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Justin (Nicholas Hoult) est un jeune homme bien sous tout rapport. Un jour, il se retrouve juré dans une affaire de meurtre ultra-médiatisée. L'accusé, James (Gabriel Basso), est connu pour être un homme violent. Il aurait tué Kendall, sa compagne, après une dispute dans un bar, un soir de pluie. Pour la procureure Faith (Collette), c'est une affaire idéale. Le coupable est tout trouvé, et elle compte bien se servir de ce procès pour booster sa campagne électorale. Problème : plus Justin écoute les témoignages, plus ça se complique : le soir du meurtre, il était dans le bar en question et en rentrant chez lui, il a percuté quelque chose qu'il a pris pour un cerf. Et si c'était Kendall ?
Relecture ludique de 12 hommes en colère et de toute une partie de la filmo américaine de Lang (L’invraisemblable vérité en tête) Juré numéro 2 est un courtdroom drama qui cache un twist. Alors que tous les jurés sont persuadés que James est coupable, Justin, rongé par le doute, essaie de gagner du temps. Que s’est il récemment passé ce soir-là ? Doit-il faire innocenter James ? Abandonner sa famille et sa vie toute tracée pour la justice ? C’est le noeud moral et totalement eastwoodien du film.
Plus que jamais donc, à 94 ans, Eastwood reste fidèle à ses thèmes et à son style, sec et sans fioriture. Le dilemme de son personnage lui sert de boussole et pour l’incarner, pas d’effets de manche. Eastwood joue sur un registre très économe (flirtant parfois avec un style télévisuel pépère) et il se contente de mettre en avant le visage pâle et angoissé de Nicholas Hoult ou l’énergie de Toni Collette (les deux acteurs se retrouvent face à face 20 ans après About a boy). Le script n’est pas exempt de défauts (personnages abandonnés en cours de route ou résolution d’une intrigue par un petit tour sur google…) et comme souvent depuis quelques années chez Clint, tout fonctionne dans un mélange de simplicité et de candeur que certains taxeront de naïveté quand d’autres préféreront répondre “liberté!”. Reste qu’Eastwood a cette façon toute personnelle de tourner et retourner le mythe américain et de le travailler jusqu’au bout.
Juré numéro 2 reste de fait attachant. Pour une raison principale : son rythme languide (on est en Géorgie, cet état du Sud où le cinéaste avait déjà tourné Minuit dans le Jardin du bien et du mal). Tout ici est raconté à double vitesse. Un peu comme dans Jugé coupable (film auquel on pense souvent), le héros de Juré numéro 2 n’a que peu de temps pour retracer son chemin personnel le soir de l’accident et refaire l’instruction bouclée depuis des années. Les jurés tous convaincus des évidences veulent en finir le plus vite possible et dans quelques heures, le verdict doit être rendu. James doit se presser s’il veut sauver la peau du faux coupable. Mais paradoxalement, cette course contre la montre se double d'un ralentissement. Le film épouse toutes les digressions de la conscience de son héros et multiplie les flashbacks ou les détours intimistes. C’est comme si, pour Eastwood, vieux sage de 94 ans, le meilleur moyen de gagner du temps était au fond de savoir en prendre encore quelques rations. La fin, inattendue, prouve en tout cas que le vieux lion sait encore surprendre quand il s'agit de montrer ce que pourrait être le courage au quotidien.