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Sur un sujet aussi délicat que l'immigration, le film n'évite pas l'écueil de l'effet catalogue (une Mexicaine, une Bangladeshie, une Australienne...) mais impose son violent constat. Assez pour continuer à vivre dans l'esprit du spectateur bien après être sorti de la salle.
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(...) malgré un casting premium, on cherche encore l'enjeu de cette chronique fastidieuse qui se voudrait engagée mais ne parvient pas à nous interpeller.
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Définis sans finesse, les personnages bénéficient de dialogues souvent creux dont les acteurs ne sortent pas grandis. Harrison Ford fait son job au «ralenti» - effet fortement utilisé dans cette réalisation facile - quand Ray Liotta se met à nu sous l'œil peu bienveillant de la caméra. Là où Iñárritu a su magnifier ses acteurs dans une réflexion multi-culturelle sur la communication, là où son scénariste Arriaga aurait déconstruit une histoire pour lui donner de l'ampleur, Wayne Kramer ne parvient pas à réaliser un film choral avec poésie et dénonce les déroutes de la course à la «carte verte» (prostitution, déracinement familial, etc.) avec facilité et sans grande conviction.
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On appréciera cependant sa vision transversale et sans compromis du sujet, la relative sobriété de sa réalisation et quelques moments forts (mention spéciale à Ray Liotta dans un rôle ingrat).
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Derrière ce grand tableau sociétal où l'obligation de consensus l'emporte sur tout, le film est aussi limpide quant à ses intentions secondaires. Les acteurs y voient l'occasion d'une relance inespérée (Ashley Judd) ou, pour certains d'entre eux, d'une transition en douceur. Jusqu'alors cramponné au film d'action avec une crispation qui confine à l'entêtement pathétique (le dernier Indiana Jones), Harrison Ford se dirige ouvertement vers le registre eastwoodien du vieux flic patriarche en pré retraite, pleurant son impuissance devant la détresse des immigrés mexicains qu'il arrête tous les jours. Pur opportunisme qu'une telle posture, puisqu'elle se limite à un banal photocopiage, repris à plus grande échelle par le film qui, pour sa partie asiatique, repompe sans vergogne Gran torino (le petit coréen perverti par ses cousins délinquants à casquettes). Ray Liotta intrigue davantage en éternel salaud, composant un prédateur sexuel terrifiant d'ambiguïté, mi-ogre mi-petit-bourgeois. Et puis quelque chose d'indéfinissable a changé sur son visage, une peau anormalement froissée, presque brûlée, stigmate d'une ringardisation avancée, mutation digne d'un héros de Cronenberg. Le reste du film est, hélas, nettement plus lisse.
Droit de passage