John Carter : ces versions que vous ne verrez jamais
Ray Harryhausen
Dès les 50?s <strong>Ray Harryhausen</strong> manifeste son envie d?adapter les aventures de John Carter au cinéma. Normal : concepteur d'effets spéciaux en stop motion Harryhausen transposait au cinéma les univers de fantaisie qui l?obsédaient depuis l?enfance. Soit la préhistoire, les Mille et Une Nuits, la mythologie grecque, <strong>Jonathan Swift</strong>, <strong>Jules Verne</strong> et... Burroughs dont il a souvent dit qu?il s?agissait d?une de ses principales sources d?inspiration. Il tourna longtemps autour de John Carter, mais le coût de production et l?absence de financement mirent rapidement fin à son rêve...
Tom Cruise en John Carter
En 1986, les producteurs Mario Kassar and Andrew G. Vajna (à qui l?on doit Terminator 2) achètent les droits de la série pour Disney. L?idée est simple : malgré le four abyssal du Trou Noir et de Tron (et plus généralement de la SF adulte chez Mickey), le studio veut créer son propre concurrent aux sagas galactiques (<em>Star Wars</em>) ou d?heroic fantasy (<em>Conan Le Barbare</em>). Pendant plusieurs années des scénaristes vont se succéder et proposer des versions différentes. <strong>Charles Pogue</strong> (<em>La Mouche</em>), <strong>Terry Black</strong> (?je voyais ça comme un Errol Flynn sur Mars?) échouent. Début des 90?s, <strong>Ted Elliott</strong> et <strong>Terry Rossio</strong> (qui n?ont pas encore écrit la saga <em>Pirates des Caraibes</em>) finalisent un script qui séduit enfin les producteurs. <strong>John McTiernan</strong> est engagé pour réaliser, <strong>Tom Cruise</strong> pour jouer Carter et <strong>Julia Roberts</strong> la princesse martienne. Hollywood s?emballe, le budget du film aussi. A Princess of Mars dépasse vite les 120 millions de dollars et devient l?un des films les plus chers jamais réalisé... ou presque. Car tout tombe à l?eau. D?abord pour des problèmes de script : <strong>Bob Gale</strong> embauché pour donner un peu d?humour à l?ensemble apporte quelques scénarios qui ne plaisent pas à Cruise - de plus en plus réticents à partir pour Barsoom. Mais surtout le projet tombe à l'eau pour des raisons financières. <strong>William Stout</strong>, illustrateur embauché sur le film se souvient d?un projet pharaonique, monstrueux : ?<em>J?ai passé 2 jours sur le tournage et j?ai fait une dépression. Ils voulaient utiliser des chameaux et des éléphants pour jouer les créatures. Ils pensaient sérieusement leur enfiler des costumes !</em>?. McTiernan se rend vite compte que, techniquement, le film ne se fera jamais : à l?époque, la CG n?en est qu?à ses balbutiements et imaginer combiner des animaux en costumes, de la stop motion et des SFX relevait presque de l?hérésie. Fin des années 90, le projet est enterré, même si Disney (et notamment <strong>Jeffrey Katzenberg</strong> l?un des fervents défenseurs de l?adaptation) essaye jusqu?au bout de transposer la saga à l?écran... avant que Mickey ne perde les droits pour presque 20 ans.
