Toutes les critiques de 4 mois, 3 semaines et 2 jours

Les critiques de Première

  1. Première
    par Isabelle Danel

    En longs plans-séquences, la caméra fait corps avec la comédienne principale et son énergie inaltérable. Les décors qu'elle traverse n'ont pas l'air d'en être, les dilaogues échangés sonnent comme des conversations naturelles. Mille détails vibrants nourissent ce grand film qui traite de volonté, de courage et, par-dessus tout, de fidélité.

  2. Première
    par Gael Golhen

    Nouvel ambassadeur d’une déferlante roumaine qui pointe les séquelles du communisme (La Mort de Dante Lazarescu, 12h08 à l’Est de Bucarest), 4 mois, 3 semaines et 2 jours ouvre le champ d’expression du cinéma local en délaissant l’ironie et la mystique joyeuse pour une plongée asphyxiante dans les années Ceaucescu. En suivant le trajet sordide de la blonde Olivia (une étudiante qui va aider sa copine à avorter) Mungiu solde un passif collectif et raconte une (sa ?) jeunesse bousillée, démissionnaire et enfermée dans un bocal (cf . la première séquence). Jusqu’à ce plan insoutenable du fœtus sur le carrelage de la salle de bain qui rappelle qu’il ne sert à rien de se voiler la face… Une palme d’Or méritée.

Les critiques de la Presse

  1. Elle
    par Françoise Delbecq

    Sacré palme d'or au dernier Festival de Cannes, ce film roumain à la fois bouleversant et percutant est construit comme un thriller, sur le fil tendu de l'angoisse. Un drame suivi caméra à l'épaule par Cristian Mungiu, qui dessine ici avec émotion le portrait intime de deux jeunes femmes.

  2. Télérama
    par Cécile Mury

    Cette histoire intime progresse à la manière d’un thriller : le réalisateur entretient constamment une forme intense de suspense, autant sur l’état psychologique des héroïnes que sur leur sécu­rité matérielle. Cette tension, pourtant, ne doit rien aux habituels artifices censés doper l’attention. La mise en scène, véritable morceau de bravoure formel, découpe le temps au scalpel.

  3. Le Monde
    par Thomas Sotinel

    Dans cet enfer sans grandeur, Mungiu fait vivre son héroïne. Sans Otilia, 4 mois, 3 semaines, 2 jours, serait un pur moment de désespoir. Mais la jeune femme incarne la liberté de choix, la volonté de risquer sa liberté, sa tranquillité pour quelqu'un d'autre. Anamaria Marinca tient ce rôle périlleux avec une intensité qui n'a rien de démonstratif. Dans le débat que le film suscite, en toute connaissance de cause, elle représente le libre arbitre. Ce libre arbitre se paye, pour l'exercer il faut être lucide.

  4. Paris Match
    par Alain Spira

    Avec une maestria qui lui a valu la Palme d'or au dernier Festival de Cannes, le cinéaste manie les plans-séquences et la caméra à l'épaule comme des outils de précision afin de graver en nous à jamais ses images. Du début à la fin de ces 4 mois, 3 semaines, 2 jours, le spectateur est tendu à la limite de la rupture par une angoisse qui n'a rien à envier aux suspenses des meilleurs thrillers ou films d'horreur.

  5. Le JDD
    par Danielle Attali

    L'oppression, la peur, la révolte, l'humiliation, la détermination, le courage habitent ce scénario inquiétant, économe en dialogues, qui se déroule sur vingt-quatre heures. Il nous happe dans un flot d'émotions contenues. Cristian Mungiu accumule les plans-séquences qui donnent encore plus de réalité et de puissance à son propos. Sur fond de contexte historico-politique, il raconte le plus simplement du monde cette vie des autres où la tension va crescendo.

  6. Pariscope
    par Arno Gaillard

    Cannes a souvent été le lieu de naissance de grands cinéastes, à la fin de ces 113 minutes le doute n’est plus permis, nous sommes bien avec Christian Mungiu, en présence d’un grand cinéaste qui filme magnifiquement la vérité politique de son pays autrefois. Son film ressemble à un triptyque, fait de trois parties dans lesquelles de longs plans séquences demandent parfois à l’œil du spectateur de faire sa propre mise en scène. Comme lors d’une séquence inoubliable par sa densité et sa justesse à l’intérieur d’un hôtel sordide, avec un homme sordide et sa terrible valise. Ou encore pendant une fête de famille dans laquelle une jeune femme règne par son absence et l’inquiétude qui la ronge. Ces « 4 mois, 3 semaines, 2 jours » sont un chef d’œuvre et l’honneur du cinéma cette année. Certainement la plus belle Palme d’Or de ces dix dernières années.

  7. Télé 7 jours
    par Julien Barcilon

    Acte passible de prison, l'avortement n'est évidemment pas le sujet du film. Il agit comme le révélateur d'une société liberticide rongée par la corruption, qui n'épargne rien ni personne. Récompensé par la Palme d'or, du cinéma vérité parfaitement interprété, dont on ne sort pas indemne.

