Scénariste de Training Day et réalisateur de End of Watch, David Ayer aime les films d'équipe sanglants et virils. En attendant de réaliser Suicide Squad pour DC/Warner, ou "Douze Salopards avec des super-méchants", David plonge Brad Pitt dans l'ultime bataille de la Seconde guerre mondiale avec le film de tank Fury. Un film de guerre hyper impressionnant (lire notre critique ici) dont David nous raconte la genèse et la signification.
Première : Fury ressuscite un peu les films de guerre old school... C'était votre idée de départ ?
David Ayer : Quand j’étais plus jeune, on n’avait pas le câble et à la télé on voyait tout le temps les même films de guerre sur les mêmes sujets : le D-Day, la Bataille des Ardennes. Devenu cinéaste j’ai eu envie d’abord de faire un film WW2 avec un traitement contemporain, ensuite dans une phase de la guerre peu traitée. Ce sont les blindés qui ont gagné la guerre, qui avaient la force d’être la tête de lance de la libération de l’Europe. L’idée générale du Fury, c’est quand même un film de famille. Une famille placée dans des conditions extrêmes. Dans une machine de guerre.
Ce n'est pas non plus hyper original de faire un film "Seconde guerre mondiale"...
Je voulais pas d’un film avec des généraux autour d’une carte qui déplacent des figurines, par exemple. Il y aura toujours des films Seconde guerre mondiale. Ce n’est pas une mode. Le conflit était véritablement mondial, du Pacifique aux capitales d’Europe et tout le monde y est lié, du soldat au civil. Nous y sommes encore tous liés. La majorité des films de guerre sont très romancés, avec beaucoup de nostalgie. Dans Fury, l’action, les sentiments sont très réalistes.
Réaliste au point de faire morfler les acteurs ?
Acting is reacting. Parfois les acteurs réagissent à des stimuli donnés par des motifs (patterns) tout préparés. J’essaie de casser ça. En tant que réalisateur je peux me montrer impitoyable. Des fois ça laisse des traces. La plus grosse erreur d’un réalisateur est de rester passif. Pour accomplir des choses il faut choquer, provoquer le système. Je crois que l’acting, c’est la compassion. Les acteurs sont les plus grands explorateurs du comportement humain. L’idée de Fury est d’explorer ce comportement : ce que ça fait de subir en tant qu’homme la Grande dépression et de s’engager dans l’armée dans les années 30. J’ai donné à lire à mes acteurs Les Raisins de la colère de Steinbeck pour les préparer.
Et à part la lecture, il paraît que les acteurs ont dû se battre entre eux pour se préparer au tournage...
C’était nécessaire pour les lier. Le credo, c’était : si tu veux connaître quelqu’un, frappe-le dans la gueule. (rires) Alors oui, les acteurs se sont battus… Mais pas de différence entre eux. Brad partageait ses expériences avec les quatre autres acteurs. Le fait qu’il soit père lui a beaucoup servi. On aurait pu écrire un bouquin avec Brad, Elever une famille dans un tank. Etre parent c’est comme diriger une petite unité de combat.
En parlant d'entraînement, vous avez une expérience militaire.
Oui, j’ai servi en tant que technicien sonar dans un sous-marin nucléaire, un hunter killer d’attaque rapide. Mon job était de repérer et de classifier les objets qu’on rencontrait. C’était fascinant. On était en première ligne en cas d’attaque. La différence entre la paix et la guerre était un petit bouton en plastique. C’était à la fin de la Guerre froide. J’ai surtout appris comment vivent des hommes dans ces conditions. Et j’ai appris à être le nouveau dans une unité. Ce qui rejoint le script de Fury, longtemps après… L’histoire du personnage de Logan, c’est un peu la mienne.
Jusqu'ici vous faisiez des films policiers contemporains. Quel rapport avec Fury ?
Evidemment qu’il y a des parallèles avec mes films de flics. Ce sont des gens missionnés par le gouvernement pour tuer en notre nom. Les circonstances sont différentes. Mais ce sont des fraternités, liées par le danger, qui vivent à part de la société. Mon background militaire me permet de comprendre un peu ça, et au-delà de mieux comprendre les règles de la société.
Pourquoi toujours la guerre et la violence ?
Du point de vue du storytelling, la guerre est très attirante. C'est un phénomène connu chez les soldats, ce désir de voir de la destruction pure. Les films de guerre sont tous les mêmes. Un exemple : dans Fury, les uniformes ne sont pas uni-formes. ils sont bariolés, rapiécés, chaotiques… Ils racontent l’armée US. A travers ce film, on vit l’histoire de l’armée américaine. Avec Fury, on montre les conséquences des combats sur les civils. Ce n’est pas parce que la Seconde guerre mondiale était un affrontement du Bien contre le Mal que la réalité du combat était différente du Vietnam, de l’Irak, de l’Afghanistan.
Interview Sylvestre Picard
Bande-annonce de Fury :
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