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Retour sur la courte et atypique filmographie de la légende de rock britannique. 

Le chanteur David Bowie s'est éteint dimanche 10 janvier à l'âge de 69 ans. Auteur de tubes mythiques comme Life on MarsHeroes, Let's Dance ou encore Space Oddity, celui que l'on appelait Ziggy Stardust a aussi marqué le monde du septième art par une dizaine de rôles singuliers. 

"La Vie et la mort de David Bowie", un film de David Robert Jones

The Man Who Fell to Earth, Nicolas Roeg (1976)
Son premier rôle. Et l’un des plus impressionnants. Dans L’Homme qui venait d’ailleurs de Nicolas Roeg, il joue un alien qui débarque sur terre pour chercher de l’eau pour sa planète asséché. Non. Il ne joue pas. Maigre comme jamais, roux comme le diable, marchant le long d’une route désertique, le col de son manteau relevé et frappé par le vent… A la fin des 70’s, Bowie retire définitivement ses appats glam-rock pour incarner l’extraterrestre débarqué sur terre et bientôt martyrisé parce qu’il tombait du ciel. L’astre londonien, sa faculté à imprimer son drôle de look et de destin sur notre imaginaire, sa manière d’effacer son statut de rock star pour devenir acteir… L’Homme qui venait d’ailleurs est plus que le chef-d’œuvre de Nicolas Roeg. C’est le tube ciné de Bowie, culte et définitif.  

 


Les Prédateurs, Tony Scott (1983)
The Hunger est le premier long-métrage de Tony Scott, avec Catherine Deneuve et David Bowie en couple de vampires bisexuels. Imagerie noire et chic, délire SM à peine masqué, les Prédateurs est un manifeste goth par son intro fameuse où le chanteur de Bauhaus chante son tube Bela Lugosi’s Dead, tandis qu’à l’image Bowie et Deneuve, en montage alterné, saignent des jeunes personnes à coup de croix égyptiennes. Polaroid 80’s ce chef-d’œuvre du film de vampires parlait de l’inexorable vieillissement dans une forme pubarde encore éblouissante. L’aspect clippesque faisait sens surtout pour la pop star : tout y est surface et narcissisme, maladies eighties et tropismes de Bowie, qui sont l’écrin (à double tranchant) idéal pour le chanteur perdu période Let’s Dance. La distance du crooner punk et son aspect éthérée n’auront jamais été aussi bien mis en valeur.   


Furyo, Nagisa Oshima (1983)
Furyo reste le grand choc de sa filmo. Oshima ausculte la tentation homosexuelle et le désir refoulé dans une communauté exclusivement masculine, en l'occurrence un camp japonais de prisonniers lors de la Seconde Guerre mondiale. Et il filme le face à face entre deux rock stars surpuissantes : le Japonais Ryuichi Sakamoto et David Bowie, plus ambigu et affolant que jamais. Son plus grand rôle. Son plus grand film. 

 


Labyrinthe, Jim Henson (1986)
Les gamins des 80’s ne s’en sont toujours pas remis. Traumatisé par cette fantaisie signée Jim Henson largement sous-estimée (et produite par George Lucas), on y découvrait surtout Bowie en roi des Goblins, effrayant, bizarro, sublime au côté d’un cast surtout constitué de marionettes. Le funk synthétique de la bande-originale est hallucinant. 

 


Absolute Beginners, Julien Temple (1986)
Bowie devait forcément tourner pour le roi du vidéo clip anglais des 80’s. Absolute Beginners raconte la saga des Blitz Kids, "débutants absolus", les premiers teenagers, ces gamins d'après-guerre qui claquent leur argent de poche en disque et enfringues qui inventent le frivole et le superficiel. C’est l’histoire de Bowie ? Un peu, forcément. Mais le film est surtout scoré par Bowie, et on peut même l’apercevoir dans le petit rôle de Vendice Partner. Un petit rôle dans une comédie musicale qui convoquerait à la fois les délires ultrasophistiqués de Michael Powell et l'univers pop des chansons anglaises, c'était audacieux en 1985. Et ça correspondait assez bien à Ziggy.   


