Evangeline Lilly
Hosain Munawar/Startraks/ABACA

Rencontre avec l’actrice, vraie héroïne du film Ant-Man et la Guêpe, au cinéma ce 18 juillet.

Tout est dans le titre. Ant-Man ET la Guêpe. Cette suite s’appuie sur la relation entre Scott Lang et Hope van Dyne, le cambrioleur maladroit mais séduisant et la fille du scientifique aussi forte en physique nucléaire qu’en coup de pied retourné. A l’heure du mouvement #Metoo, Marvel s’est enfin trouvé un personnage de femme rebelle et charismatique, une superhéroïne capable de jouer à égalité avec les mecs les plus burnés. Et elle est incarnée avec fougue et passion par Evangeline Lilly. A l’image de son personnage hors-norme, l’actrice n’a pas peur de dire ce qu’elle pense. Attention : interview qui pique.   

 

Lors de l’avant-première européenne, vous disiez que la Guêpe était forte, sexy et brave. Ça vaut aussi pour vous ?

C’est compliqué de répondre à ça. J’essaie d’être courageuse, mais au fond, on ne le sait que lorsqu’on est mis face à une situation vraiment dangereuse et heureusement, ça ne m’est jamais vraiment arrivé. J’essaie aussi d’être sexy, mais j’ai des problèmes avec cette notion. J’ai longtemps refusé d’être sexy. Je pouvais être belle, attirante, ou mignonne, mais pas sexy. Parce que si j’étais sexy alors on ne me respecterait pas.

C’est triste !

Extrêmement. Et c’est précisément ce que j’ai essayé de corriger avec la Guêpe. Je voulais la libérer de ces conneries. La Catwoman de Michelle Pfeiffer a été mon inspiration principale : un personnage et une icône furieusement sexy et en même temps extrêmement puissante et respectée. Je crois que j’ai réussi avec la Guêpe. Avec moi, c’est une autre histoire (rires).

Est-ce que le mouvement #Metoo va changer des choses dans l’attitude des femmes par rapport à ça ? Pourrait-il y avoir une forme d’auto-censure ?

Très bonne question. Je connais Brie Larson qui va incarner Captain Marvel et j’ai l’impression que son approche du personnage est basée sur l’empowerment et est très asexuée. Captain Marvel pourrait être un homme ou une femme, ça ne changerait rien. Je ne fais que spéculer ici, mais de ce que je connais de Brie et de ce que j’ai vu, c’est l’approche choisie. Et je me demande… je me demande si c’est vraiment la chose à faire pour la cause féministe. Est-ce que c’est comme ça qu’on avance ? Est-ce que c’est comme ça qu’on gagne du terrain ? Et j’ai l’impression que ce genre d’auto-censure est parfois aussi dangereux que la liberté absolue. Ce que je ne saurai jamais déterminer vraiment c’est jusqu’à quel point les questions que je me pose viennent de moi ou viennent du lavage de cerveau patriarcal que j’ai subi pendant des années. Du coup, c’est important de suivre son instinct. De savoir qu’on va foirer et de réessayer. La lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes va prendre ce long chemin. Et j’ai l’impression que c’est très important que les gens soient très compréhensifs quand on parle de féminisme. Ils sont généralement très critiques, relèvent très vite les erreurs ou les fautes. Mais on ne sait pas où on va et où tout cela nous mènera. C’est une chose inédite et un monde nouveau…

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Qu’est-ce qui change en ce moment ?

J’ai un exemple très concret. La dernière fois que je suis allée à Hollywood j’ai eu quatre rendez-vous avec des réalisatrices. Ça fait 14 ans que je fais ce métier et je n’avais JAMAIS rencontré de réalisatrices pour le travail. C’est un chiffre et un résultat incroyables pour un mouvement aussi jeune. Ça montre qu’il n’est pas conduit par des femmes immatures, mais par des femmes pragmatiques, très intelligentes et pugnaces qui ne sont pas intéressées par faire le buzz sur Twitter mais qui veulent provoquer le changement, en coulisses !

Vous pensez à qui ?

Brie Larson est très impliquée. Rashida Jones aussi. Je parle des actrices mais il y a aussi les réalisatrices, les membres de la Guild, les agents, des politiciens… C’est un spectre très large ! Et c’est tout sauf un projet basé sur des égos en tout cas.

Vous jouez souvent des personnages de guerrières. Est-ce qu’on pourrait vous voir jouer dans des comédies sentimentales ?

