Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
SANS UN BRUIT ★★★☆☆
De John Krasinski
L’essentiel
Des monstres sensibles au moindre bruit traquent la famille d'Emily Blunt et John Krasinski dans un slasher réjouissant et malin.
Un futur proche où le monde (enfin, un bout d'Amérique profonde) est ravagé par des monstres invincibles, aveugles et sensibles au moindre bruit. Cela faisait longtemps que le cinéma de genre n'avait pas accouché d'un concept aussi simple et excitant.
Sylvestre Picard
PREMIÈRE A ADORÉ
UNE PRIÈRE AVANT L’AUBE ★★★★★
De Jean-Stéphane Sauvaire
En 2007, dans Johnny Mad Dog, premier film de Jean-Stéphane Sauvaire, les enfants-soldats d’Ouganda trouvaient un pistolet mitrailleur israélien Uzi dans les décombres d’une rue. « Comme celui de Chuck Norris dans Delta Force », s’exclamait alors Johnny, le chef de la bande de jeunes guerriers. « Vigilance, donc ! Chuck Norris peut être là. Ou les Israéliens. » Les mômes de Johnny Mad Dog empruntaient une partie de leur culture et de leur façon d’être au monde aux films d’action les plus bourrins des années 80. Dix ans plus tard, on découvre Une prière avant l’aube, deuxième long de Sauvaire, un peu comme Johnny et ses copains face à l’Uzi. Un jeune dealer anglais, fou de boxe, est emprisonné dans une geôle de Bangkok et ne trouvera le chemin de la sortie que grâce au combat. On pense immédiatement à Kickboxer, à Best of the Best, à Riki-Oh : The Story of Ricky, toutes ces pelletées de films d’arts martiaux – plus ou moins bons. Mais si Une prière avant l’aube se confronte à ces films, c’est bien malgré lui...
Sylvestre Picard
HAVE A NICE DAY ★★★★☆
De Liu Jian
« Le Pulp Fiction de l’animation chinoise », annonçait la phrase d’accroche du site Indiewire dans le dossier de presse de Have A Nice Day. Une promesse assez tordue pour donner envie de se ruer en salle… Et reconnaître que nos confrères américains ont le sens de la formule. Ce second long métrage de Liu Jian (après Piercing I en 2010), qui bénéficie d’une distribution française suite à un parcours sinueux en festivals, emprunte en effet plus d’un trait à l’univers de Tarantino.
Michaël Patin
JERICÓ, L'ENVOL INFINI DES JOURS ★★★★☆
De Catalina Mesa
Perdue au milieu des vallées et des montagnes de Jericó, une petite bourgade en Colombie, Catalina Mesa part à la rencontre de ses femmes, mémoires vivantes du village. Pomponnées en permanence et casse-cou malgré leurs âges (l’une d’entre elle, 80 ans passé, part faire de la moto sans casque dans les montagnes), elles sont belles et éternelles. Tout y passe. De la religion à leurs enfants, en passant par leurs relations amoureuses, voire intimes, ces femmes parlent de tout et sans tabou. Au rythme des musiques latines et de la préparation des fameuses tortillas de maïs, on rit, on pleure, mais on s’émerveille surtout. Ces femmes qui ont tout vécu et tout traversé, ont pour point commun d’être profondément humaines. Un documentaire beau et touchant.
Alexandre Bernard
PREMIÈRE A AIMÉ
HOW TO TALK TO GIRLS AT PARTIES ★★★☆☆
De John Cameron Mitchell
En 1977, Neil Gaiman n’avait pas encore écrit Sandman, ni American Gods, et n’était donc pas devenu l’un des hérauts geek les plus influents de la planète. Il avait 17 ans et se contentait de jouer dans un groupe de punk avec ses copains. Muni de ce minuscule indice biographique, le spectateur de How To Talk To Girls At Parties (HTTTGAP) n’a besoin que d’une trentaine de secondes pour comprendre que l’ado boutonneux qui sirote ici ses premières pintes en écoutant les Damned est une version rétrospectivement fantasmée de Gaiman himself.
