Came légale, Cigarette électronique, dealers en chemise blanche... Le réalisateur Philippe Haïm explique comment il s'est appuyé sur des faits réels, pour raconter le nouveau marché de la drogue, dans cette mini-série âpre et haletante.
Réalisateur du thriller Secret Défense, en 2008 (avec Gérard Lanvin) et de la saison 2 de la série Braquo pour Canal +, Philippe Haïm dévoile ce jeudi soir, sur Arte, sa toute dernière création. Un polar en noir et blanc âpre et terriblement prenant, intitulé En Immersion, qui raconte l'enquête d'un petit flic infiltré au cœur d'un énorme trafic de drogue.
Officier de Police sans ambition, atteint d’une maladie neurologique irréversible, Michel Serrero vit seul avec Clara, sa fille de 16 ans. Découvrant qu’elle se drogue et sachant ses jours comptés, Michel doit agir vite et passe à l’action. Il entre alors "en immersion", pour infiltrer un réseau de dealers, qui s’apprête à inonder Paris avec un nouveau produit mortel...
Pour Première, Philippe Haïm raconte les origines de cette mini-série d'une extrême intensité, où la réalité rattrape bien souvent la fiction.
Comment vous est venue l'idée d’écrire En Immersion ?
Philippe Haïm : Arte avait envie de travailler avec moi. J'ai d'abord refusé un projet de script qu'ils m'ont présenté et puis je suis revenu vers eux avec quelque chose. C'était ça. Cette histoire d'infiltration dans le monde des 'stups'. Un monde que j'ai pas mal côtoyé au cours des mes précédents projets. Et dans la série, il y a pas mal de choses qui ont été vécues pour de vrai. Des événements que certains flics, qui ont été infiltrés, m'ont rapporté.
Des scènes qu'on retrouve dans la série ?
Oui. Par exemple, le sac rempli de faux billets, c'est quelque chose qu'on m'a raconté. Ou encore cette rencontre avant un deal de came. On vient présenter l'argent. On teste la marchandise. On regarde les billets. Et ensuite, plus tard, on se donne rendez-vous pour la transaction. C'est comme ça que ça se passe dans la réalité.
Vous aviez donc envie de faire quelque chose de très réaliste ?
C'est très proche de la réalité, effectivement. Mais une fiction réaliste, ça n'existe pas à mon sens. C'est juste inspiré des vraies méthodes de l'infiltration, comme le choix d'un hôtel où loger, ou le fait de ne jamais remettre les pieds au commissariat, de peur de croiser quelqu'un qui pourrait vous reconnaître. Mon personnage du méchant, Guillaume Leanour, est aussi basé sur un personnage réel. Un ancien étudiant de bonne famille, qui avait fait HEC, et qui a monté son business de drogue, petit à petit. Il a d'abord acheté des hall d'immeuble en banlieue, où distribuer sa marchandise. Et puis il est carrément parti en Colombie, pour traiter avec un cartel ! Mon personnage est inspiré de ce mec.
C'est vrai que votre trafiquant est pour le moins atypique. Ce n'est pas un fou dangereux, mais un type intelligent, qui a un business plan...
Effectivement, avec Leanour, j'ai voulu raconter la nouvelle façon de faire du trafic de drogue aujourd'hui. Comment des gens montent des labos, étudient la législation d'un pays, fabriquent une came légale, inondent le marché. Et quand la loi change et que leur came devient illégale, ils déménagent, changent de pays, et recommencent ailleurs. C'est vraiment comme ça que ça se passe. C'est le nouveau marché de la drogue.
Et en 2010, on ne se pique plus, on se shoote avec une cigarette électronique !
Cet usage de la cigarette électronique, comme moyen pratique et convivial pour fumer de la drogue, c'est un truc très vrai aussi. C'est une énorme crainte de la police aujourd'hui, de les voir remplacer les seringues.
Votre série, ce n'est pas qu'un polar. C'est aussi une histoire touchante entre un père et sa fille.
Oui, c'est même le cœur de l'histoire à mon avis. Ce sont deux personnes qui n'arrivent pas à s'aimer. Il y a quelques séquences très fortes entre eux. Des scènes pleine de non-dits, qui sous-tendent toute la série. Ce sont des gens qui se sont ratés. Je veux préciser que mon père est décédé durant le tournage de la série. Et beaucoup de choses me sont alors apparues. Elle a été pour moi un moyen de mieux comprendre mon père.
En Immersion s'intéresse également au sort des réfugiés, au cœur de l'actualité en ce moment. Il faut y voir un message politique ?
C'est vrai qu'avec le personnage de Soudoumbé, qui est très innocent et presque muet, j'ai voulu parler des réfugiés et de leur place chez nous. "La France, elle s'en fout de toi", lui lance à un moment Michel Serrero. C'était un message que je voulais faire passer. J'ai rencontré personnellement des réfugiés syriens, qui ont fui leur pays. Et ça me tenait à cœur d'en parler. Pour moi, c'est une honte nationale.
Pourquoi avoir choisi le noir et blanc ?
Ce n'était pas prévu au départ. J'y ai pensé pendant. Je suis quelqu'un qui fait attention à tous les détails. J'ai besoin que les choses s'accordent harmoniquement. Et je trouvais justement un manque d'unité, dans le rendu final. J'ai grandi en regardant des chefs-d’œuvre en noir et blanc, comme ceux de Kurozawa. Le noir et blanc déréalise le récit et ça collait très bien avec l'esprit film noir que je voulais. Avec son ton un peu à l'ancienne...
Le format aussi est assez particulier, puisque c'est une mini-série divisée en 3 épisodes de 52 minutes.
Franchement, c'est vraiment difficile à faire. Parce qu'au bout du compte, ça fait la durée d'un long-métrage. Mais on ne peut pas la concevoir comme un film, qu'on couperait en trois parties. On a voulu faire une vraie série, avec des cliffhangers, des teasers pré-générique... Et en même temps, mon héros (Michel) change et évolue comme dans un film. Je crois qu'En Immersion, c'est un peu l'association des deux genres, le cinéma et la série.
Avez-vous prévu de faire une suite ?
Non. On l'a conçu comme une mini-série définitive, sans suite. En tout cas, on ne l'a pas imaginé. Ceci dit, on peut très bien imaginer une autre mini-série sur le même thème, un peu comme une anthologie.
En Immersion, mini-série créée et réalisée par Philippe Haïm, avec Patrick Ridremont, Olivier Chantreau, Pénélope-Rose Lévèque, Emmanuelle Meyssignac, Salem Kali, Yann Sundberg, Victor Viel... Les trois épisodes seront diffusés ce jeudi 7 janvier 2016 sur Arte, dès 20h50.
Commentaires