12 films sur l'esclavage avant 12 Years A Slave
Uncle Tom (Addio zio Tom), Franco Prosperi et Gualtero Jacopetti (1971)
Sous prétexte de documentaire (deux documentaristes voyagent dans le temps pour enregistrer <em>"les horreurs de l?esclavage"</em> aux Etats-Unis), ce film est une accumulation de scènes dégradantes qui ne sont pas si éloignées de certaines séquences de 12 Years a Slave. Ce qui les rend insupportables, c?est le regard foncièrement pervers et malhonnête de leurs auteurs, les duettistes italiens responsables de <em>Mondo Cane</em> (docu manipulateur compilant des scènes horribles et curieuses sur toute la planète). Le fameux critique américain Roger Ebert le décrivait comme <em>"le plus répugnant et méprisable simulacre de documentaire, une insulte à la décence"</em>.
Amistad de Steven Spielberg (1997)
Entre La Liste de Schindler et Il faut sauver le soldat Ryan, Spielberg s?intéresse à l?esclavage par le biais d?un récit basé sur une histoire vraie ? la révolte d?esclaves sur un navire espagnol qui obligèrent le capitaine à les ramener vers l?Afrique, ignorant que celui-ci mettait le cap sur l?Amérique, et la bataille juridique qui s?en suivit sur le territoire américain. Mélange d?action, d?aventure et, quinze ans avant Lincoln, de joutes verbales dans des salles d?audience, Amistad offre pour une fois de vrais rôles aux personnages d?esclaves qui dépassent leur statut de victimes souvent anonymes et prennent leur destin en main.
Naissance d’une nation, D.W. Griffith (1915)
50 ans après la fin de la guerre de Sécession (où son père a combattu dans l?armée confédérée), Griffith réalise une des premières super-productions hollywoodiennes en adaptant le roman d?un pasteur baptiste du Kentucky (état du sud dont est originaire le cinéaste) dramatisant les retombées de la guerre et de l?abolition de l?esclavage ? et exaltant la naissance du Ku Klux Klan. Éminemment raciste, le film dont le succès fit grossir les rangs du KKK en sommeil, est compliqué à apprécier aujourd?hui. Réalisé par un homme du Sud marqué par la Guerre de Sécession, Naissance d?une nation oppose la chevalerie et la bravoure des Blancs à la vilenie et aux vices des Noirs, et appartient à une époque où l?Amérique WASP brandissait fièrement son racisme. Un demi-siècle après l?abolition de l?esclavage, mais un demi-siècle avant les Droits civiques, il met d?ailleurs majoritairement en scène des Blancs grimés en Noirs.
Django Unchained de Quentin Tarantino (2012)
La même année que Spielberg, le "White Nigger" d?Hollywood dégaine sa version cool et pop de l?esclavage dans un western délirant et irrévérencieux où il fait de Jamie Foxx un esclave super sapé et de Christoph Waltz un dentiste allemand accessoirement chasseur de prime, son libérateur. Sur le ton comique et sanglant qui lui est coutumier, Tarantino revisite sans complexe la part sombre de l?histoire de l?Amérique comme il l?avait fait de la Seconde guerre mondiale dans Inglourious Basterds, en remontant aux sources de l?identité black qui travaille tout son cinéma. Ce qui ne fut pas du goût de tous outre-Atlantique, où critiques et cinéastes, Spike Lee en tête, <strong>lui ont dénié le droit de traiter de l?esclavage</strong>.
Glory d’Edward Zwick (1989)
<em>"Based on a true story"</em>: en romançant l'histoire vraie du premier régiment de soldats Noirs de la Guerre de sécession, Glory se situe dans la lignée post-Autant en emporte le vent des films glorieux calibrés pour les Oscars. Sujet héroïque qui appelle à l'union nationale, musique de James Horner, casting dément (Denzel Washington, Morgan Freeman), dimension épique. De fait, Glory, écrit par Kevin Jarre (scénariste efficace de Rambo 2 puis Tombstone, fils de Maurice et demi-frère de Jean-Michel), gagna trois Oscars : Meilleure photo, meilleur son et surtout Meilleur second rôle pour Denzel. Au box-office et aux Oscars, le film fut pourtant battu en 1990 par un autre véhicule à prix : Miss Daisy et son chauffeur, métaphore bien-pensante de la ségrégation qui repartit avec quatre statuettes, dont celle du Meilleur acteur pour? Morgan Freeman. Avec le recul, <em>Glory</em> est bien amer : les esclaves gagnent leur liberté et leur statut d'Américains en mourant pour le drapeau, mais le film montre aussi que les USA utilisaient les Noirs comme chair à canon.
Autant en emporte le vent, Victor Fleming (1939)
Un des grands chefs-d??uvre de l?histoire du cinéma (et un de ses plus grands succès) a pour cadre la Georgie de la guerre de Sécession et revisite l?histoire du point de vue du Sud. Si cette adaptation du roman de Margaret Mitchell ne peut pas être qualifiée de raciste, il n?est pas franchement militant non plus et évoque l?abolition de l?esclavage comme un épisode inéluctable mais douloureux de l?histoire. Pourtant, le film produit par Selznick valut à Hattie McDaniel (Mamma) l?Oscar du meilleur second rôle ? premier Oscar décerné à un acteur noir de l?histoire. Symbole des contradictions de l?Amérique, l?actrice n?eut pas le droit d?assister à la première du film qui se teint à Atlanta, dans l?état ségrégationniste de Géorgie.