Frédéric Foubert
BÉCASSINE ! ★★★☆☆
De Bruno Podalydès
Bécassine en 2018, excepté un air de Chantal Goya, ça ne dit plus grand-chose aux moins de 50 ans (60?). La bonne Bretonne est passée de mode comme les sucres d’orge et les soldats de plomb. Son revival par Bruno Podalydès obéit néanmoins à une certaine logique de la part de cet admirateur de Tintin, sur qui l’œuvre popularisée par Caumery et Pinchon eut une influence manifeste – la ressemblance physique, la ligne claire, les personnages secondaires pittoresques. Sans déguiser sa nature naïve et rêveuse pour la rendre moderne, Podalydès en fait une héroïne plus ancrée dans la vraie vie à travers sa relation maternelle avec Loulotte, la fillette adoptive de la marquise de Grand Air – qui a embauché Bécassine comme nounou à tout faire. C’est le fil rouge d’une comédie charmante, un brin ronronnante, où les maîtres sont gentiment inconséquents, les domestiques un peu ronchons et les escrocs sympathiques ; où on laisse des mots dans la forêt pour prévenir les animaux d’une chasse imminente et où les roquets font des crottes aussi grosses qu’eux ; où les trucages à l’ancienne se mêlent naturellement aux effets visuels dernier cri ; où, enfin, un spectacle de marionnettes tout pourri suscitant l’émerveillement des spectateurs devient la vitrine d’un film qui carbure au faux premier degré et à la poésie modeste mais efficace. Dans le rôle-titre, Émeline Bayart, ses grands yeux bleus remplis d’amour et sa silhouette ultra graphique, s’intègre merveilleusement à cet univers léger… comme une bulle.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
À GENOUX LES GARS ★★☆☆☆
D’Antoine Desrosières
Quatre ans après Haramiste, moyen métrage remarqué dans lequel deux jeunes comédiennes inconnues dissertaient, voilées, sur la sodomie et l’air fellation (et tordaient le cou, au passage, aux clichés sur la sexualité des jeunes Françaises de confession musulmane), Antoine Desrosières enfonce le clou avec A genoux les gars : les deux mêmes pétillantes actrices, Souad Arsane et Inas Chanti, jouent encore deux sœurs confrontées aux affres d’une sexualité compliquée, et même contrainte. En l’absence de Rim (Chanti), Yasmina (Souad) est ainsi manipulée par son propre petit ami pour faire une fellation à celui de sa sœur. Pour qu’elle garde le silence, les deux garçons, qui ont filmé la scène, la menacent de tout montrer à Rim… Avec une liberté de ton et une audace rappelant la Nouvelle Vague (on pense à l’humour anar de Godard), Desrosières raconte le monde d’avant et post-#MeToo : tourné avant l’affaire Weinstein, À genoux les gars avait en son germe les réponses aux questionnements du moment -c’est en s’affranchissant des codes patriarcaux par elles-mêmes que les femmes en dicteront de nouveaux, plus égalitaires et même décomplexés. Une fois qu’on a dit ça, force est de reconnaître que le film pêche par une interprétation inégale et par un excès de bavardage (beaucoup d’impros qu’on dirait captées, peu de cinéma). À genoux les gars fait cependant souffler un vent d’air frais sur une production auteuriste frileuse et autocentrée. Il mérite nos encouragements.
Christophe Narbonne
LE DOUDOU ★★☆☆☆
De Julien Hervé et Philippe Michele
Avec un scénario qui pourrait tenir sur une microcarte SIM (Michel part à la recherche du doudou de sa fille, perdu à l’aéroport de Roissy ; il sera aidé dans sa quête par Sofiane un employé de l’aéroport), le premier film de Julien Hervé et Philippe Michele, scénaristes des Tuche, parvient à nous divertir grâce à la force du tandem Kad Merad / Malik Bentalha : l’ex membre du Jamel Comedy Club excelle pour balancer des punchlines qui font mouche face à un Kad Merad dans le rôle du clown blanc -qui lui sied d’ailleurs assez bien. On assiste en quelque sorte avec Le Doudou à une passation entre la « vieille » garde comique et la jeune génération. Dommage que l’histoire ne soit pas plus aboutie et ne se résume qu’à une succession de rencontres improbables et plus ou moins désopilantes.
Nicolas Bellet
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