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Au cinéma et ailleurs le crime paie toujours un peu. Le roi colombien de la poudre (aux yeux ?) Pablo Escobar – narcotrafiquant star des golden eighties jusqu’à sa mort violente en 1993 - n’en finit pas d’exciter les scénaristes. De la série Narco aux récents longs-métrages Paradise Lost avec Benicio ou Barry Seal avec Cruise, le roi du cartel de Medellin - déjà culte de son vivant - peut dormir sur ses deux oreilles. Et Javier Bardem a beau crier haut et fort aujourd’hui qu’il porte son Escobar depuis des lustres attendant que les planètes s’alignent enfin pour le produire, ce biopic arrive un peu en bout de ligne. Que dire de plus ? Que montrer d’autre ? Il y a bien ce livre témoignage de Virginia Vallejo qui sert de matière première au film et dont le titre dit tout ou presque : Loving Pablo, Hating Escobar. Cet “Escobar movie”-là c’est donc aussi “Vallejo” que Penélope Cruz incarne avec une joie non dissimulée quitte à forcer sur le rimmel. Cette femme, figure de la télé colombienne, a été la maîtresse du saint homme après l’avoir interviewé in situ entouré de ses sbires en janvier 1983. La présence à l’écran du couple de stars - ville, écran - contribue sans doute à la curiosité de la chose alors que se profile à l’horizon l’ouverture cannoise avec le nouveau long-métrage d’Asghar Farhadi, Everybody knows portée par nos deux tourtereaux. Quoique.
L’hippo Bardem, la gazelle Cruz
Bardem joue ici à l’hippopotame, animal préféré d’Escobar pour ses formes très généreuses et sa capacité tout aussi généreuse à réduire en bouillie les gêneurs. L’acteur espagnol en fait un héros ventru et omnipotent dont on aurait aimé, quitte à ne pas faire dans la demi-mesure, qu’il porte un peu plus haut l’aspect bouffon d’un personnage imbu de lui-même qui avait décidé de ne se fixer aucune limite. La crainte avec un héros comme celui-là est qu’il n’ait pas grand-chose à nous dire d’autre que ce qu’il revendique en permanence. Du coup, le scénario empile les séquences comme autant de perles censées valider l’image d’Epinal de la créature. En face, la gazelle Cruz, complice et faussement dupe, donne le change sans avoir la place d’exister vraiment. C’est dommage puisque c’est sur elle que devrait s’écrire cette histoire, celle d’une femme piégée à son corps peu défendant devant un homme manipulateur et d’une insolence désarmante. Ce film-là n’existe malheureusement pas ou trop peu. On pouvait espérer mieux venant du cinéaste espagnol Fernando Léon de Aranoa (Les lundis au soleil…) que cet énième biopic tout juste efficace, qui ne cherche même pas à « faire » cinéma.