20 : Mr.Orange (Tim Roth, Reservoir Dogs)
"You’re fucking Baretta. They believe every fucking word ‘cause you’re super cool."*
Moins marrant que Mr. Pink (Steve Buscemi) ou impressionnant que Mr. White (Harvey Keitel), peut-être. Mais Mr. Orange est tout de même le baratineur inaugural du cinéma de Tarantino. Le premier d’une longue lignée. Un bullshiteur professionnel, flic infiltré qui sait que pour ne pas se faire choper, il faut être aussi bon que Brando. Et il est bon, le bougre. Dans son rôle jusqu’au bout, même quand il agonise les tripes à l’air, sur le sol du "réservoir". Respect.
*"T’es Marlon Brando. T’as baisé ces cons, ils ont tout avalé. T’es super cool."
19 : O-Ren Ishii (Lucy Liu, Kill Bill)
"Silly Caucasian girl likes to play with samurai swords."*
C’est le membre le plus prestigieux du Deadly Viper Assassination Squad, la reine de la pègre tokyoïte, "mi-japonaise, mi-sino-américaine." Tellement importante que la quasi-totalité de Kill Bill : Volume 1 lui est consacrée. "Chief of Yakuza, but she’s wicked like Medusa / And she got Crazy 88 killers that’ll slice right through ya" : c’est RZA qui en parle le mieux.
*"L’idiote occidentale aime jouer du sabre de samouraï."
18 : Zoë Bell (Zoë Bell, Boulevard de la mort)
"You wanna go get him ?"*
Une coquetterie expérimentale dans l’œuvre de Tarantino (et dans ce top). Avant Adolf Hitler ou Sharon Tate, Zoë Bell est la première personne "ayant réellement existé" à être entrée dans les films de QT. Sous les traits de Zoë Bell elle-même, l’ex-doublure cascade d’Uma Thurman, soudain invitée à traverser le miroir. Elle est au confluent de presque toutes les obsessions tarantinesques : le cinéma, la confusion entre la vie et la fiction, les héroïnes vengeresses. Normal qu’elle gagne à la fin.
*"Tu veux qu’on le chope ?"
17 : Louis Gara (Robert De Niro, Jackie Brown)
"Just gettin’ old... I can’t laugh and smoke now without coughing."*
Louis Gara a passé tellement de temps à l’ombre qu’il a du mal à suivre les conversations et ne sait plus où il a garé sa voiture sur le parking du supermarché. Les jours de braquage, c’est embêtant. Une silhouette tordante, l’une des preuves les plus éclatantes que Tarantino a capté l’humour et l’humanité du romancier Elmore Leonard comme personne. La dernière très grande composition de De Niro et, incontestablement, sa plus belle moustache.
*"Je vieillis, c’est tout... J’arrive pas à rire et à fumer sans tousser."
16 : Rick Dalton (Leonardo DiCaprio, Once Upon a time... in Hollywood)
"It’s official, old buddy : I’m a has-been."*
Après un tour de chauffe dans Django Unchained, DiCaprio trouve son vrai grand rôle tarantinesque grâce à Rick Dalton, l’acteur de western frustré qui rêve de tourner avec Polanski plutôt que Corbucci. Pathétique juste ce qu’il faut, bouffon mais pas trop, et surtout "out of time", comme disent les Stones dans la bande-son. Reste cette grande question : si Les Huit Salopards avait été tourné en 1969, quel rôle Rick Dalton aurait-il joué dedans ?
*"C’est officiel, mon pote : je suis un has-been."
15 : Django (Jamie Foxx, Django Unchained)
"I like the way you die, boy."*
"Oh... Django!" QT s’empare d’un mythe spaghetti et le propulse dans le folklore US. Performance cool et mutique de Jamie Foxx, qui emporte le morceau en laissant Waltz et DiCaprio s’égosiller à ses côtés. À mi-chemin entre un Luke Cage et un Shaft des champs de coton, ce qui se rapproche le plus d’un superhéros dans l’œuvre de Tarantino.
*"J’aime ta façon de mourir, le boy."
14 : Stuntman Mike (Kurt Russell, Boulevard de la mort)
"It’s better than safe. It’s death proof."*
Si Mickey Rourke avait accepté le rôle (comme Tarantino l’espérait), le Stuntman aurait été un vrai freak, un prédateur réellement flippant – quelle fille aurait voulu monter dans sa voiture? Kurt Russell lui apporte son humanité défraîchie et le transforme en cow-boy d’opérette, un vieux beau ringard et pleurnicheur. La preuve que le ridicule peut tuer.
*"Elle est plus que sûre : elle protège de la mort."
