Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
AMANTS ★★★☆☆
De Nicole Garcia
L’essentiel
Nicole Garcia tisse un thriller stylisé où se débattent Pierre Niney, Stacy Martin et le toujours excellent Benoit Magimel.
Le cinéma de Nicole Garcia ne cherche jamais à être aimable. Depuis 30 ans, elle égrène des drames dont la substantifique moelle est l’amour mis à mort. Amants n’y fait pas exception avec Lisa (Stacy Martin), jeune femme prise entre l’amour du passé, Simon (Pierre Niney), petit voyou qui ressurgit des années après s’être évaporé et le mari du temps présent, Léo (Benoît Magimel), homme d’affaires plus stable. Si le dilemme paraît s’articuler pour Lisa entre passion et raison, l’intrigue se révèle progressivement, par couches, beaucoup plus complexe, au fil d’une intrigue à la noirceur assumée où plane l’ombre de Clouzot. On admire la froideur que la cinéaste confère aux paysages paradisiaques de l’île Maurice. Et comme à son habitude, son analyse fine des rapports de classe et de l’attrait pour l’argent apporte au thriller sentimental une profondeur bienvenue, servie par l’intensité de chaque face- à- face entre Benoît Magimel et Pierre Niney.
Sophie Benamon
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
MEMORIA ★★★★☆
De Apichatpong Weerasethakul
C’est d’abord un bruit, un « bang » qui envahit tout le cadre de Memoria. Jessica Holland (Tilda Swinton, magnétique), Anglaise exilée à Bogotà l’a entendu et cherche à en retrouver la trace. Elle demande même à un ingénieur du son de récréer ce bruit par ordinateur. Le souvenir peut soudain remonter à la surface d’un monde capable de l’accueillir. C’est l’une des quêtes spirituelles et artistique de toute l’œuvre de Weerasethakul (Uncle Boonmee…). Chez lui, la léthargie, l’engourdissement des sens, permettent aux portes de l’inconscient de s’ouvrir et de venir jusqu’à nous. Memoria est en cela une oeuvre profondément organique, vibrante de partout où l’image et les sons s’interpénètrent pour parler d’une même voix. Memoria était assurément le film le plus intrigant du dernier Festival de Cannes, d’où il est reparti couronné d’un Prix du Jury.
Thomas Baurez
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
ORANGES SANGUINES ★★★☆☆
De Jean- Christophe Meurisse
En 2016, Jean-Christophe Meurisse imposait son univers absurde et hilarant avec Apnée, film à sketches en roue libre qui dézinguait le monde moderne. Le réalisateur et fondateur de la troupe des Chiens de Navarre trace son sillon avec le non moins dingo Oranges sanguines, articulé autour de trois histoires a priori déconnectées : un couple de retraités surendettés tente de remporter un concours de rock ; une ado en quête de sa première expérience sexuelle tombe sur un psychopathe ; un ministre empêtré dans une affaire de fraude fiscale. Résultat : un ovni fulgurant qui oscille entre comédie grinçante à mourir de rire, film de torture (et récit social. Un objet vraiment punk, vraiment réjouissant, vraiment anarchique, mais qui n'oublie jamais de traiter ses sujets - le déracinement des élites, la lutte des classes et l’ineptie de nos sociétés - en bruit de fond.
