DR

La première saison de « Transparent », qui raconte le coming-out transgenre d'un père de famille ( incarné par Jeffrey Tambor), arrive sur OCS après avoir raflé deux Golden Globes en janvier dernier. Première s'est entretenu avec Judith Light, ex-« Madame est servie », qui donne la réplique à Tambor dans la série.

Transparent, série créée par Jill Soloway, ancienne scénariste de Six Feet Under, raconte le coming out en tant que femme de Mort Pfeffermann (Jeffrey Tambor), père d'une famille dysfonctionnelle, qui va devenir Maura et se révéler aux yeux des siens. Tous mènent d'ailleurs leur propre quête d'identité. Le frère (Jay Duplass) enchaîne les conquêtes, la sœur aînée vit avec mari et enfants en reniant sa sexualité pour préserver les apparences... La petite dernière, qui paie les pots cassés, ne s'en porte pas mieux. Dans la série, délicate et tissée d'émotions contenues, Judith Light (Madame est Servie, Ugly Betty...) incarne la mère, Shelly Pfefferman. Nous avons pu lui poser quelques questions lors d'une conférence téléphonique.Le coming-out de ce père de famille, joué par Jeffrey Tambor, est au cœur de la série, dont les thématiques sont très universelles...La série parle d'authenticité, d'intégrité, encourage à être la personne que l'on a toujours voulu être, en souhaitant que la société et ceux qui vous entourent vous acceptent comme vous êtes. Cette sincérité pose encore problème en 2015. Quand vous voyez la façon dont les gens se comportent entre eux et comment beaucoup réagissent face aux personnes transgenres en particulier, vous vous rendez compte combien cela peut être blessant. La série veut montrer que l'on peut être « authentique », et ce, qui que l'on soit. Nous sommes tous effrayés à l'idée de dire la vérité aux autres, de dévoiler ce que nous sommes et de quoi nous avons peur, par crainte d'être rejetés. Si la série met avant tout le doigt sur la question transgenre, c'est aussi une métaphore de tout cela.Vous êtes aussi connue pour défendre activement la cause gay et trans à Hollywood. C'était important pour Jill Soloway (la créatrice de la série, ndlr) lorsqu'elle vous a choisie pour le rôle ?Je n'ai jamais passé d'audition. Jill Soloway choisit ses acteurs en fonction de ses affinités avec eux. C'est la raison pour laquelle toute l'équipe est très soudée. Jill nous a choisis pour ce que nous sommes, pas uniquement pour nos qualités d'acteurs. La première fois, elle m'a appelée, et pendant quarante-cinq minutes, nous avons parlé de mon amitié avec Jeffrey Tambor qui dure depuis des années et aussi de l'engagement, que je partage avec Jill, pour la cause LGBT... particulièrement parce que la série s'inspire de ce qu'elle a vécu avec son « parent » (son père a fait son coming-out trans, et son vécu lui a inspiré la série, ndlr). Jill m'a parlé de son histoire personnelle, de ce qu'elle a ressenti quand il a évoqué cette transition. Elle voulait connaître mon sentiment sur le scénario, à quel point cela pouvait être un excellent moyen de soutenir la communauté transgenre en informant davantage les gens sur ce que cela pouvait être, ce que l'on pouvait ressentir.Comment avez-vous abordé vos scènes avec Jeffrey Tambor en tant que Maura ?Jill a travaillé avec la consultante et productrice Joan Scheckel qui l'a aiguillée sur la façon d'appréhender les scènes. Pour elle, vous ne travaillez pas vos scènes comme n'importe quelle autre production. Vous faites des exercices physiques et émotionnels en lien avec l'histoire. Parler trop d'une scène peut vous déstabiliser ; vous n'êtes plus dans l'instant, apte à ressentir émotionnellement ou physiquement ce que vous jouez. Jeffrey et moi, nous nous connaissons depuis trente ans. Nous n'avons pas beaucoup parlé de ce que nous allions faire avant de tourner, tout s'est fait naturellement.Dans la série, la famille semble être un personnage à part entière.Quand nous avons fait ce travail de préparation avec Joan Scheckel, nous sommes devenus plus qu'une famille. Quand vous regardez la série, vous croyez tout de suite que ces gens en forment une. Je crois que c'est pour cela que tant de personnes sont sensibles à Transparent. Il ne faut pas, comme d'autres séries, six épisodes pour le penser, c'est immédiat.Pourtant, par moments, votre personnage, Shelly, frappe par son détachement...C'est vrai qu'elle semble n'en avoir rien à faire... Mais Shelly cache sa solitude, sa douleur et son chagrin face aux choix qu'elle a pu faire, parce qu'elle ne sait absolument pas comment s'y prendre. Elle a transmis cela de bien des façons à ses enfants. Ils ont l'air de s'en foutre, elle n'a pas l'air de s'inquiéter outre-mesure, de se soucier de ce qui se passe autour d'elle... Mais c'est tout le contraire.Comment avez-vous vécu la cérémonie des Golden Globes ?Honnêtement, nous ne pensions pas que nous allions gagner le trophée de la meilleure série comique. Mais nous savions tous que Jeffrey allait l'emporter. On prête beaucoup plus attention à nous depuis. J'ai encore remis un prix à Jeffrey la semaine dernière ! Et Amazon (qui diffuse la série aux États-Unis) est maintenant très concentrée sur les Emmy Awards (la cérémonie aura lieu à la rentrée et les nominations sont attendues en juillet).Jill Soloway a imaginé cette histoire sur plusieurs saisons ?Jill a toujours des plans en stock ! Mais tout ce que je sais, c'est qu'elle est en pleine écriture de la saison 2, que nous allons commencer à tourner à la mi-juin.Pensez-vous que la série puisse faire bouger les choses ?Je pense que c'est un « game changer ». Les séries transgenres, ce n'est pas nouveau. Mais avec Transparent, nous sommes passés à un autre stade. Ce que nous montrons, c'est le point de vue des gens, cette facette douloureuse quand ils se sentent seuls et rejetés, ou qu'ils ont des difficultés à exprimer ce qu'ils sont vraiment. Je pense que la série peut transformer la société, pas seulement aux États-Unis, mais à travers le monde.Propos recueillis par Jonathan BlanchetTransparent saison 1 (10 épisodes). A partir du 8 mai à 20h40 sur OCS.