13 : Winston Wolf (Harvey Keitel, Pulp Fiction)
13 Winston Wolf (Harvey Keitel, Pulp Fiction)
"I’m Winston Wolf. I solve problems."*
Les fans de Tarantino savent que ses films existent dans deux univers différents : le "monde de Quentin" et le "monde du cinéma". En gros, quand les personnages de Reservoir Dogs vont au cinéma, ils vont voir Kill Bill... Winston Wolf, le nettoyeur, est cette anomalie : un personnage du monde du cinéma qui débarquerait dans le monde de Quentin. Une pure silhouette cartoon. Connard, arrogant, mais génial et très respecté. Pourquoi diable est-il en smoking à l’heure du petit-déjeuner ?
*"Je suis Winston Wolf. Je résous les problèmes."
12 : Butch Coolidge (Bruce Willis, Pulp Fiction)
"It’s not a motorcycle, baby. It’s a chopper."*
L’histoire du boxeur qui doit "se coucher dans la cinquième" est une invention de Roger Avary, ex-meilleur ami de QT à l’origine du deuxième segment de Pulp Fiction, The Gold Watch. Bruce Willis, à son zénith, incarne Butch dans le plus pur style film noir, viril, taiseux, très Ralph Meeker. Le seul personnage de Pulp qui n’est pas d’abord défini par ses dialogues mais par la façon dont il occupe le cadre et l’espace. Avec celui de La Crampe, bien sûr.
*"C’est pas une moto, ça, ma puce. C’est un chopper."
11 : Mr Blonde (Michael Madsen, Reservoir Dogs)
"Are you gonna bark all day, little doggie ? Or are you gonna bite ?"*
Si Mr. Blonde (alias Vic Vega) est entré dans l’histoire comme l’un des sociopathes les plus dangereusement séduisants jamais filmés, ce n’est pas seulement à cause des atrocités qu’il inflige à ce pauvre flic. Ni même pour la géniale gueule de voyou fifties de son interprète Michael Madsen. Non, tout ça ne serait pas arrivé sans ce petit pas de danse, la manière irrésistible dont il se tortille sur Stuck in the middle with you. Son frère (le roi du twist Vincent Vega) peut être fier de lui.
*"Est-ce que t’aboies tout le temps, p’tit roquet? Ou est-ce que tu mords ?"
10 : Bill (David Carradine, Kill Bill)
"Do you find me sadistic ?"*
Le boss de fin. Une figure mythique : dieu capricieux, tyran phallocrate, macho à abattre. On adorerait savoir à quoi Kill Bill aurait ressemblé si le womanizer ultime Warren Beatty avait accepté le rôle de Bill, que Tarantino avait écrit pour lui. Mais Beatty n’aimait pas le kung-fu et David Carradine est parfait dans le registre de l’onctuosité menaçante, sortant le temps d’un film de l’enfer du bis et des straight-to-video. Avant d’y retourner aussitôt.
*"Tu me trouves sadique ?"
09 : Mia Wallace (Uma Thurman, Pulp Fiction)
"I want that trophy, so dance good."*
Mia Wallace est espiègle : elle joue avec Vincent Vega comme un chat avec une souris. Mia Wallace est actrice : son pilote de série télé vient d’être refusé. Mia Wallace aime la cocaïne, les massages des pieds et les reprises de Neil Diamond. Mais cette fille, en fait, est un mystère. Tarantino veut faire une suite de Django, une suite de Kill Bill, une préquelle sur les frères Vega... Mais nous, ce qu’on aimerait vraiment, c’est en savoir plus sur Mia Wallace. Pas vous ?
*"Je veux ce trophée, alors à toi de jouer."
08 : Ordell Robbie (Samuel L. Jackson, Jackie Brown)
"AK-47. The very best there is. When you absolutely, positively got to kill every motherfucker in the room, accept no substitutes."*
Le plus bad des motherfuckers jamais joués par Samuel L. Jackson chez Tarantino, c’est Ordell Robbie, trafiquant d’armes dandy, amateur de surfeuses blondes et de bérets Kangol. Tarantino aimait tellement le personnage qu’il a passé toute l’écriture de Jackie Brown à parler et à bouger comme lui : "Il est la musique soul traditionnelle. Je m’identifie complètement. Si je n’étais pas un artiste, je serais probablement exactement comme cet enfoiré d’Ordell."
*"AK-47, le must absolu. Quand y’a absolument besoin d’un grand coup de torchon, quand vraiment il faut que ça dégomme, surtout se méfier des imitations."
07 : Hans Landa (Christoph Waltz, Inglourious Basterds)
"That’s a bingo !"*
Avant, Tarantino "recoolisait" les idoles déchues – John Travolta, Pam Grier, Robert Forster... Christoph Waltz est sa première création ex nihilo, un acteur sorti de nulle part (les séries télé autrichiennes) qui stupéfia le monde dans la peau du SS Hans Landa, bouffeur de strudels et génie polyglotte. Le plus grand personnage de Tarantino selon... Tarantino lui-même. Même s’il a été un peu abîmé rétrospectivement par le fait que Waltz rejoue Landa un peu partout, face à James Bond et au Frelon vert.
*"C’est un bingo !"
