Chaque jour, retour sur les temps forts de l’édition 2023 du festival du film romantique.
Le bonheur du jour : Le Syndrome des amours passées de Ann Sirot et Raphaël Balboni
On a découvert ce couple de réalisateurs bruxellois en 2021 avec Une vie démente, une comédie gonflée avec comme personnage central une septuagénaire atteinte de démence dégénérative qui avait survolé l’édition 2022 des Magritte (les César belge) avec pas moins de 7 trophées en 12 nominations. Leur deuxième long fait mieux que confirmer tous les espoirs placés en eux et un deuxième visionnage confirme la savoureuse impression qu’il avait laissé en mai dernier lors de la présentation à la Semaine de la Critique cannoise. Un titre romanesque en diable et un pitch aussi efficace que bien secoué – pour guérir d’un syndrome qui les empêche de donner naissance à l’enfant dont ils rêvent, Rémy et Sandra doivent retrouver et recoucher avec tous leurs ex ! – donnent naissance à une rom’com’ qui s’inscrit pleinement dans les codes du genre tout en les dynamitant et les dynamisant par sa folie douce. Car si la promesse de loufoquerie promise par ce pitch est bien tenu, Le Syndrome des amours passées réussit à faire rime excentricité (l’absurdité des situations, des personnages secondaires hauts en couleurs assumant à 1000% la surenchère) et thématiques plus profondes autour du désir, de l’engagement, de ce qui fait le ciment d’un couple, du stress du temps qui passe, de la peur d’être trompé en dépit d’un polyamour en apparence assumé et même revendiqué. Les deux cinéastes belges arpentent la carte du Tendre de notre époque (jusqu’à une dernière ligne droite transgressive à souhait) avec une inventivité scénaristique qui n’a d’égal la joyeuseté onirique et ludique de sa mise en images de ses scènes de sexe. Et, last but not least, aux côtés de l’impeccable Lazare Gousseau, ce film permet d’admirer une fois encore le charisme, la justesse, la vista comique et la puissance émotionnelle de Lucie Debay.
En salles le 25 octobre 2023
Le come- back du jour : François Berléand dans Last dance ! de Delphine Lehericey
Les Tuche 4, On est fait pour s’entendre, Champagne !, La Très très grande classe, Magnificat… pour ne parler que des plus récents. François Berléand n’a pas pour habitude de se faire rare sur grand écran depuis que Mon idole de Guillaume Canet l’a remis au centre du jeu avec une nomination au César du meilleur acteur à la clé voilà peu de 20 ans. Mais on a perdu, nous, l’habitude de le voir jouer les premiers rôles comme il le fait ici sous la direction de Delphine Lehericey (Le Milieu de l’horizon avec Laetitia Casta) dans ce film récompensé l’été dernier du prix du public lors du festival de Locarno. Il y incarne un homme qui, se retrouvant brutalement veuf à 75 ans décide de faire son deuil en honorant la promesse faite à son épouse : celui des deux qui partira en dernier devra mener à son terme le projet commencé par l’autre. En l’occurrence ici se produire dans une création de danse contemporaine mis en scène par la chorégraphe La Ribot (qui incarne son propre rôle), en cachette de sa propre famille. Et si tout est ici un peu trop sage, un peu trop programmatique, le film a le mérite de ne pas se complaire dans le pur registre émotionnel et la prestation en retenue, jamais démonstrative et cependant très émouvante, de Berléand y est pour beaucoup tout comme la manière pas si fréquente dans un film grand public de ne pas traiter de l’art contemporain (en l’occurrence) sans regard goguenard ou moqueur, dans les scènes qui, en passant par le corps plus que par les mots sont les plus réussies de Last dance !
En salles le 13 septembre 2023
L’OVNI du jour : Les Secrets de la Princesse de Cadignan d’Arielle Dombasle
En 1982, entre Trois hommes à abattre et Le Marginal pour le grand écran, Jacques Deray adaptait pour Antenne 2 Les Secrets de la Princesse de Cadignan, nouvelle écrite par Honoré de Balzac en 1839 avant d’être publiée dans sa Comédie Humaine. L’histoire d’une croqueuse de fortune et d’hommes, reine de Paris dans les années 1820 et retirée du monde à 36 ans tout en regrettant de n’avoir jamais rencontré l’amour véritable, dans laquelle on croise tout un tas de figures marquantes du monde balzacien, de Rastignac à Lucien de Rubempré en passant par Maxime de Trailles, Daniel d’Arthez ou la marquise d’Espard. Cinq ans après l’azimuté Alien Crystal Palace, Arielle Dombasle repasse derrière la caméra pour proposer sa version de La Princesse de Cadignan tout en en tenant le rôle- titre et en prouvant une fois encore sa capacité à savoir s’entourer derrière – Jacques Fieschi, Césarisé pour Illusions perdues, au scénario, Eric Gautier, le chef op’ de Chéreau, Resnais, Claire Denis, Desplechin à la lumière – comme devant la caméra (un casting hétéroclite mêlant figures majeures du théâtre comme Olivier Py et Michel Fau à Julie Depardieu, Alexandra Stewart, Stanislas Merhar, Hippolyte Girardot ou encore Cédric Kahn). Le tout pour un résultat à l’image de son autrice : perché, lunaire. Une mise en images alternant entre caméra à l’épaule et plans de drones, jeu souvent volontairement outré, usage soudain de ralentis, mise en abyme improbable avec Michel Fau incarnant Balzac se mêlant à ses personnages… Arielle Dombasle semble comme à son habitude faire fi de toute grammaire cinématographique et du quand dira t’on. Nombreux sont donc qui resteront sur le côté, les rieurs et les cyniques s’en donneront sans doute à cœur joie mais sa manière de parler de l’âge, du temps qui passe, de féminisme à travers cette héroïne libre de son corps et de son cœur dans une époque peu propice à cela sans courber l’échine ne manquent pas de panache. Et on ressort de cette projection en se disant que vouloir appliquer une grille de lecture critique à cet objet filmique non identifié tient de la gageure
En salles le 13 septembre 2023
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