Cette histoire d’amour entre deux lycéennes s’amuse à déjouer les clichés les plus attendus.
Les préjugés ont la vie dure. Si l’on vous dit que Liz et l’oiseau bleu est l’adaptation d’une série animée nommée Sound ! Euphonium, qui raconte la vie des membres d’un orchestre lycéen se préparant à un grand concours de musique classique, on s’attend à voir une fable pleine d’action, où de jeunes musiciens travaillent comme des fous pour remporter le concours sur le fil après une finale hyper tendue... Heureusement, les auteurs de Liz et l’oiseau bleu ont beaucoup plus d’imagination, de sensibilité et de talent que nous. Donc, dans un lycée du Japon, parfois un peu trop cliché et hors du réel pour être totalement honnête, l’orchestre de musique classique doit préparer, pour un concours inter-établissements, Liz et l’oiseau bleu, partition imaginaire tirée d’une pièce de Maeterlinck. La réussite du concours tient surtout à son duo crucial entre la flûte traversière et le hautbois, incarnés par Nozomi, la flûtiste populaire et enjouée, et Mizore, la hautboïste timide et discrète, quasi autiste. Autour d’elles gravitent quelques personnages d’élèves plus ou moins développés (les seconds rôles ne sont pas le point fort du film, qui se concentre presque exclusivement sur le lien entre les deux héroïnes) recherchant leur amitié. On découvre bien vite que leur relation fait un étrange écho avec la partition, qui raconte comment une jeune femme trouve un oiseau bleu qui se change en humaine, devient sa meilleure amie, mais désire s’envoler ailleurs...
LE JUSTE RYTHME
Là aussi, il pourrait y avoir maldonne. Mais la réalisatrice Naoko Yamada (Silent Voice) déjoue avec une habileté extrême ce qu’on pourrait attendre de ce sujet. Le concours finira à l’arrière-plan : ce qui compte pour les deux musiciennes et amies, ce sera de s’accorder pour jouer au plus juste, au plus vrai, et non pas « mieux » ou « plus fort que les autres ». Pas de discours sur la nécessité d’être le ou la meilleure de la classe/du lycée/du monde pour s’accomplir. Nulle guimauve sur les rapports entre le conte de l’oiseau bleu et la vie réelle, nulle dialectique balourde sur l’art qui inspire la vie qui inspire l’art. Si dialectique il y a, c’est celle entre la réalisation aux accents d’aquarelle impressionniste et la musique – et les sons hyperréalistes, comme la pluie et les bruits de pas – de Kensuke Ushio. L’une s’inspire de l’autre, et vice versa. L’ouverture du film est à ce titre exemplaire. Un dimanche matin gris : Mizore attend sur le seuil du lycée. Le bruit de la pluie est doublé de bruits de pas. Nozomi arrive, joyeuse, et entraîne son amie dans les couloirs vides de l’établissement jusqu’à la salle de répétition. La lenteur de la scène – ou plutôt, son juste rythme – tient à un fil.
AMERTUME
Cette relation de codépendance artistique entre le son et l’image est suffisante pour placer le film largement au-dessus de la concurrence. Mais il y a plus, selon votre expérience de l’amour, cela sera plus ou moins pénible, plus ou moins juste. C’est bien par les faiblesses, les failles et les blessures que le film touche au plus profond. Au fond, Liz et l’oiseau bleu devient le récit, radicalement, désespérément tragique, d’un amour voué à l’échec. Pas simplement les hauts et les bas d’une amitié fusionnelle. Mizore aime Nozomi mais voit, en même temps qu’un amour, la fin de cet amour. Et c’est lorsque le spectateur réalise cela en même temps que Mizore, que Liz et l’oiseau bleu devient terriblement déchirant. Une fois qu’on a encaissé cette blessure, tout paraît alors plus beau, plus lumineux et plus doux. C’est la juste récompense des plus douloureuses blessures : le constat du film, s’il est optimiste, n’évacue jamais l’amertume dans l’expérience des choses de l’amour. Si ça fait mal, c’est que ça fait du bien.
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