Le toujours très cintré John Cameron Mitchell adapte une nouvelle de l’auteur culte Neil Gaiman et en tire une romance SF électrisante.
En 1977, Neil Gaiman n’avait pas encore écrit Sandman, ni American Gods, et n’était donc pas devenu l’un des hérauts geek les plus influents de la planète. Il avait 17 ans et se contentait de jouer dans un groupe de punk avec ses copains. Muni de ce minuscule indice biographique, le spectateur de How To Talk To Girls At Parties (HTTTGAP) n’a besoin que d’une trentaine de secondes pour comprendre que l’ado boutonneux qui sirote ici ses premières pintes en écoutant les Damned est une version rétrospectivement fantasmée de Gaiman himself. Ce que confirmera un épilogue « méta », suffisamment révérencieux pour qu’on comprenne qu’on ne peut désormais plus adapter un de ses livres sans souligner que c’est un immense événement. Même dans le cas, comme ici, d’une petite rom-com intergalactique gentiment zinzin… Le film raconte la rencontre imaginaire du futur auteur star avec une bande d’extra-terrestres azimutés habillés en combinaisons latex (quelque part entre des figurants refoulés du casting de Cosmos 99 et le Jacques Villeret de La Soupe aux Choux) et son coup de foudre pour une adorable rebelle alien (Elle Fanning) qui veut en savoir sur cet étonnant concept : « The Punk ».
PARTOUZE VISUELLE
Dans The Neon Demon, Nicolas Winding Refn filmait Fanning comme une bombe sexuelle, une femme fatale qui faisait tourner les têtes et allumait des incendies sur son passage. John Cameron Mitchell, lui, tente de saisir en elle les derniers feux de l’adolescence, propose un instantané de son émancipation du cocon teenage. HTTTGAP se regarde comme une ode à sa beauté diaphane – on adore notamment la façon dont Mitchell filme l’immense cou élastique de l’actrice, comme si celle-ci était toujours à deux doigts de dévorer son interlocuteur. Menaçant régulièrement de virer à la partouze visuelle éreintante (péché mignon du réalisateur de Shortbus et Hedwig and the angry inch), le film parvient néanmoins à faire coaguler, l’espace de quelques scènes en apesanteur, la mythologie SF rigolote inventée par Gaiman et l’hymne à son actrice, tout en traçant un parallèle pop et houblonné entre l’Angleterre des Sex Pistols et celle du Brexit. C’est une œuvre foutraque, sincère, amusante, énergique, bordélique. Soit, finalement, une assez bonne définition du punk-rock.
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