Half Slave Half Free (Solomon Northup’s Odyssey) de Gordon Parks (1984)
20 ans avant McQueen, le photographe et cinéaste Gordon Parks, plus connu pour avoir réalisé Shaft, adapte le premier 12 Years a Slave, le récit de Solomon Northup. Téléfilm aux moyens et à l?ambition modestes, Half Slave Half Free n?est pas une immersion viscérale comme le chef d??uvre de McQueen mais se veut un témoignage littéral, une leçon de morale à valeur historique. Clairement militant donc, ce film réalisé pour la télévision publique américaine est une des rares ?uvres d?un Africain-Américain sur le sujet.
Lincoln de Steven Spielberg (2012)
15 ans après Amistad qui dialectisait déjà la problématique à coups de discours d?avocats et de politiques, Steven Spielberg réattaque le thème de l?esclavage par un angle encore plus théorique, en filmant les derniers mois d'Abraham Lincoln et sa bataille politico-juridique de longue haleine pour faire passer le 13ème amendement qui abolit l?esclavage. Dans l?environnement austère de la chambre des représentants et des bureaux de la Maison Blanche éclairés à la bougie, un cinéaste blanc filme le combat d?un Blanc pour libérer les Noirs. Sans se priver totalement d?émotion lorsqu?à la fin notamment, le personnage de Tommy Lee Jones (député abolitionniste) rentre avec l?amendement signé de la main de Lincoln et le fait lire à sa compagne - une Noire. Qui le récite comme un poème.
Manderlay de Lars Von Trier (2004)
En guerre contre l?Amérique (où il n?a jamais mis les pieds), Lars von Trier a réglé ses comptes avec les Blancs dans Dogville, et avec les Noirs dans Manderlay. Même s?il fait mine, sous couvert de parabole, de dénoncer en vrac le colonialisme, la propagande américaine, la guerre en Irak et la bonne conscience politiquement correcte représentée dans le film par Bryce Dallas Howard, qui, par charité chrétienne, libère les esclaves. A force, le Danois névropathe se prend les pieds dans le tapis lorsqu?un rebondissement particulièrement tordu révèle que les esclaves sont les seuls responsables de leur condition.
Mandingo de Richard Fleischer (1975)
Source d?inspiration de Tarantino pour Django Unchained, ce drame de Richard Fleischer est controversé. <em>"De l?ordure raciste"</em> pour feu le grand critique Roger Ebert, Mandingo exploite frontalement la violence et le sexe pour choquer. L?histoire du rejeton d?un maître de plantation qui se venge de sa femme en couchant avec une esclave noire, et entraîne un colosse de ses esclaves au combat à mains nues ? colosse noir avec lequel couche sa femme pour se venger à son tour? Exploitation physique et sexuelle des Noirs par les Blancs que l?on retrouve dans le film de Steve McQueen avec le personnage dément de Michael Fassbender.
Racines (1977)
37 nominations aux Emmy Awards et 9 trophées remportés, cette adaptation du roman de Alex Haley pour la télé américaine a marqué une génération entière de spectateurs en battant tous les records d?audience. En huit épisodes, Racines brosse plus d?un siècle d?histoire à travers celle d?une famille, depuis leur enlèvement en Afrique en 1750 jusqu?à leur affranchissement aux Etats-Unis à la suite de la Guerre civile. Malgré des critiques sur son acuité historique et les accusations de plagiat qui ont entâché la réputation du livre dont la série est adaptée, cette grande saga populaire est longtemps resté outre-Atlantique la seule ?uvre consistante sur le sujet.
Spartacus de Stanley Kubrick (1960)
Péplum musclé, commencé par Anthony Mann et fini par Kubrick, Spartacus a surtout grandi à partir d'un ADN de gauche marxiste. Produit par Kirk Douglas, adapté d'un roman écrit en prison par Howard Fast (membre du Parti communiste américain) et écrit par Dalton Trumbo (blacklisté en 1947 pour ses sympathies communistes), <em>Spartacus</em> est archétypal. C'est la lutte des classes réduite à sa plus simple expression, c'est l'esclave qui veut tuer l'impérialisme dans les flammes de la révolte. Et propose un commentaire sur l'esclavage africain qui a bâti l'Amérique (le personnage de Draba). La voix over du début du film est très claire : c'est l'histoire d'un héros qui <em>"rêve la mort de l'esclavage, 2000 ans avant sa fin véritable"</em>. Ironiquement, le film fut tourné en partie en Espagne, avec l'aide de Franco et de ses soldats qui chaussent les caligae des légionnaires de Crassus lors des scènes de bataille.
12 films sur l'esclavage
Le cinéma s?est confronté au thème de l?esclavage dès sa naissance, reflétant constamment l?état d?esprit d?une époque : on compte une dizaine d?adaptations de <em>La Case de l?Oncle Tom</em> et ses clichés à l?ère du muet, et le sujet est au coeur d?un des premiers longs métrages de l?histoire du cinéma, Naissance d?une nation, dont les relents racistes sont difficilement supportables aujourd?hui. Un siècle de recul qui permet, à l?heure où Steve McQueen s?apprête à lancer sa bombe 12 Years a Slave qui promet de faire date (sortie française le 22 janvier), d?observer l?évolution du regard porté sur l?esclavage selon les temps et les lieux.
Le cinéma s’est confronté au thème de l’esclavage dès sa naissance, reflétant constamment l’état d’esprit d’une époque : on compte une dizaine d’adaptations de La Case de l’Oncle Tom et ses clichés à l’ère du muet, et le sujet est au coeur d’un des premiers longs métrages de l’histoire du cinéma, Naissance d’une nation, dont les relents racistes sont difficilement supportables aujourd’hui. Un siècle de recul qui permet, à l’heure où Steve McQueen s’apprête à lancer sa bombe 12 Years a Slave qui promet de faire date (sortie française le 22 janvier), d’observer l’évolution du regard porté sur l’esclavage selon les temps et les lieux.
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