François Léger
Lire la critique en intégralitéLES MAGNETIQUES ★★★☆☆
De Vincent Maël Cardona
Les Magnétiques propose un voyage de 30 ans en arrière. 1981. Une petite ville de province. Deux frères, le timide Philippe (Thimotée Robart, incandescent) dans l’ombre du charismatique Jérôme dévoré par ses démons intérieurs. Le garage paternel. La menace du service militaire obligatoire. Une radio pirate installée dans le grenier d’un bar. Telle est la base de ce sur laquelle Vincent Maël Cardona déploie un récit très riche dont chaque composante nourrit harmonieusement l’autre. Un récit initiatique dans les pas de Philippe qui va découvrir les élans immaîtrisables de son cœur (il tombe amoureux de la petite amie… de son frère) et vivre à fond sa passion de jouer avec les sons en faisant de la radio. Un film sensoriel qui emplit de bonheur nos yeux et nos oreilles, au son de la vague new- wave et punk qui déferlait. Un shoot de nostalgie d’autant plus fort que l’éveil au monde de son jeune héros y percute la fin de ce monde dans lequel il évolue.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéLOIN DE VOUS J’AI GRANDI ★★★☆☆
De Marie Dumora
C’est l’œuvre d’une (jeune) vie. En 2001, dans le formidable Avec ou sans toi, Marie Dumora suivait le quotidien de 4 enfants dans un centre d’accueil, dont Belinda et Sabrina, âgées de 11 et 9 ans. Depuis, chacun de ses docus (Emmenez- moi, Je voudrais aimer personne et Belinda) s’est intéressé à elles ou leurs enfants. Loin de vous… s’inscrit dans cette collection dont chaque film peut aussi s’apprécier individuellement. On suit ici Nicolas, l’un des fils de Sabrina, qui lui a été retiré pour vivre en foyer tout en continuant à la voir régulièrement, à un moment décisif: choisir ou non de revenir vivre dans sa famille. La cinéaste sait filmer l’intime avec une infinie justesse, sans forcer le trait ou à l’inverse se détourner de la dureté de certaines situations. Toujours parfaitement à sa place, elle signe une œuvre aussi incroyablement poignante qu’attachante qui donne une furieuse envie de connaître la suite.
Thierry Cheze
OLGA ★★★☆☆
De Elie Grappe
L’héroïne de ce premier long métrage est une jeune gymnaste ukrainienne promise au plus avenir mondial, partie s’entraîner en Suisse (le pays de son père décédé) à la demande de sa mère, journaliste engagée dont les enquêtes sur la corruption existant au plus haut niveau de l’Etat ukrainien provoquent la fureur du pouvoir en place. A travers ces deux générations de femmes, Olga pose la question de l’engagement total et des sacrifices qu’il exige. Côté sport comme côté politique. On vit ce récit sous tension dans la peau et la tête de cette jeune gymnaste prenant de plein fouet une multitude d’obstacles sans jamais dévier de son but. Film de peu de mots, Olga tient en haleine de bout en bout, en s’appuyant sur une connaissance très documentée du sujet et la capacité à y injecter de la fiction sans jamais dénaturer cette réalité.
Thierry Cheze
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
HAUT ET FORT ★★☆☆☆
De Nabil Ayouch
Outre sa position de cinéaste engagé, Nabil Ayouch (Much Loved, Les chevaux de Dieu…) croit beaucoup à la vertu de l’apprentissage et multiplie ainsi les actions culturelles pour permettre à des jeunes Marocains de s’exprimer par leur art via des ateliers. L’action de Haut et fort se passe d’ailleurs dans l’un des centres qu’il a créés, situé dans la banlieue de Casablanca, Sidi Moumen. Ainsi Anas - qui porte le récit - joue son propre rôle, celui d’un prof de hip hop essayant de libérer une parole qu’une société voudrait brimer. La matière documentaire du film déborde largement du cadre pour devenir la raison d’être d’un film qui s’obstine pourtant à déguiser ça en fiction. Avec l’étrange sentiment que les outils du cinéma (scénario, montage…) retiennent l’énergie créatrice que le cinéaste avait sous les yeux
Thomas Baurez
ELLES DANSENT ★★☆☆☆
De Alexandre Messina
Aude, ancienne notaire, a quitté son étude pour embrasser sa passion, la danse. Mais pas n'importe comment, ni n'importe où : elle se balade costumée dans un service de cancérologie, et dirige dans le même temps un cours de danse composée de survivantes du cancer. Le sujet est fort, et pourrait basculer dans le cru ou la poésie mal placée. Heureusement, rien de misérable, ni de voyeuriste là-dedans. Mais ce petit docu, joli et sage, manque peut-être trop de cinéma (par pudeur, peut-être) pour sortir de sa forme de court reportage du week-end. Restent les formidables personnages de femmes qui traversent le récit, dont Aude, qui aurait pu être une super-héroïne dans un monde parallèle et ressemblant ici au fantôme bienveillant qui s'accorde avec le deuil et la maladie au gré de ses ronds de jambe.
