Do it Yourself et In Bed With Michel Gondry : pour tout savoir sur le réalisateur d'Eternal Sunshine
Arte

Arte partage deux documentaires très originaux sur le cinéaste adepte du cinéma "fait mains".

Avis aux couche-tard, en ce vendredi à partir de 23h25, Arte diffusera deux documentaires inédits sur Michel Gondry, intitulés Do it Yourself et In Bed With Michel Gondry. Si cette heure tardive vous décourage, pas de panique : ils sont déjà dispos sur Arte.TV.

L'an dernier, Michel Gondry s'est confié comme jamais sur sa propre vie dans Le Livre des solutions, film inspiré de son propre burn-out lors de la préparation de son adaptation du classique de Boris Vian, L'Ecume des jours (le film est sorti en 2013), offrant à Pierre Niney le rôle en or d'un artiste tour à tour rempli de doutes ou certain qu'il va révolutionner le monde du cinéma grâce à son génie. Ce regard courageux sur son propre travail, mêlant auto-critique intime et vision artistique, n'était pas vraiment une surprise pour les fans de son oeuvre depuis ses débuts, tant ses clips, puis ses films, débordent de spleen, Eternal Sunshine of a Spotless Mind (2004) en tête.

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Voir Kate Winslet expliquer qu'elle garde un souvenir merveilleux de son expérience sur ce drame, tout en avouant qu'elle n'aimerait "pas vivre dans la tête de Michael", résume bien l'ambition de ces deux docus, qui mélangent de captivants entretiens avec Michel -quand il ne se met pas lui-même en scène- à des propos de ses proches, tels que ses frères, qu'il a filmés dès leur enfance, ou de ses célèbres collaborateurs.

Tout en mêlant live et animation, ils livrent un double portrait captivant, notamment parce que sa franchise y est déconcertante. Ils créent aussi des ponts entre ses clips, ses films et ses docus (L'Epine dans le cœur, sur sa tante institutrice en milieu rural, est cité plusieurs fois), ne cessant de rebondir d'une idée originale à l'autre pour donner un aperçu de son œuvre dans sa globalité. A l'image de ce petit hérisson perdu la nuit en pleine nature, vu dans un court animé russe durant son enfance, qui lui inspirera aussi bien des scènes de son clip culte pour "Human Behaviour", de Björk que de son premier film, Human Nature ou de son projet si personnel, La Science des rêves - qui reprendra également son cauchemar des "grosses mains", déjà présent dans "Walkie Talkie Man", du groupe Steriogram.

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Michel Gondry Do it Yourself

"Excuse-moi, mais, euh… combien d’années tu vas prendre pour faire ton film, là ?", se moque subitement Gondry, filmé une énième fois par François Nemeta, devenu son assistant après l'avoir découvert grâce à son groupe, Oui-Oui. Celui-ci ayant été fondé en 1983, cela fait donc quatre décennies que les deux hommes se connaissent, et c'est en grande partie cette proximité qui donne au premier docu, Do it Yourself, son ton si particulier.

Revenant sur ses clips cultes, puis ses expériences cinématographiques -et même celles à venir, comme Maya donne-moi un titre, dans lequel il met en scène en animation des idées de sa fille et qui sortira en octobre, le film donne souvent la parole aux artistes clés de sa carrière.

De Beck (pour qui il a notamment conçu le clip génial de "Deadweight", où il apparaît littéralement à côté de ses pompes) à Jack Black (Soyez sympas, rembobinez) ou son "rival complice" Spike Jonze, en passant par Kylie Minogue (démultipliée dans "Come Into My World"), tous semblent très attachés à l'univers de Gondry, et ils ne sont pas avares en anecdotes. Akhenaton découvre par exemple 30 ans après la sortie de "Je Danse le Mia" d'où est venue à Michel l'idée des fameux zoom pour aller de l'avant, comme un esprit qui se projette dans le futur, dans ce qu'il va faire l'instant d'après.

