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Alain Rocca, trésorier des César, répond à une lettre ouverte du réalisateur d’Indésirables, Philippe Barassat.

Lundi dernier, les journalistes ont reçu dans leur boîte mail une lettre ouverte de Philippe Barassat. Le réalisateur d’Indésirables se plaignait de l’impossibilité pour lui de faire figurer son film dans le coffret des César au motif qu’il ne pouvait pas se permettre « de payer le ticket d’entrée de la compétition, d’un montant de 7000 euros », somme représentant, selon lui, « le budget même du film. » Et le cinéaste de faire valoir qu’Indésirables, production en noir et blanc, atypique et trash, dans laquelle Jérémie Elkaïm joue un assistant sexuel auprès d’handicapés, appartenait à cette catégorie de films sans moyens « qui gagnerait à être reconnue ou mise en avant. »

Trésorier de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma (les César), dont il est aussi l’administrateur délégué, Alain Rocca a accepté de répondre point par point aux problèmes soulevés par Philippe Barassat.

Philippe Barassat évoque « un ticket d’entrée de 7000€ pour figurer dans le coffret des César », somme pour lui impossible à débourser.

Il n’y a pas du tout de ticket d’entrée. Nous permettons à tout le monde, sans aucune discrimination, de fabriquer 4300 copies dvd de leur film et de les déposer personnellement aux membres de l’Académie. L’encodage, la fabrication, la mise sous jaquette et le dépôt de ces galettes, sachant qu’on arrive à mutualiser le tout, représentent un coût d’environ 2,50€ par pièce. C’est un tarif lié à une prestation que n’importe quel ayant-droit peut supporter. Mais il arrive, c’est vrai, que certains ne le fassent pas. Ça ne concerne d’ailleurs pas que les petites productions.

Barassat parle de solutions simples, comme celle de mettre à disposition des liens vimeo pour les membres de l’Académie.

Alain Terzian (Président des César, ndlr) refuse que l’Académie puisse être, de près ou de loin, associé à un déploiement illicite du fichier numérique d’un film. Après, nous n’interdisons à personne de mettre un lien vimeo à disposition. Il y a, sur le site des César, une rubrique qui s’appelle L’Année Cinéma où les ayant-droits mettent ce qu’ils veulent, certains proposent des extraits vidéo, d’autres des bandes-annonces ou le film entier… Ils y font ce qu’ils veulent, c’est leur page Facebook à eux en quelque sorte. L’Académie ne peut simplement pas donner un statut particulier à tel film plutôt qu’à tel autre. Au nom de quoi ?

Parce qu’il n’a pas de moyens.

Comment déterminez-vous qu’il n’a pas de moyens ?

Il le dit.

Tous les producteurs n’ont pas de moyens si vous allez par là… Réclamer un statut « différenciant » pour une catégorie de films, disons à faible budget, il peut toujours le faire auprès d’Alain Terzian et de l’Académie.

Il précise justement dans sa lettre qu’il a demandé, à plusieurs reprises, une dérogation à Terzian et au comité d’administration qui lui a été à chaque fois refusée.

C’est moi qui m’occupe de ce coffret et je peux vous dire que ce monsieur ne m’a jamais appelé. Depuis le début qu’on parle, je n’entends que des choses fausses et aberrantes ! On est dans une période où les gens devraient relire Camus. « À mal nommer les choses, on augmente le malheur du monde. » Par qui serait par exemple supporté le coût engendré par cette dérogation ? Par les autres ? Je ne sais pas ce qu’il s’imagine. L’Académie des César reçoit zéro euro de subventions, elle fonctionne grâce aux cotisations des membres. Il faudrait donc demander à ces 4300 membres de payer en plus pour des films autoproclamés « différents » ?

Philippe Barassat trouve anormal qu’un film à moins de 100 000€ de budget soit logé à la même enseigne qu’un film à 12 millions. Cela ne vous paraît-il pas sensé ?

Tout le système du cinéma français est construit autour d’une mutualisation puissante entre ce qui marche et ce qui ne marche pas, les premiers finançant les derniers dans une logique d’entraide unique au monde. Ce monsieur voudrait l’étendre à la promotion des films ? Parce que c’est ce dont il s’agit. Considérer qu’un film une fois sorti puisse bénéficier encore d’un soutien financier, englobé dans une sorte de suivi marketing, me paraît complètement déplacé. En gros, les autres devraient payer à sa place ou à la place de ses producteurs ? Je connais plein de petits producteurs qui ont des ressources très maigres. Ceux qui sont sérieux intègrent dans leur budget un minimum de cash pour la promotion de leurs films. Le coffret César entre dans cette stratégie. D’autres, je le sais, vont voir des producteurs amis et leur demandent de l’aide. Ca arrive, et c’est très beau. Pour ma part, en tant que trésorier de l’Académie, il m’arrive très souvent, à la demande des ayants-droits, d’étaler les paiements sur dix ans. Les solutions existent. Il suffit juste de m’appeler.

Voir le droit des réponses des producteurs d'Indésirables

@chris_narbonne