Dominique Rocher ose et réussit une réinvention du genre en mode naturaliste et minimaliste.
Un homme s’endort dans la chambre d’un appartement parisien où une fête bat son plein. À son réveil, tout n’est que silence, décombres et cadavres. Au dehors, quelques bruits, des silhouettes bizarres. Il semblerait bien que Sam soit le seul survivant d’une humanité réduite à l’état de zombies… Non, Dominique Rocher n’a pas signé le 28 jours plus tard français. Adaptation d’un roman de Pit Agarmen, La nuit a dévoré le monde est même carrément l’opposé du film de Danny Boyle, qui arpentait les rues de Londres mini-caméra DV à l’épaule tremblotante, avec pour résultat un effet de réel saisissant. On n’est pas non plus dans le survitaminé [Rec] qui érigeait un immeuble contaminé en symbole de l’obscénité de la société du spectacle. Ici, l’action est circonscrite au huis clos absolu, dans un appartement sanctuarisé par le héros qui ne voit que la solution du repli pour échapper à une mort certaine. Peu de mouvements de caméra, plans très composés, aucun dialogue, musique diégétique : Rocher se détourne de la fureur et de l’horreur supposées du monde extérieur (rappelées par de rares séquences aussi soudaines que viscérales) de façon à privilégier le chaos intérieur d’un être livré à la solitude la plus complète qu’il comble en organisant méthodiquement sa survie. Le norvégien Anders Danielsen Lie (Oslo, 31 août) y livre un impeccable numéro de funambule, faisant d’un solo de batterie rageur l’expression la plus poignante du mal-être qui le ronge à petit feu.
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