrouver piégé par Hollywood à faire des Spider-Man. Mais les nouveaux créateurs comme toi vont tenter l?aventure et finiront par battre le système qui produit des films qu?on oublie aussitôt après les avoir vus. J?essaie de fabriquer des images qui resteront dans l?esprit des gens.»</em>
Ari Folman : « Le métier de cinéaste a changé »
Pour le metteur en scène du Congrès, les producteurs perdent trop souvent de vue la part humaine de la fabrication d'un film :<em>« Je ne dis pas que c?était mieux avant, mais je pense tout de même que le métier de cinéaste a changé. Du coup, il requiert des compétences différentes. Il fait davantage appel à l'informatique, moins aux relations humaines. L'un</em><em>des aspects majeurs de mon travail, qui consiste à gérer l'équipe technique et les acteurs, est en train de disparaître. »</em>
Neill Blomkamp : « Si Elysium se plante, ce sera dur pour moi de monter le suivant »
De manière plus personnelle, Neill Blomkamp se pose des questions sur son travail, après avoir laissé entendre qu'il ne voudrait pas mettre en scène de blockbusters avec un budget trop élevé (à cause de toutes les contraintes et responsabilités qui vont avec) :« Je réalise des films pour moi, je n?essaie pas de répondre aux critères du marché ou de m?y plier. Les studios apprécient la dimension « spectacle » de la SF ? les explosions, les gunflights... ?, toutes ces choses qui font parfois le succès des gros blockbusters estivaux. Je ne crois pas qu?ils voient ça comme un prisme permettant d?observer des faits de société contemporains. (...) Je ne ressens pas la pression du « deuxième long », juste celle du budget qui m?a été confié. Elysium a coûté beaucoup plus d?argent que District 9. S?il se plante, ce sera dur pour moi de monter le suivant. Je ne veux pas être un réalisateur de petits films ésotériques vus par une poignée de gens érudits. Pour moi, James Cameron est un bon exemple : comme lui, j?aimerais faire des summer movies qui donnent à réfléchir. »
Adam Sandler : « Je continue à y croire »
Et Adam Sandler ? Entre tops et flops, sa carrière est en dents de scie, et sans surprise, cela l'inquiète :« Je me suis planté plusieurs fois, notamment avec Little Nicky et, plus récemment, avec Crazy Dad. Ce business est tellement imprévisible que je ne me lamente pas quand ça arrive, tout comme je ne saute pas au plafond lorsque l?un de mes films cartonne. Je souffle juste en me disant qu?on va m?autoriser à en faire deux ou trois de plus. (...) Pour être honnête, lorsque j?ai vu que mes derniers films marchaient moins bien que les précédents, j?ai commencé à me poser des questions : « Es-tu sûr de savoir encore ce que tu fais ? » Mais je continue à y croire. Je m?inquiéterai lorsqu?un type en costard apparaîtra soudain sur le plateau pour mettre en doute chacune de mes décisions. Là, je saurai qu?il est sans doute temps de passer à autre chose... »
Ron Howard : « Hollywood explose ? Hollywood change plutôt »
Ron Howard, qui vient de tourner Rush, n'est pas tout à fait d'accord avec ces cinéastes, même s'il reconnait que tout n'est pas rose à Hollywood, loin de là :« Calmons-nous. Depuis les déclarations de Steven Spielberg et George Lucas on dit qu?Hollywood explose ? Hollywood change plutôt. Il y a effectivement une menace. Que certains films ne puissent plus être produits. Les drames avec de grandes ambitions. Si les spectateurs n?ont plus l?accès à ce genre de film, évidemment, ils ne les réclameront plus et plus personne ne les financera. J?ai de la peine à penser que personne ne fera plus jamais des films comme Lawrence d?Arabie par exemple. C?est ce genre de films dont on parle en fait. L?économie change. L?industrie n?est pas en train d?exploser et je suis plus optimiste qu?eux (Lucas et Spielberg) mais je reconnais que les choses vont mal et qu?il y a des bouleversements qu'il va falloir prendre en compte... »
Vous trouvez qu'ils ont raison ?
