Première
par Vanina Arrighi de Casanova
Rarement figure de l'enfant monstre, récurrente au cinéma, n'aura été aussi troublante que sous l'objectif de Lynne Ramsay. Entre drame intime et thriller, We Need To Talk About Kevin sonde avec beaucoup d'intelligence la culpabilité d'une mère face à son fils criminel et le cauchemar d'une relation filiale viciée dès l'origine.
Entre les mains de la réalisatrice de Ratcatcher et du Voyage de Morvern Callar, il est devenu une œuvre purement cinématographique qui délaisse la psychologie au profit d’un collage visuel et sonore, maelström mémoriel entrechoquant différentes temporalités et excluant autant que possible le dialogue. Si certains seront rebutés par le symbolisme appuyé de la mise en scène (notamment l’emploi de la couleur rouge comme motif central), les autres se verront pris à la gorge dès l’ouverture du film, qui juxtapose des instants-clés comme autant de secousses émotionnelles, rythmés par une extraordinaire utilisation des effets sonores. Passé cette première demi-heure radicale, la construction se stabilise afin de former un récit centré sur la guerre quotidienne que se livrent Eva et Kevin. Rejeton diabolique ou produit ravagé d’une mère incapable de l’aimer, Kevin reste une énigme que le film se refuse à élucider (ce qui ne l’empêche pas d’évoquer, avec un humour mordant, le cinéma d’horreur tendance La Malédiction). Ce mystère est d’autant plus dérangeant que, peu à peu, une troublante similarité se dessine entre mère et fils, de leur asociabilité réfrigérante à leurs allures d’oiseaux de proie dégingandés.