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Début de la fin à Toronto. Mais les séances continuent entre intrus, OVNI et prix Nobel. Parce que, oui, on a vu la Lady de BessonOn est mardi, le festival en est à son sixième jour, et mine de rien, on en est déjà aux 2/3, et ça se sent. Les gens de l’”industrie”, comme il est indiqué sur leurs badges, sont soit partis, soit en train de s’y préparer. Ceux qui restent veulent profiter de leur temps libre pour voir les films qu’ils ont envie de voir, au lieu de ceux qu’ils étaient obligés de voir jusqu’à présent. Les salles sont beaucoup moins remplies et on n’a plus besoin de se pointer une demi-heure a l’avance pour être sur d’avoir un siège. Les journaux professionnels comme le Daily Variety notent la faiblesse du marché : le nombre de films achetés est particulièrement bas a ce stade du festival, et reflète l’inquiétude des distributeurs face a la crise.Au programme de ce début de fin de festival, The Intruders de Juan Carlos Fresnadillo (28 semaines plus tard). Intruders est plus proche du film de fantômes que du film d’intrusion. Une adolescente imagine des histoires de fantômes, finit par y croire, et convainc son père (joué par Clive Owen) qu’un croquemitaine la guette dans sa chambre. Une histoire parallèle raconte le même genre de relation entre une mère et son fils, ailleurs dans l’espace et dans le temps. Il y a un lien, évidemment, et le script comme la mise en scène sont assez habiles. Pas assez cependant pour assurer au film plus qu’une tournée dans les principaux festivals de film fantastique de la rentrée.Into the abyss est le dernier docu de Werner Herzog (dernier en date, mais pas en nombre, il en a encore plein son frigo). Ici, il a décidé de se pencher sur la peine de mort en enquêtant sur une affaire de triple meurtre datant de septembre 2001. Une mère, son fils et un copain du fils sont tués dans leur maison d’une banlieue riche de Dallas par deux gamins qui voulaient piquer leur voiture. L’un est condamé à mort, l’autre a perpète. Avec sa voix inimitable, Herzog prend d’abord ses distances, affirmant son opposition inconditionelle a la peine de mort. Puis, il entreprend d’étudier la question sous toutes les coutures, interrogeant tous les protagonistes possibles : le futur exécuté, le chapelain de la prison, le bourreau, la famille des victimes (ou ce qu’il en reste), et les parents des meurtriers. Comme d’habitude, il ne peut s’empêcher de digresser ou de trouver des filons comiques aux endroits les plus inattendus. Le résultat est souvent fascinant, mais laisse un sentiment de frustration, comme si le sujet méritait un traitement plus rigoureux.Sono Sion est un cinéaste phénoménal dont la productivité frénétique est en train de prendre de court aussi bien les programmateurs de festivals que les distributeurs. Entre Cold Fish (Venise 2010) et Himizu (Venise 2011), il a, entretemps, réalisé l’excellent Guilty of romance (Quinzaine des réalisateurs 2011). En France, aucun de ses 17 films n’est jamais sorti ! Himizu donc, est adapté d’un manga et situé dans le Japon d’après le tremblement de terre. La dévastation sert de toile de fond pour traiter de la difficulté de survivre, particulièrement lorsqu’on est jeune et sans expérience. Sion semble obsédé par ce thème du désespoir adolescent qu’il avait déjà traité dans Suicide club et Noriko’s dinner table. Ici, son cinéma brille toujours de quelques éclairs de génie, mais il traite son sujet avec une intensité brute qui finit par peser.Apres le Japon, la Chine : UFO in her eyes est le dernier long de la réalistarice Xiaolu Guo (Une chinoise) qui poursuit son étude de l’évolution de la Chine contemporaine avec ce très joli film dont les premières images témoignent d’un tempérament poétique fort en même temps que d’un point de vue très affirmé. Dans un paysage montagneux très peu abîmé par l’homme, un gamin tout nu gambade dans les rizières en traînant derrière lui une poupée blonde attachée par le cou; un couple tire un petit coup vite fait dans la campagne; en se relevant, la femme ramasse une sorte de cristal transparent, le porte a son oeil et a une illumination: elle croit voir un OVNI. A partir de là, son histoire et celle de son village vont changer radicalement. Leur trajectoire sert de trame à un tableau en accéléré des transformations qui ont fait passer la Chine rurale du moyen-âge a la modernité en un rien de temps. Les restes de l’idéologie maoiste y cohabitent sans problème avec la nouvelle morale capitaliste dans une sorte de marche forcée impitoyable et brutale. La sensibilité surréaliste et les surprises permanentes (irruption d’Udo Kier!) font du film un must.On reste en Asie avec The lady de Luc Besson, présenté en première mondiale. Le sujet –  le destin de la fille d’Aung San, artisan malheureux de l’unité nationale en Birmanie – est très fort. Besson a choisi de le traiter sous l’angle de l’émotion, en évoquant le mariage d’Aung San Suu Kyi (Michelle Yeoh) avec l’anglais Michael Arias (David Thewlis) et leurs difficultés pour communiquer a distance, elle assignée a résidence en Birmanie, lui immobilisé en Angleterre par un cancer. L’histoire court sur 11 ans, et Besson l’illustre avec vigueur et une forte tendance à simplifier (mais la vraie histoire est compliquée). Difficile de rester insensible pour peu qu’on s’intéresse à ce pays et à son histoire, mais la longueur du film (2h25) peut jouer contre lui.