Le cinéma hollywoodien va-t-il si mal que cela ? D'autres réalisateurs sont-ils aussi pessimistes ? Sans aucun doute. Récemment, David Lynch a carrément expliqué qu'il <strong>ne filmerait peut-être plus de long-métrage pour le cinéma</strong> tant c'était compliqué à financer !
Gore Verbinski : « Je trouve ça dramatique »
Pour avoir un maximum de liberté sur le tournage de Lone Ranger, Naissance d'un héros, Gore Verbinski a accepté le poste de producteur, en plus des casquettes de réalisateur et de co-scénariste. Sans cela, il n'aurait pas pu maîtriser son film comme il le voulait, explique-t-il en début d'interview. A la fin de la rencontre, il va même plus loin et donne un point de vue qui dépasse largement le cadre de son western, s'en prenant au système en général :<em>« La course aux blockbusters précipite la disparition des films intermédiaires et je trouve ça dramatique. On est enfermés dans un cercle vicieux où il faut qu?un film fasse le plus de bruit possible pour convaincre les spectateurs de se déplacer. Les gens n?ont plus d?argent mais possèdent quand même tous un futon et un énorme écran plasma. Ce sont les premières choses qu?ils achètent. C?est triste de les voir quitter leur salon uniquement pour les gros films alors que les chaînes câblées ont démontré qu?ils aiment la narration de qualité. Aujourd?hui, si vous voulez réaliser un drame intimiste pour le cinéma, vous avez intérêt à vous accrocher. »</em>
L'exception qui confirme la règle : Guillermo Del Toro
Le seul à prendre le contrepied de ces critiques, c'est Guillermo Del Toro :« C?est étrange car malgré l?importance du budget, je n?ai jamais bénéficié d?une telle liberté sur un projet. J?ai réalisé Pacific Rim avec la même latitude que sur L?Échine du diable (2002) ou Le Labyrinthe de Pan (2006). Et pour un blockbuster estival, c?est quand même un film de fou. Mais personne n?est venu s?en mêler. Que vous l?aimiez ou que vous le détestiez, je serai le seul responsable. Toute ma vie, je me suis tenu éloigné de ce genre de superproductions en pensant qu?elles étaient impossibles à contrôler. Visiblement, j?avais tort. »
Il n'y a pas que Steven Spielberg et George Lucas qui s'inquiètent du futur du cinéma hollywoodien...Le mois dernier, le réalisateur de Jurassic Park et le créateur de Star Wars tiraient la sonnette d'alarme : pour eux, l'industrie du cinéma telle qu'on la connait est prête à imploser. Ont-ils ouvert la voie ou la situation est-elle véritablement catastrophique à Hollywood ? En feuilletant le dernier numéro de Première, on se rend compte que d'autres réalisateurs ont des choses à redire sur le système. Gore Verbinski, par exemple, critique ouvertement Hollywood, trouvant son fonctionnement « dramatique ». Les plus virulents sont Nicolas Winding Refn et Alejandro Jodorowsky, réunis pour une interview croisée. Neill Blomkamp, malgré son carton récent avec District 9, est également remonté : il ne veut en aucun cas signer pour une franchise. Paradoxalement, certaines personnalités qui s'en sortent très bien auprès des producteurs hollywoodiens ont leur mot à dire sur le sujet, à l'image de Michael Bay ou Adam Sandler : ce dernier a beau financer ses comédies, il sait que le vent peut tourner à tout moment.Comme tous les étés, c'est le box office qui tranchera, mais ces réalisateurs ne sont pas très optimistes quant à l'avenir des blockbusters. Sauf Guillermo Del Toro, qui affirme avoir eue une liberté totale sur Pacific Rim. On fait le point ?
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