La Dernière Tentation du Christ, Martin Scorsese (1988)
Il n’est là que quelques minutes, mais il emporte tout. A posteriori, confier le rôle de Pilate à Bowie relevait de l’évidence. En tout cas lui offrir une apparition dans cette épopée iconoclaste était naturelle. Bowie qui n’a vécu que par le sang, le sexe et la provoc, qui a été le plus christique des rockers anglais se devaient forcément d’envoyer le fils de Dieu sur la croix. Sous l’œil de Scorsese, il incarne donc le gourverneur de Judée avec un sens de l’humain et de l’ambiguité qui caractérise toute l’entreprise du cinéaste. Il offre une épaisseur humaine, vécue, à ce personnage symbolique et abstrait… Il a du se souvenir de ces scènes pour son clip de The Net Day, où il incarnait un prophète au milieu de fidèles déchaînés. Dans une espèce de cloaque kitsch, Gary Oldman, transformé en prêtre dévoyé, court après une prostituée jouée par Marion Cotillard. Sang et sexe, eau bénite et crucifix. Encore et toujours.

 


Twin Peaks, David Lynch (1992)
Lynch et Bowie. Ces deux-là devaient nécessairement se rencontrer. Le dandy britannique et le poète du bizarre. C’est ce que Lynch lui offre d’ailleurs, du bizarre pour un caméo inoubliable. Bowie surgit dans son costume blanch et hante durablement le film de Lynch qui accompagnait la série culte. On ne comprend pas toujours son accent du sud (et pourquoi il parle comme ça d’ailleurs) ni les personnages ou les faits qu’il évoque (Judy ? Judy qui ?), mais ce n’est pas comme si beaucoup de choses avaient du sens ici. Bowie décline ici son excentricité pop dans un univers qui ressemble à un écrin sur-mesure.

 


 

Basquiat, Julian Schnabel (1997)  
En 1981, un graphiste noir semi-SDF de 19 ans, Jean-Michel Basquiat, devient brutalement la coqueluche du monde de l'art et le protégé d'Andy Warhol. Huit ans plus tard, il meurt d'une overdose. Hagiographie pour midinette, le Basquiat de Schnabel ne s’interroge pas sur la mythologie de la créativité, mais crapouille dans les petites manigances du gotha. Basquiat est une version glamour et totalement superficielle du geste de peindre et rameute les stars intellos: Christopher Walken (en journaliste fielleux), Dennis HopperWillem DafoeCourtney Love et bien sûr David Bowie, qui en Warhol vieillissant, vieille folle hilarante et larguée, n'a vraiment pas besoin de se forcer, révélant un potentiel comique inexploité. 

 


Zoolander, Ben Stiller (2001)

Dans la grande liste façon carré VIP des caméos du grand film de Ben Stiller, il y a David Bowie. Qui apparaît le temps d'arbitrer le défi-défilé entre Derek et Hansel. "Si personne n'a d'objections, je crois que je peux aider", dit-il en apparaissant au son de Let's Dance"Old school rules... Un mannequin défile et fait un mouvement, le suivant doit le reproduire et rajouter un truc". Une apparition qui prend le spectateur complètement par surprise : d'ailleurs Stiller avait écrit la scène pour Bowie mais sans savoir s'il allait accepter. Old school rules. 

 


Le Prestige, Christopher Nolan (2006)

L'un des meilleurs films de Christopher Nolan (le duel de deux magiciens) et apparition marquante de Bowie. Avoir casté l'ex-Aladdin Sane en Nikola Tesla, scientifique borderline (qui a vraiment existé) dont les expériences folles sur l'électricité repoussent les limites de la science et de la réalité. Idée classique (une légende pour en jouer une autre) mais grande d'évidence. Il fallait bien Bowie pour tranfigurer le rôle et lui donner une importance quasi mythologique. Apparaissant dans une pluie d'éclairs dans un money shot comme lançant un show sur scène, Bowie joue avec une classe folle une espèce de Frankenstein élégant et policé dont l'accent décalé et le regard bizarre ouvrent des portes sur un ailleurs. 


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