  8. Télérama
    par Frédéric Strauss

    Quant à Gabita, la jeune fille enceinte, elle est irresponsable, incapable de faire face à ce qui lui arrive. Aucune chance ne lui est donnée de montrer un autre visage, et elle est finalement clouée au pilori par un plan terrible montrant le fœtus expulsé sur le carrelage de la salle de bains. Mungiu sait-il qu’une telle image est du pain béni pour les anti-avortement ? On voudrait que ­cette palme soit celle de la jeunesse. C’est celle de l’immaturité.

  9. Fluctuat

    Si Cristian Mungiu prend son temps pour dresser cette chronique réaliste d'un avortement, il réussit à l'arrivée un petit miracle d'équilibre d'une étonnante beauté. Au-delà d'une image choc et d'une polémique stérile, 4 mois, 3 semaines et 2 jours, la palme d'or 2007, est d'abord l'oeuvre d'un cinéaste talentueux.
    - Exprimez-vous sur le forum 4 mois, 3 semaines et 2 joursLa tristesse des chambres étudiantes, les rues sales et la débrouille (fraude et marché noir) dessinent un quotidien pesant, contaminé par un environnement miteux. Tourné en décor naturel et constitué de longs plans-séquences, le ton « brut » d'un sujet peu ragoûtant ne doit pourtant pas effrayer. D'une part, Cristian Mungiu évite tout misérabilisme et surtout, en suivant, pas à pas, le long chemin de croix d'Otilia, il prend le parti… de l'action.Comme le dit le titre, la grossesse de Gabita est bien entamée (4 mois,… etc.) et son avortement sera un angoissant compte à rebours. Deux ans avant la chute de Ceausescu, c'est en effet un crime (1) ! Pour l'aider, Otilia affronte l'immaturité, la lâcheté, les « lois du marché » et son troc infâme. Autant de problèmes à résoudre par l'action, la réaction ou la discussion. D'une précision clinique, les dialogues, du tac au tac, contribuent à la nervosité générale. L'inquiétant « Monsieur Bébé » explique ainsi méthodiquement la manière de se débarrasser d'un foetus avant un ignoble marchandage. Chacun défend donc son bifteck pour survivre ou tirer profit d'un système pourri de l'intérieur.Ce ton « naturaliste » sonne juste. Il trahit la corruption des âmes figées dans le mensonge et contribue, par sa sécheresse, à l'efficacité de la montée d'adrénaline finale. Concentré sur les quelques heures précédant et suivant l'avortement, le récit s'établit en effet dans une sorte de « temps réel » qui transformerait presque cette chronique sociale en un thriller haletant. Dans cette course contre la montre, chaque scène prend pourtant le temps de s'installer pour faire monter, crescendo, une tension dont l'intensité culmine dans la dernière partie. S'il est éprouvant, ce jeu sur la dilatation du temps a surtout le mérite de nous placer au coeur de la situation traversée par l'excellente Anamaria Marinca, et d'apporter un ressenti physique à son épreuve. Les choix formels, radicaux, se justifient pleinement, et rendent son incessant combat captivant et angoissant. Digne d'un film noir.Cette banale anecdote devient alors le révélateur des maux d'un pays où la survie passe par les compromis. Sans jamais parler directement de politique, on sent, sans le théoriser, comment l'absurdité du régime gangrène la moindre action. En creux apparaît un univers terrifiant où l'absence de liberté individuelle est la règle. Sans jugement, l'auteur montre les conséquences du communisme au jour le jour sur l'humanité de chacun. Ainsi, le formidable plan fixe du repas familial révèle, par petites touches anodines, des mentalités sculptées par le pouvoir, la manière dont elles s'accommodent du réel, le rendent cohérent et, enfin, l'accepte.
    Il met à jour ce joli paradoxe : la société collectiviste décuple l'égoïsme.Dans ce contexte, la moindre initiative devient vite un acte de résistance. Etouffée par sa belle-famille, ses ami(e)s et la loi, Otilia lutte autant pour préserver l'avenir de son amie que pour sauver son âme. En se concentrant sur l'aspect humain de son histoire, sans jamais attaquer idéologiquement le régime qui l'a rendue possible, son auteur lui donne une portée universelle. Il rappelle d'une manière magistrale la liberté fondamentale qu'est l'avortement mais s'interroge aussi sur la responsabilité individuelle. Résister, ou devenir complice silencieux, est une question intemporelle.(1) la politique nataliste interdit l'avortement avant le 4ème enfant 4 mois, 3 semaines et 2 jours
    De Cristian Mungiu
    Avec Anamaria Marinca, Laura Vasiliu, Vlad Ivanov
    Sortie en salles le 29 août 2007Illus. © Bac Films
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