Cette semaine au cinéma, la fille de Michael Mann signe un thriller, un film espagnol veut vous mettre mal à l'aise et Ryan Reynolds change de corps avec Jason Bateman.Choix numéro 1 : Killing Fields, d'Ami Canaan Mann, avec Sam Worthington, Jessica Chastain... Synopsis : À Texas City, la police fait face à une série de meurtres, mais les rivalités internes qui minent le service et l’endroit épouvantable où ont été retrouvés les corps – le terrain vague de Killing Fields – compliquent l’enquête. Dans le comté voisin, les inspecteurs Mike Souder et Brian Heigh travaillent sur la disparition d’une jeune fille. Pas de cadavre, aucune piste. Lorsque Anne, une gamine des rues que Brian a prise sous son aile, est portée disparue à son tour, les deux inspecteurs commencent à se dire que la solution se cache peut-être du côté de Killing Fields…Le film est présenté en compétition lors de la 68è Mostra de Venise.L'avis de Première : À Hollywood, le scénario de Killing Fields a longtemps été une patate chaude. Tous les metteurs en scène le trouvaient génial mais beaucoup trop noir pour s’y attaquer. Michael Mann a espéré un moment le produire pour Danny Boyle, qui y a renoncé au profit de Slumdog Millionaire. Pour éviter d’en perdre les droits, Mann a proposé à sa fille de le réaliser, ce qui n’était pas forcément une bonne idée tant il saute aux yeux qu’elle a du mal à sortir de l’ombre de papa. Il est beaucoup question de familles recomposées dans Killing Fields, et on peut regretter qu’Ami Canaan Mann n’ait pas pris le risque de construire la sienne au lieu de marcher sur les plates-bandes paternelles. C’est d’autant plus flagrant que cette histoire de flics hantés par leurs démons intérieurs regorge de thématiques chères au réalisateur de Heat et Miami Vice. Bien qu’en charge du projet, la réalisatrice semble en retrait, presque démissionnaire, laissant les clés de son film à un directeur de la photo émérite et à un casting époustouflant. Mais l’interprétation – mention spéciale à Jeffrey Dean Morgan – a beau mettre en avant les passionnantes fêlures des personnages (une mère qui fait la pute pour éviter de crever de solitude, un enquêteur qui hait son Texas natal), elle ne suffit pas à masquer les carences de la mise en scène. Même la fameuse noirceur du scénario n’est pas au rendez-vous, l’intrigue policière baissant les armes devant une résolution prévisible et un happy end incongru. Le projet de départ avait tout pour donner un grand thriller du niveau d’un Zodiac. Hélas, de ce film fantasmé, seule subsiste une atmosphère relativement cafardeuse.Bande-annonce : Choix numéro 2 : Malveillance, de Jaume Balaguero, avec Marta Etura, Luis Tosar...Synopsis : César est un gardien d’immeuble toujours disponible, efficace et discret.Disponible pour s’immiscer dans la vie des habitants jusqu’à les connaître par coeur ; discret quand il emploie ses nuits à détruire leur bonheur ; efficace quand il s’acharne jusqu’à l’obsession sur Clara, une jeune femme insouciante et heureuse…L'avis de Première : Hâtivement comparé à Alejandro Amenábar dès le début de sa carrière, Jaume Balagueró a toujours cherché à provoquer l’angoisse, avec pour objectif de devenir le nouveau Stuart Gordon. Après avoir réalisé deux [•REC], il s’essaie ici à un exercice de style « hitchcockien ». Ainsi débarrassé de la nécessité de se réinventer, Balagueró exploite les ficelles les plus classiques du « cauchemar en appartement », de l’invasion de cafards au chantage de la petite peste d’à côté. Pas de quoi se relever la nuit, donc. Ce qui sauve l’ensemble, ce n’est pas l’interprétation, trop inégale, ni la mise en scène, sans éclat, mais le goût du sadisme qu’affiche le cinéaste depuis La Secte sans nom, avec des personnages dont il prend plaisir à saloper le bonheur et des intrigues marquées par des épilogues très noirs. Pour le coup, on regretterait presque qu’il ne soit pas allé plus loin dans la transgression sexuelle.Bande-annonce : Choix numéro 3 : Echange standard, de David Dobkin, avec Ryan Reynolds, Jason Bateman...Synopsis : A l'école primaire, Mitch et Dave étaient deux copains inséparables. Mais au fil des années, leurs chemins se sont petit à petit éloignés. Dave est maintenant un brillant avocat, dévoué à son travail, à sa femme et à leurs trois enfants, alors que Mitch est toujours célibataire, tourne sporadiquement dans des films minables et fuit la moindre responsabilité comme la peste. Pour Mitch, la vie de Dave est un rêve : il a une femme délicieuse, des enfants qui l'adorent et gagne grassement sa vie. Quant à Dave, la vie de Mitch, dénuée d'obligations et de stress, le tenterait volontiers. À l'issue d'une nuit passablement arrosée, l'impossible va se produire : Dave se réveille dans la peau de Mitch, et vice-versa.C'est la panique totale, et les deux copains d'enfance vont vite découvrir que leur quotidien respectif est bien loin de la vie dont ils rêvaient. Leurs aventures se compliquent au contact de Sabrina, la jeune collègue sexy de Dave, et du père de Mitch. Nos deux usurpateurs vont devoir faire appel à des ressources insoupçonnées pour éviter de faire péricliter leur vie d'emprunt, jusqu'à ce qu'ils se débrouillent enfin pour reprendre possession de leur corps.L'avis de Première : Les films où les personnages échangent leurs corps constituent un sous-genre qui n’a jamais fait florès. Pour un Freaky Friday et un Dans la peau de John Malkovich, combien de nanars tombés dans l’oubli ou directement sortis en vidéo ? C’est dire si l’on n’attendait rien de cet Échange standard... Le générique aurait pourtant dû nous alerter, David Dobkin (Serial noceurs), Leslie Mann (Madame Judd Apatow à la ville) et Jason Bateman (le meilleur supporting actor actuel) présentant quelques garanties. De fait, ils assurent le job et masquent certaines carences, dont la plus évidente est la prestation de Ryan Reynolds, moins à l’aise dans la comédie depuis sa mutation récente en action man. Il force les grimaces, tout comme le réalisateur force sur le trash pour, in fine, condamner les comportements régressifs, ce qui relève de la plus parfaite hypocrisie. La première heure du film sauve néanmoins l’ensemble de la banalité.Bande-annonce :