Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
HORS SAISON ★★★★☆
De Stéphane Brizé
L’essentiel
Un grand et beau film d’amour signé Stéphane Brizé, porté par l’alchimie incandescente entre Alba Rohrwacher et Guillaume Canet
Avec Hors saison, Brizé renoue avec les origines de son cinéma – parler d’amour - dans un geste d’un romantisme pur, car vécu dans la tête de ses deux personnages principaux. Un homme (comédien en vue qui, après avoir planté une pièce de théâtre, vient se ressourcer en thalasso) et une femme qui se sont aimé quinze ans plus tôt puis séparés et perdus de vue avant que le destin ne les réunisse de nouveau dans ce petit coin de Bretagne. Brizé filme cette passion endormie qui peu à peu ressurgit malgré eux avec une sensibilité qui n’a d’égal que la précision du regard amoureux qu’il porte sur ses deux comédiens. Jamais depuis des années, Guillaume Canet n’était apparu aussi à nu devant la caméra d’un réalisateur. Et face à lui, les mots manquent pour qualifier l’interprétation si juste, si précise, si dépouillée, si profonde d’Alba Rohrwacher. Ce film, c’est avant tout celui de leur alchimie renversante.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
AVERROES ET ROSA PARKS ★★★★☆
De Nicolas Philibert
En renouant, 25 ans après La Moindre des choses, avec le thème de la psychiatrie avec Sur L’Adamant, Nicolas Philibert n’avait sans doute pas anticipé qu’il ne s’arrêterait pas en si bon chemin et qu’il irait poser sa caméra à Averroès et Rosa Parks, deux unités de l’hôpital Esquirol (appartenant lui aussi au Pôle psychiatrique Paris- Centre). Et une fois encore le résultat impressionne par cette capacité inouïe de Philibert à capter des moments incroyablement intimes sans faire de ses spectateurs des voyeurs. Traversé par la même humanité que Sur l’Adamant, Averroès et Rosa Parks est d’abord et avant tout un hommage aux soignants, à leur don d’eux- mêmes, et à ce sourire apaisant qui ne les quitte jamais y compris dans les situations les plus critiques.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéSMOKE SAUNA SISTERHOOD ★★★★☆
De Anna Hints
Au loin, une cabane isolée au fond d’un bois enneigé où plusieurs femmes s’engouffrent, laissant derrière elles le froid glacial de l’hiver estonien. À l’intérieur, une chaleur étouffante : celle du sauna à fumée, lieu sacré purificateur du corps et de l’âme. C’est au cœur de ce rituel ancestral fennique que la réalisatrice Anna Hints plonge sa caméra. Et alors que des silhouettes nues s’extirpent de l’obscurité et se forment dans les nuages de vapeur, les sens s’activent et la parole, elle, se délie. Se succèdent des monologues autant douloureux que pudiques sur la sexualité et la maladie, au rythme des gouttelettes ruisselant sur les corps, mélange de sueur et de larmes. En privilégiant l'écoute de l'autre et la vulnérabilité, Anna Hints revient au fondement même de la sororité et livre un documentaire ensorcelant où des êtres sans visage deviennent figures allégoriques de la féminité.
Lucie Chiquer
PREMIÈRE A AIME
BIS REPETITA ★★★☆☆
De Emilie Noblet
Delphine est prof de latin dans un lycée de province. Elle a cinq élèves à qui, contre une paix royale, elle colle d’office un 19 de moyenne. Les ennuis commencent quand sa classe est sélectionnée pour un concours d’excellence à Naples. Les cinq branleurs et leur enseignante démissionnaire vont donc devoir représenter la France à cette compétition, accompagnés par le neveu de la proviseure, un polard obsédé par l’enseignement des langues anciennes. Emilie Noblet réussit ici un premier film constamment drôle, intelligent et touchant. Les gags sont écrits à la perfection, les personnages évitent tous la caricature et la réalisatrice se permet même quelques belles échappées de pur cinéma. Ce mélange entre le teen movie, la romance et la comédie d’hypokhagneux fonctionne à merveille. Et repose sur les épaules de Xavier Lacaille qui montre un sens du slapstick étourdissant.
