Peaky Blinders saison 1
BBC Two

"La vraie star du show, Cillian Murphy, est époustouflant de bout en bout", écrivait Première en découvrant sa première saison. Flashback.

Le 12 septembre 2013, les Anglais découvraient Peaky Blinders sur la BBC Two. Si le public français a dû attendre avant d'avoir accès légalement à sa première saison (chez nous, la série est arrivée sur Arte à partir de mars 2015, puis a été diffusée sur Netflix où elle a fait un carton), ce fut un phénomène outre-Manche dès ses premiers épisodes. 

Première fut également sous le charme. Voici notre critique, en attendant des nouvelles du film, qui devrait conclure les six saisons intenses de l'histoire de Tommy Shelby.

Jason Statham a failli être le Tommy Shelby de Peaky Blinders à la place de Cillian Murphy

Sur fond de reconstitution luxueuse du Birmingham de 1919, la série Peaky Blinders dote la figure du voyou britannique de l’aïeul glamour qui lui manquait. Un séduisant Boardwalk Empire à l’européenne, porté par le magnétique Cillian Murphy.

Du crime organisé américain, on pourrait tracer les yeux fermés une généalogie qui n’oublierait pas de répertorier jusqu’au plus insignifiant des hommes de main d’Al Capone ou de John Dillinger. Merci à Hollywood et ses tombereaux de films et de séries consacrés à en écrire la légende.

De ce côté-ci de l’Atlantique, tout reste à faire en revanche et il faut saluer les efforts de l’Anglais Steven Knight pour inscrire le truand britannique dans une lignée un peu moins low profile qu’à l’accoutumée. Dans sa série Peaky Blinders, écrite pour la BBC, le scénariste des Promesses de l’ombre prend pour une fois le contrepied du réalisme social cher à ses compatriotes, osant la fresque chatoyante en costumes taillée sur le modèle de Boardwalk Empire.

Peaky Blinders saison 1
BBC Two

Peaky Blinders se déroule à peu près à la même époque que la saga de HBO, soit au lendemain de la première guerre mondiale. Tommy Shelby, tête pensante du gang qui régnait à l’époque sur les bas fonds de Birmingham, a fière allure. Port de tête altier, caban parfaitement coupé, tempes rasées à blanc, ce working class hero renvoie à leurs études les caïds épais des films de Guy Ritchie.

Impitoyable en affaires, expert dans le maniement de la lame de rasoir (planquée, à en croire le folklore local, dans la doublure de sa casquette, d’où le surnom de « visières aveuglantes »), Tommy est une figure éminemment romanesque. Revenu traumatisé des tranchées françaises (comme le personnage de Michael Pitt dans Boardwalk Empire), réfugié dans l’opium (comme De Niro dans Il était une fois en Amérique), ce mauvais garçon est aussi un romantique qui se transforme en chaton dès qu’apparaît sa douce à l’écran.

La série, au gré de franches libertés prises avec l’Histoire, relate son irrésistible (et fictive) ascension à la manière d’une chanson de geste, émaillée d’homériques empoignades avec les gangs rivaux ou avec les forces de l’ordre envoyées par un certain Winston Churchill.

Peaky Blinders saison 1
BBC Two

La direction artistique de la série, somptueuse, est au diapason de cette entreprise de mythification, transformant les faubourgs ouvriers de la ville en lande fantasmagorique, baignée par l’épaisse fumée vomie par les hauts fourneaux. Géniale idée, au passage, que ce générique, différent à chaque épisode, en forme de plan séquence faisant honneur aux incroyables plateaux construits par les décorateurs, le tout sur fond de Red Right Hand de Nick Cave. Le musicien australien - au même titre que les White Stripes - est largement mis à contribution par la bande-son. La série lui emprunte même des titres composés pour les films d’Andrew Dominik et John Hillcoat, références esthétiques majeures de ce Peaky Blinders.

On ne sera qu’à peine surpris de croiser au casting de la saison 2 un des Hommes sans loi de Hillcoat, Tom Hardy, que Steven Knight a lui-même dirigé sur Locke. Belle prise pour la série même si l’acteur n’est jamais là que pour donner la réplique à la vraie star du show, Cillian Murphy, époustouflant de bout en bout. La prestation de l’Irlandais, les traits plus émaciés que jamais, est pour beaucoup dans la stature quasi-surnaturelle à laquelle finit par atteindre Tommy au fil des épisodes. « He’s a god, he's a man / he's a ghost, he's a guru », chante Nick Cave en ouverture. Il manquait jusque-là aux petites frappes dont regorge le polar british contemporain un saint-patron de fiction auquel adresser leurs prières. L’injustice est enfin réparée.

Grégory Ledergue


Peaky Blinders : la véritable histoire du gang de Birmingham