Sylvestre Picard
BROTHER ★★☆☆☆
De Arnaud Fournier Montgieux
Distribué par la société Saje, spécialisée dans les « films et téléfilms d’inspiration chrétienne…», ce Brother est le portrait d’un jeune français qui affirme d’emblée : « J’ai toujours aimé les pauvres... » Difficile de faire plus direct. François, c’est son nom, a ainsi intégré la communauté des franciscains du Bronx et s’occupe des plus démunis. Il est donc parfaitement à sa place et heureux. Frère François parle avec conviction et éloquence de sa foi que l’on pressent inébranlable. Les premières images montrent des maisons en ruines autour desquelles des drapeaux américains sont chiffonnés sur un sol boueux. Le rêve américain a viré depuis belles lurettes au cauchemar. Pour certains beaucoup plus que d’autres, comme pour ce vendeur de marijuana, ancien membre d’un gang, passé plusieurs fois par la case prison. Mais ça c’était avant de rencontrer François. Leur complicité est belle à voir. L’ancien braqueur a d’abord rigolé en voyant sa robe à capuche et ses manières douces et puis - mystère de la grâce - le courant est passé. Mieux, une rédemption a été rendue possible.
Ici, les mots « patience, compassion, épreuve, don de soi, souffrance partagé… », sont énoncés tel des mantras que la mise en scène d’Arnaud Fournier Montgieux accueille avec toute la religiosité nécessaire. Il y a aussi des intermèdes musicaux avec un frère franciscain qui rappe sa foi entre deux offices. Ce Brother n’envisage le monde qu’à travers les yeux béats des franciscains. Difficile donc d’entrer dans une intimité et la complexité des individus, autrement que par les voies du seigneur par nature « impénétrables ». On pourrait donc ajouter le mort « frustration » à la litanie. Frère François qui se pique aussi d’être un artiste (il dessine des beaux portraits de ses « amis »), nous quitte en disant simplement : « Il faut accepter de ne pas voir le fruit de ce que l’on a semé et ajuster sa voile et aller avec le vent. » Dont acte.
Thomas Baurez
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
AFFAMES ★☆☆☆☆
De Scott Cooper
Voici un nouveau territoire pour Scott Cooper : celui du cinéma d'horreur. Mais que les adorateurs de Crazy Heart, Les Brasiers de la colère et Hostiles (son sommet, pour l'instant) se rassurent, nous sommes au plein cœur de l'Amérique post-industrielle, bâtie sur la violence et la culpabilité. Dans une ville minière déshéritée et sinistre de l'Oregon, un monstre rôde. Une instit et son frère flic vont suivre sa piste, entre légendes autochtones et secrets de famille cannibales. Franchement, on aimerait beaucoup adorer ça inconditionnellement (le fan-club de True Detective est toujours actif à la rédac, et toujours autant en état de manque), mais à l'exception de quelques visions gores bien troussées, Affamés se révèle bien trop fade pour nous satisfaire. Le fan-club a la dent dure, c'est de nature.
Sylvestre Picard
MAUDIT ! ★☆☆☆☆
De Emmanuel Parraud
Après Sac la mort en 2016, Emmanuel Parraud pose de nouveau sa caméra à la Réunion et suit un homme partant à la recherche de son ami disparu dans les hauteurs sauvages de l’île. On perçoit très vite l’ambition du cinéaste : signer un film politique embrassant l’histoire de ce lieu et des fantômes du colonialisme et de l’esclavage qui continuent à y rôder en passant par le prisme du fantastique et en assumant même un côté gore dans la violence. Mais le mélange des genres peine ici à donner un résultat convaincant. On sent le désir d’un film sensoriel à la Apichatpong Weerasethakul mais (faute de moyens suffisants ?) les scènes de tuerie paraissent grotesques et empêchent le récit de décoller vers ces horizons- là, rendant le propos souvent abscons et créant une distance, à l’inverse des intentions affichées.
Thierry Cheze
Et aussi
Les Bodin’s en Thaïlande de Frédéric Forestier
Les Dolomites d’Ilio de Michele Coppari et Francesca Zannoni
Hacking Justice- Julian Assange de Clara López Rubi
Le Noël de Petit Lièvre brun, programme de courts métrages
On est fait pour s’entendre de Pascal Elbé
Permaculture en France- un art de vivre pour demain de Olivier Goujon
Le Quatuor à cornes- Là- haut sur la montagne, programme de courts métrages
Retourner à Sölöz de Serge Avédikian
Les reprises
Django de Sergio Corbucci
El Chuncho de Damiano Damiani
Rocky de John G. Avildsen
Umberto D. de Vittorio de Sica
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