L’actrice- réalisatrice raconte l'aventure des Estivants, diffusé ce soir sur Canal +
Les Estivants marquait en 2018 votre retour à la réalisation sur grand écran, cinq ans après Un château en Italie. D’où est venue l’envie de raconter cette histoire- là ?
Valeria Bruni- Tedeschi : Tout part de mon travail en 2015 avec les comédiens de la Comédie Française sur l’adaptation des Trois sœurs pour Arte. Ce tournage m’a inspiré le désir d’un film différent mes précédents, très autocentrés, qui raconterait cette fois- ci l’histoire de plusieurs personnages. La lecture des Estivants, la pièce de Gorki, n’a fait que renforcer cette envie. On y suit une quinzaine d’amis oisifs en vacances dans une propriété au bord de la mer. Gorki y pose un regard passionnant sur les rapports de classe et de pouvoir dans un huis clos au cœur d’un lieu faussement protégé du monde. Sur le fait que quelle que soit votre position sur l’échelle sociale, il y a finalement une même condition humaine, une même peur d’être abandonné, une même angoisse de la mort. C’est exactement que j’ai souhaité raconter à travers Les Estivants avec mes complices d’écriture, Agnès de Sacy et Noémie Lvovsky.
Dans vos films, on se délecte à chaque fois du jeu avec des éléments de votre vie. Cet équilibre entre cette part d’autofiction et la fiction pure est difficile à trouver ?
Cette notion de recherche d’équilibre dont vous parlez m’est totalement étrangère. Pour moi, Les estivants est une autobiographie imaginaire, dont l’imaginaire est le chef, pas l’autobiographie. Nos trois imaginaires de scénaristes décident librement de s’éloigner de la réalité quand bon nous semble, de jouer avec elle et de retrouver un nouvel ordre des choses, forcément différent de cette réalité. On ne cherche donc pas un équilibre mais… un déséquilibre dans lequel les personnages se mettent et se perdent
Le fait que vous jouiez dans chacun de vos films – ici une femme qui doit gérer sa rupture récente et l’écriture de son prochain film au milieu de sa famille, de leurs amis et des employés de cette grande propriété de la Côte d’Azur- participe aussi à cet aspect autobiographique…
Je joue dans mes films car j’aime faire l’actrice. Avouez tout de même que ce serait vraiment du masochisme de ma part de me priver de jouer un rôle qui a le même âge que moi, qui parle les deux mêmes langues que moi, qui vit des choses que je peux comprendre. D’autant plus qu’il n’existe finalement pas tant que ça de rôles de femme de mon âge. Et en même temps, il y a un paradoxe dans tout cela. Car comme actrice, j’ai toujours plus de plaisir dans les films des autres. Dans les miens, le regard du metteur en scène me manque. Mon seul vrai le plaisir y est de diriger les comédiens. Au fond, je n’ai qu’une envie : regarder les autres et je dois presque me forcer à jouer. Car j’aime profondément les gens que j’ai réunis
Parmi eux, on retrouve votre mère Marisa Borini, grande habituée de votre cinéma, mais aussi votre tante et votre fille. C’est plus facile de diriger des gens qu’on connaît aussi bien ?
C’est différent mais parce que chaque comédien est différent et que je dirige donc chacun de manière différente. Mon travail consiste à trouver la meilleure manière pour arriver à ce qu’ils s’ouvrent et se dévoilent. Une fois sur le plateau, je ne fais aucune différence entre un acteur expérimenté comme Pierre Arditi et une débutante comme ma fille. Le fait de connaître ma mère, ma tante et ma fille hors des plateaux n’apporte rien de particulier. De manière générale, je ne crois d’ailleurs pas qu’il faille connaître les comédiens qu’on dirige pour bien travailler avec eux.
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