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Autre échange révélateur, quand Gondry revient sur le malentendu qui lui a permis de signer avec les White Stripes : ils étaient amoureux d'un super clip de Lenny Kravitz... qui n'était pas de lui. "Il y a deux trois clips où j'ai vraiment merdé. Ces pauvres artistes ont payé pour les autres", commente alors Michel en plein mea culpa, quelques secondes avant d'avouer à Jack White qu'il a signé pour illustrer "The Hardest Button to Button" afin de mettre en scène "sa meilleure idée visuelle", un concept tellement fort qu'il permettait de contrecarrer "le passage le plus chiant de sa chanson" !

Ce côté "cash" était déjà présent dans Jim and Andy, le docu de Netflix retraçant la transformation de Jim Carrey en Andy Kaufman pour Man on the Moon (1999), et dans lequel la star canadienne expliquait avoir pu être désarçonnée par le franc parler du réalisateur d'Eternal Sunshine :

"Lors de notre première rencontre, il avait trouvé ma tristesse 'magnifique'. Il m'a demandé de 'ne pas guérir, ne pas aller mieux jusqu'au tournage..' Oui, cette industrie est tordue à ce point-là", commentait l’acteur en souriant entre deux révélations folles sur sa carrière, tout en montrant une affection importante envers ce créateur, qu'il a d'ailleurs retrouvé par la suite pour sa série Kidding.

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In Bed with Michel Gondry

Présenté comme la "face B" de Do it Yourself, le documentaire qui suit ne se contente pas de faire un clin d'oeil pop à Madonna. C'est effectivement un excellent complément, qui plonge encore davantage dans ses névroses, en l'occurrence son insomnie chronique.

S'il ne semble pas simple de se plonger dans son esprit, ça ne doit pas être non plus facile de partager son lit, tant Gondry est incapable de faire une nuit complète "depuis plus de 50 ans." De son propre aveu, cette incapacité à avoir un cycle de sommeil normal depuis son enfance est une souffrance, qui entraîne d'autres trouble -notamment des fringales nocturnes qu'il ne parvient pas à refreiner- mais qui participent aussi à la frénésie de ses créations. Ses idées peuvent parfois lui venir de rêves et de cauchemars (la frontière n'est jamais loin), ou de films à moitié vus entre deux endormissements : a-t-il pleinement apprécié Lost Highway de David Lynch ou imaginé une partie de ses scènes en le découvrant au beau milieu d'une insomnie ? Son incapacité à trouver le sommeil le pousse également à créer à n'importe quelle heure de minutieux découpages animés.

En partant de ce trouble du sommeil, Michel Gondry se confie une nouvelle fois sur son travail, sa vie et ses peurs, sans tabou, parlant avec passion de ses multiples sources d'inspiration, du cinéma d'animation russe à ses "films doudous", les seuls capables d'apaiser quelque temps ses angoisses : Didier, d'Alain Chabat -qui vient d'ailleurs recueillir ses confidence tel un psy le temps d'un bel hommage à Jean-Pierre Bacri- et une comédie américaine, Menteur, menteur, avec Jim Carrey, évidemment.

Si les intervenants sont moins nombreux que dans Do it Yourself, ils se montrent assez à l'aise pour se confier à leur tour, à l'image de Charlotte Gainsbourg, qui livre une anecdote intime sur l'un de ses enfants, de Pierre Gondry, le fils de Michel, lui-même artiste, qui s'inquiète de savoir si son père parvient à mieux dormir, ou de l'astro-physicien Trinh Xuan Thuan, avec qui il débat sur le sens de la vie. Et de la mort, ça va avec.

On comprend mieux pourquoi Arte a décidé de partager ces deux documentaires en pleine nuit : c'est bien là que Michel Gondry est le plus créatif. Et tant pis si l'on finit par contredire Kate Winslet en constatant qu'on a passé un excellent moment dans sa tête...

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