L'histoire secrète de John Carter
C?est l?histoire d?une baleine blanche. D?une obsession. Depuis près d'un siècle, le cinéma court après <strong>John Carter</strong>. L?adaptation des aventures de ce soldat transporté sur Mars a bien failli se faire une dizaine de fois... avant d?échouer faute de moyens, d?ambitions ou de visions... Si <strong>Andrew Stanton</strong> a un mérite, c?est d?avoir réussi à sortir de l?enfer de production un projet qui trainait sur les étagères des studios depuis... 1936. Les plus grandes légendes hollywoodiennes s?y sont cassé les dents : Bob Clampett, <strong>Ray Harryhausen</strong>, <strong>John McTiernan</strong> et <strong>Tom Cruise</strong>, <strong>Robert Rodriguez</strong>... avant que Disney et Andrew Stanton ne réussissent finalement à emmener les spectateurs sur Barsoom. Voici l?histoire des <strong>John Carter</strong> of Mars que vous ne verrez jamais.Par Pierre LunnSuivez <strong>@PierreLunn</strong> sur Twitter
Robert Rodriguez, Guillermo del Toro et Kerry Conran partent sur Mars
Au début des années 2000, Paramount rachète les droits et signe <strong>Robert Rodriguez</strong> pour faire revivre le projet <strong>John Carter</strong>. Frank Frazetta célébrissime illustrateur devient consultant artistique sur la production. Le script avance très vite (piloté par Harry Knowles, gourou geek et créateur du site aintitcool) avant que Rodriguez ne claque la porte de la DGA et soit contraint d?abandonner le projet. Paramount demande à <strong>Guillermo Del Toro</strong> puis à <strong>Kerry Conran</strong> de reprendre le projet. Conran, qui vient de sortir Captain Sky (barnum high tech fait dans un garage pour quelques dollars) reste peu de temps sur le projet, préfère travailler sur un projet original; mais quelques démos de sa vision du film sont disponibles sur le web. On y sent clairement l'influence esthétique de Frazetta pagebreak pagebreak
John Carter is alive
C'est finalement Andrew Santon qui aura réussi l'impensable. Le film est au coeur de nombreuses polémique (la 3D, le budget pharaonique, le déficit de notoriété), mais il existe. Et la genèse du John Carter de Stanton est à lire dans le nouveau numéro de Premiere pagebreak
La version animée de Bob Clampett
C?est ce qu?on appelle l?ironie du sort : si celui qui a finalement réussi adapter les aventures de Carter au cinéma est un ancien animateur qui signe son premier film live, la première tentative d?adaptation devait être... un dessin animé ! En 1936, le réalisateur Bob Clampett (connu pour avoir conçu les plus gros délires de Tex Avery) propose à <strong>Edgar Rice Burroughs</strong> d?adapter sur grand écran sa saga SF. Il conçoit pour l?occasion (avec le fils de Burroughs) une histoire totalement originale. Avec le soutien de la Warner, Clampett va même jusqu?à réaliser des test footages (au rotoscope) qui sont présentés au publics. Les retours sont désastreux et les <em>executives</em> Warner décident d?enterrer le projet. Le studio est persuadé que l?idée d?un humain propulsé dans l?espace ne fonctionnera pas auprès du public et que le long métrage d?animation est une utopie qui ne sera jamais rentable. Un an plus tard, la série Flash Gordon produite par Universal est un immense succès et Walt Disney lance le premier film animé avec Blanche-Neige. Ce qui s?appelle être visionnaire... On pensait avoir perdu toutes les traces de ce projet inaugural jusqu?à ce qu?en 1978 on retrouve quelques images des tests footages de Clampett. Fascinants...pagebreak pagebreakDe manière prémonitoire, Clampett expliquera des années plus tard que seule l?animation pouvait rendre justice à la fantaisie de John Carter : ?<em>Un animateur peut prendre un crayon et mettre Rome ou une planète étrange sur un petit bout de papier. C?est un médium qui vous permet de tout faire</em>?.
Jon Favreau, la dernière chance de Paramount
2005 : <strong>Jon Favreau</strong> s'apprete à sortir Zathura et s'affirme comme une force montante de la Paramount. Le studio lui demande alors de reprendre le projet John Carter, et Favreau décide d?adapter les trois premiers tomes de la saga. Le projet est budgété, en bonne voie, mais un an plus tard, Paramount jette l'éponge et laisse tomber les droits, préférant se concentrer sur un reboot de la franchise <em>Star Trek</em>. Favreau, lui, part sur Iron Man et réalisera 5 ans plus tard sa propre version de John Carter : Cowboys et envahisseurs qui, comme la série de Burroughs mêle aventure, SF et western dans une intrigue échevelée. Beau joueur, le cinéaste fait tout de même une apparition dans le film de <strong>Andrew Stanton</strong> : ?<em>Andrew m?a montré une version rough du film. Ce sera super ! J?ai l?impression de faire partie d?un drôle de club, le club de ceux-qui-ont-failli-faire-John-Carter. Je suis content que quelqu?un ait réussi à le monter... et à le faire bien. Et quand je vois l?échelle du film, je suis content que ce ne soit pas moi. C?est énorme ! C?est un film énorme</em>?
Et si Tom Cruise avait joué John Carter ? Et si Robert Rodriguez ou Guillermo del Toro avait réalisé cette odyssée SF ? Avant que Andrew Stanton ne parvienne à monter le film qui sort aujourd'hui en salles, plusieurs grands réalisateurs s'étaient cassé les dents sur ce projet. Revue de détail
Commentaires