Gaël Golhen
Lire la critique en intégralitéIMMACULEE ★★★☆☆
De Michaël Mohan
Cecilia, une religieuse américaine, est recueillie par un couvent au fin fond de l’Italie. À mesure qu’elle s’intègre au groupe et s’occupe des sœurs mourantes, elle observe une atmosphère étrange, qui atteint son paroxysme lorsqu’un miracle survient : bien que vierge, elle serait tombée enceinte… A mille lieux d’une énième variation du film de possession, Immaculée remet plutôt en question les structures patriarcales et d’enfermement des femmes. En transposant plutôt bien les codes du genre horrifique à une oppression systématique de Cecilia, le film surprend à poser des questions tout à fait contemporaines comme le sort d’une grossesse non-désirée. Et impressionne par la solution qu’il apporte dans une séquence finale sidérante, où la violence n’a d’égal que le talent d’interprétation de Sydney Sweeney.
Nicolas Moreno
Lire la critique en intégralitéVAMPIRE HUMANISTE CHERCHE SUICIDAIRE CONSENTANT ★★★☆☆
De Ariane Louis- Seize
Une fête d’anniversaire chez une famille vampire, qui va manger un clown un peu nul et surtout réaliser que leur petite fille, trop émotive, n’est pas très chaude à l’idée de boire le sang d’autres êtres humains. Ainsi débute ce premier long métrage québécois, dont l’héroïne, alors que la pression sociale se fait de plus en plus forte, va jeter son dévolu sur un autre gamin dépressif pour franchir le pas. Le grand drame de la découverte de la sexualité racontée par des vampires québécois ! Un pari qui fonctionne grâce à son humour constant qui se charge de mélancolie aux moments les plus justes. Et grâce à son actrice principale, la formidable Sara Montpetit, découverte dans Falcon Lake.
Sylvestre Picard
Lire la critique en intégralitéUNE FAMILLE ★★★☆☆
De Christine Angot
En 2018, Catherine Corsini s’attaquait au récit d’autofiction de Christine Angot, Un amour impossible, qui remontait à la racine de sa tragédie : la rencontre de ses parents, menant à l’inceste que lui fera subir son père. Cinq ans plus tard, Angot reprend les rênes de sa propre histoire. Exorciser son traumatisme par l’écriture ne semble plus suffisant, il s’agit maintenant de chercher réparation. Alors, l’autrice devient réalisatrice. La plume devient caméra. Une caméra embarquée avec laquelle Christine Angot confronte un ennemi de taille : le silence. Par un besoin vital de le briser, elle hausse la voix et entame (parfois de force) le dialogue avec ceux qui ont été complices, pour finir par s’immiscer dans la zone de confort du spectateur. En résulte un documentaire brut et incisif, inconfortable mais nécessaire, dans lequel résonne la colère d’une femme qui plus jamais ne se taira.