06 : Clarence Worley (Christian Slater, True Romance)
"I always said, if I had to fuck a guy... I mean had to, if my life depended on it... I’d fuck Elvis."*
C’est Tony Scott qui réalise, mais le Clarence de True Romance est sans doute l’autoportrait le plus précis possible du Quentin d’avant la gloire, le geek beau parleur qui louait des cassettes vidéo (dans le film, il vend des comics) et draguait les filles en leur parlant d’Elvis et de Sonny Chiba. Ce Tarantino-là n’existe plus, mais il reste cet instantané saisissant. "Une version à gros budget de mes souvenirs", confie l’intéressé.
*"Je le dis toujours : s’il fallait que je baise un homme, s’il le fallait vraiment, si ma vie en dépendait... alors je me ferais Elvis."
05 : Cliff Booth (Brad Pitt, Once upon a time... in Hollywood)
"Anybody accidentally kills anybody in a fight, they go to jail. It’s called manslaughter."*
Ce n’est pas survendre Cliff Booth que de le classer aussi haut dans ce top. Dès la projection cannoise de Once upon a time... in Hollywood, on a su qu’il faudrait désormais le citer aux côtés de Tyler Durden et Jesse James quand on dresserait la liste des performances les plus stupéfiantes de Brad Pitt. Incidemment, le troisième cascadeur de cette liste, après Zoë Bell et Stuntman Mike. Mais le seul à affronter Bruce Lee.
*"Quiconque tue quelqu’un en se battant va en prison. Ça s’appelle “homicide involontaire”."
04 : Jules Winnfield (Samuel L. Jackson, Pulp Fiction)
"What’s Fonzie like ?"*
Dans Pulp Fiction, la chronologie est sens dessus dessous, les personnages peuvent mourir au milieu du film et renaître ensuite. Malgré ça, Jules parvient à avoir un véritable "arc", commençant sa journée en assistant à un miracle, réfléchissant ensuite au sens profond d’Ézéchiel 25 : 17 et décidant à la fin de déposer les armes pour mieux parcourir le monde, voyager de pays en pays, faire des rencontres et attendre que Dieu lui montre sa place, comme Caine dans Kung-Fu. Amen.
*"Comment il est, Fonzie ?"
03 : Jackie Brown (Pam Grier, Jackie Brown)
"Aw, the milk went bad when I was in jail."*
QT remet la déesse de son adolescence sur le piédestal dont elle n’aurait jamais dû des- cendre. Jackie Burke, l’hôtesse de l’air du roman d’Elmore Leonard, Punch Créole, change de patronyme et de couleur de peau, et arpente son royaume, un L.A. banal fait de bars vides et de centres commerciaux climatisés. Une femme comme le cinéma américain n’en montre presque jamais. Dans ses yeux : de la rage, de l’amour, des renoncements, quelques regrets. Et ça bouleverse parce que tout a l’air vrai.
*"Oh merde, le lait a tourné pendant que j’étais en prison."
02 : Vincent Vega (John Travolta, Pulp Fiction)
"Big Mac’s a Big Mac but they call it le Big Mac."*
L’incarnation ultime du cool tarantinesque. De l’héroïne dans les veines, la surf music de The Centurians dans les oreilles, John Travolta chaloupe et rayonne. Ce qui frappe encore, vingt-cinq ans après, c’est le plaisir manifeste qu’il prend, totalement amoureux de son personnage, maîtrisant chaque geste, chaque inflexion, chaque déhanché de Vincent Vega, l’envoyant direct au panthéon pop. Pas confused du tout, Travolta.
*"Un Big Mac, c’est un Big Mac mais ils disent le Big Mac."
01 : Beatrix Kiddo (Uma Thurman, Kill Bill)
"When I woke up, I went on what the movie advertisements refer to as a “roaring rampage of revenge”."*
Une offrande de QT à Uma Thurman, actrice géniale – il lui avait littéralement donné le rôle en guise de cadeau d’anniversaire. Tuée par Bill, enterrée vivante par Budd, violée pendant son coma, privée de son enfant, Beatrix, alias Kiddo, alias The Bride, alias Black Mamba, trace sa route à la recherche d’un happy end. Et, en chemin, tue, scalpe, trucide, aveugle, ampute, décapite... Une icône féministe absolue, rendue plus essentielle encore depuis la chute de Harvey Weinstein, producteur du film. La plus puissamment mythologique des créations de Quentin Tarantino. La Mariée est son Homme sans nom et Uma Thurman, son Clint Eastwood.
*"Revenue à moi, je me suis livrée à ce que les pubs du film ont appelé une furieuse frénésie de vengeance dans un déchaînement de violence."
Où se situent Rick Dalton et Cliff Booth, les deux héros de Once upon a time... in Hollywood, dans la vaste cosmogonie tarantinesque? Tentative de classement des vingt personnages les plus mémorables sortis du cerveau en ébullition de QT.
Attention : les bloqueurs de pubs peuvent empêcher le diaporama.
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