Ah ! J’ai bien vu la tête que vous faisiez en disant "sentimentale" ! J’aimerais bien vous faire changer d’avis sur ce genre. Mes choix de carrière semblent toujours dire que oui, je suis quelqu’un de fort ! mais je me conforme à certaines images et au fond, - c’est très embarrassant de l’avouer – je suis sexiste. Je l’ai été toute ma vie. Et je m’en suis aperçue quand l’affaire Weinstein a explosé et que j’ai été obligée de faire face à mes propres failles. J’ai intégré les valeurs masculines de manière si forte que j’ai décidé que si je voulais être "cool" il fallait que je sois un garçon manqué, je devais être forte, surtout pas féminine – parce que ça, ce n’était pas cool, mais lamentable. Les rom com sont nulles. Mais la politique c’est cool, les drames psychologiques sont cool ! Pardon ? Mais qui dit ça ? Les hommes !

Vos regrettez les choix que vous avez fait ?

Non. Les rôles que j’ai joués jusqu’à présent montrent que parfois, pour opérer des changements, il faut mettre son pied dans la porte. Et pour ça, ou disons, pour rentrer dans le club, il faut jouer selon les règles du club. Et les femmes ont accepté ça : si pour donner l’impression d’être puissantes il faut incarner toutes ces valeurs, alors on va vous montrer qu’on sait le faire. Simplement parce qu’on est capable de TOUT faire ! Le problème c’est qu’on s’est dupé nous-même sur le trajet. Parce qu’on a progressivement cru que faire ça nous donnerait le pouvoir ! Ça ne signifie pas qu’on a le pouvoir, simplement, qu’on a notre pied dans la porte. On a prouvé qu’on pouvait tout faire, maintenant, il faut convaincre les hommes qu’on a une perspective originale, des histoires à raconter différentes de celles que vous racontez depuis la nuit des temps. Et il va falloir que vous nous laissiez les raconter, les montrer aux spectateurs qui les attendent. Sans les critiquer ou les moquer par avance. 

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C’est pour ça que Brie Larson a regretté que les critiques de cinéma soient majoritairement des hommes blancs âgés ?

Oui. Il n’y a aucun problème avec ça. Mais j’ai aussi envie d’avoir le point de vue d’une femme blanche d’âge moyen, d’une jeune femme, d’hommes venant de minorités, de femmes venant de minorités…

Mais ça change vraiment l’avis sur les films ? J’ai du mal à comprendre.

Le principal défaut de cette théorie c’est qu’on a TOUS été soumis au même lavage de cerveau culturel. On a tous intégré les valeurs patriarcales – qu’on soit un latino, une femme ou un homme noir. Et on va tous juger le film de la même manière. La solution viendra de la jeune génération. Je vais vous raconter une anecdote très personnelle. Mon fils est venu sur le plateau de Ant-Man et la Guêpe. Et alors qu’il regardait et s’amusait dans son coin, il s’est mis à crier : "regardez, je suis la Guêpe !" J’ai alors compris que je ne faisais pas ce film que pour les petites filles ! Des garçons vont avoir un personnage de femme qu’ils vont vouloir imiter. Quand j’étais gamine nos modèles étaient uniquement masculins ! Et ça change tout.

Vous vouliez faire quoi quand vous étiez plus jeune ?

J’ai d’abord voulu être ballerine (super girly) puis j’ai voulu être dessinatrice chez Disney, puis vers 16 ans, j’ai eu un rêve : devenir la plus jeune PDG millionnaire du globe ! Il faut croire que mes valeurs avaient vraiment changé (rires). Et puis j’ai voulu être missionnaire, et j’ai finalement étudié les relations internationales pour devenir diplomate. Maintenant je veux être écrivain !

Quelles sont les femmes qui vous ont inspirée enfant ?

Ma mère. C’est la personne la plus empathique, la plus attentionnée, la plus gentille et aimante que j’ai jamais rencontrée.

Pas d’actrice ?

Adulte oui : Tilda Swinton, Cate Blanchet, Meryl Streep – ça va sans dire.

Pas Michelle Pfeiffer ?

Ah si ! A tel point que quand on a fait le premier Ant-Man, il était déjà question de Janet. Et quand j’en ai parlé au réalisateur et aux producteurs je leur ai dit : "si un jour vous devez caster Janet, prenez Michelle Pfeiffer !" Et trois ans plus tard ils viennent me voir et me disent que Michelle Pfeiffer jouera Janet, la mère de Hope ! "Vous vous souvenez que c’est mon idée ?" "Non !". Je m’en fiche ! Ils l’ont oublié, mais répétez-le ! C’est moi qui ai dit la première qu’il fallait Michelle Pfeiffer dans ce film (rires).