Love story contre l'exploitation du tiers-monde par l'industrie pharmaceutique, Constant Gardener est un film magnifique porté par un Ralph Fiennes incandescent et une Rachel Weisz idéale.
Suite à la disparition de l'écrivain John le Carré, Arte bouscule sa programmation pour diffuser ce soir à 20h55 The Constant Gardener, une adaptation de La Constance du jardinier signée par le réalisateur de La Cité de Dieu.
On n’attendait pas forcément Meirelles sur une adaptation d’un roman de John le Carré. Le look clinquant de La Cité de Dieu n’a pas grand chose à voir avec les intrigues chuchotées du maître de l’espionnage. Surtout pas pour une histoire d’amour. On l’a un peu oublié mais derrière les meilleurs romans de David Cromwell, il y avait toujours une valse de sentiments, la solitude d’un héros et l’amour trahi ou fâné – relisez la saga Smiley sous cet angle, c’est vertigineux.
La Constance du jardinier appartient au dernier tiers de la carrière du maître anglais. Et comme les plus beaux romans de Graham Greene (l’inspiration principale de Le Carré), derrière le vernis du spy thriller, ce roman racontait la progressive éclosion d’une conscience. Tout commence avec le meurtre d’une femme, tuée parce qu’elle est à deux doigts de révéler un scandale pharmaceutique en Afrique. Son mari, un fonctionnaire du Foreign Office passionné d’horticulture, va tenter de reconstituer les manipulations pour faire aboutir son combat.
Roman d'amour et de morale, La Constance du jardinier avait donc pour sujet la fidélité et la trahison. Mais c’était aussi un document formidable sur le postcolonialisme, l’avidité, l’hypocrisie et la corruption des labos. Mieux : un livre énervé sur le pillage et l’exploitation du tiers-monde au nom de la liberté. C’est là qu’on en revient à Meirelles : le cinéaste de La Cité de Dieu a su tirer parti des bidonvilles de l’Afrique et met en scène ce continent de manière fantasmatique. Il réussit également (grâce au co-scénariste de GoldenEye Jeffrey Caine) un thriller moderne dont l’action saute d’un continent à l’autre. Mais il a surtout confiance en ses interprètes. Il sait que, chez Le Carré, ce sont les personnages qui mènent l’action – pas l’inverse.
Il aurait pu transformer l'humble diplomate en James Bond. Il a préféré écouter Fiennes, qui fait du héros, Justin, pas seulement un veuf, mais un homme déjà mort, qui erre dans les limbes séparant sa vie d'antan de son inévitable exécution. Face à lui, face à son minimalisme tendu (très anglais), Rachel Weisz est magnifique en fantôme qui l’éveille à la conscience du monde. Avec Le Tailleur de Panama et La Taupe, on tient là l’une des meilleures adaptations récentes d’un roman de Le Carré au grand écran.
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