Lucie Chiquer
LA JEUNE FILLE ET LES PAYSANS ★★★☆☆
De DK Wechman et Hugh Wechman
Après La Passion Van Gogh, les Welchman reviennent dépoussiérer le cinéma d’animation. Dans un style pictural fin 19ème inspiré des peintres de la Jeune Pologne, le duo brosse le portrait de l’enivrante Jagna, jeune femme indomptable prisonnière d’un mariage forcé. Mais au rythme des récoltes saisonnières, sa révolte va peu à peu faire trembler la terre de son village putréfié par le patriarcat… Adapté du Prix Nobel de littérature Les Paysans de Wladyslaw Reymont, ce film-tableau fascine d’emblée par la richesse de son animation. La magie s’opère réellement lorsque la bande son de L.U.C. & Rebel Babel Film Orchestra fusionne avec les traits impressionnistes, et que les personnages, eux, virevoltent. Mais une danse endiablée n’est jamais éternelle, et le film peine parfois à concilier l’audace de sa forme à sa substance, perdant le fil de ses réflexions sur les dérives communautaires…
Lucie Chiquer
LE MONDE EST A EUX ★★★☆☆
De Jérémie Fontanieu
« C’est différent, mais ça a pour but qu’on réussisse.» Le moins que l’on puisse dire, en effet, c’est que c’est différent. Au lycée Delacroix de Drancy, Jérémie Fontanieu, prof d’économie aux allures de jeune loup de la finance tente une « expérimentation inédite ». Chaque année, les élèves de terminale les moins prometteurs de ce lycée de banlieue défavorisée subissent un intensif coaching afin d’obtenir le saint-graal: baccalauréat et, si affinités, admission en classe préparatoire. La méthode - et le film, réalisé par le prof lui-même - laissent parfois songeur. Tout passe par la discipline (les parents, régulièrement sollicités par SMS, sont invités à devenir partie prenante de l’éducation des enfants), et cette mécanique a parfois l’allure de cruauté, voire du mépris de classe. Aussi agaçant soit-il par moment, ce documentaire pose cependant d’importantes questions sur le poids du déterminisme social, et ce que cela coûte de s’en extraire, avec ou contre son gré.
Emma Poesy
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
LAISSEZ- MOI ★★☆☆☆
De Maxime Rappaz
Mère très dévouée à un fils en situation de handicap, Claudine (Jeanne Balibar) s’accorde chaque semaine un jour de liberté en couchant avec des hommes de passage dans un hôtel de montagne... Avec ce portrait d’une quinquagénaire qui aspire à une vie romanesque, Maxime Rappaz élabore pour son premier film une atmosphère mélancolique et hors du temps (même si le récit se passe en 1997). Mais la thématique du fantasme est traitée d’une manière vue et revue, au sein d’une direction artistique qui nous laisse sur notre faim.
Damien Leblanc
KARAOKE ★★☆☆☆
De Stéphane Ben Lahcene
Une chanteuse d’opéra ridiculement bourgeoise est recueillie par la femme de chambre de son hôtel luxueux, après un badbuzz médiatique. Cette dernière l’entraine dans une compétition de karaoké et en profite pour lui ouvrir les yeux sur la réalité de la France populaire. Même si le duo Michèle Laroque/Claudia Tagbo convainc, Karaoke se limite à une comédie bourrée de clichés sur la confrontation des classes au discours faussement politique comme on en voit tant et trop.
Bastien Assié
BLUE SUMMER ★★☆☆☆
De Zihan Geng
Pour son premier long découvert à la Quinzaine des Cinéastes, la chinoise Zihan Geng met en scène une ado de 15 ans, enfant timide de parents divorcés, dont le cœur s’emballe pour la fille rebelle de la nouvelle compagne de son père. Un récit initiatique amoureux aux airs de déjà vu, à cause de personnages enfermés dans des archétypes. Dommage car le jeu sur les couleurs et le grain de l’image, exprime, lui, avec une grande finesse les troubles de l’adolescence et les sentiments contradictoires qui l’accompagnent.
Thierry Cheze
PREMIÈRE N’A PAS AIME
CABRINI ★☆☆☆☆
De Alejandro Monteverde
En 1946, Sœur Francesca Cabrini est canonisée pour avoir dévoué sa vie aux droits des immigrés italiens sur le sol américain. Après Sound of Freedom, Alejandro Monteverde décide de raconter son histoire. Par ignorance ou simple paresse d’écriture, il semble cependant oublier qu’un personnage central féminin ne rend pas un film automatiquement militant… Mais quoi de mieux que de surfer sur la vague féministe pour porter un discours religieux. La finalité : un récit qui tourne en rond et donne le vertige.
Lucie Chiquer
Et aussi
Les Poussières, de Jean- Claude Taki
Reprises
Rouge comme le ciel, de Cristiano Bortone
Le Voyage d’Amelie- Amelie rennt, de Tobias Wiesman
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