Helen Mirren : fâchée par le machisme de La Taupe
StudioCanal/Universal

"Il y a combien de femmes dans ce film ? Allez, il n’y avait pas de femme dans les années 70 ?", s'est énervée l'actrice en voyant le film d'espionnage avec Gary Oldman, Colin Firth, Tom Hardy, Benedict Cumberbatch et Mark Strong.

Alors que Gary Oldman vient d'annoncer sa retraite prochaine, Arte rediffusera ce soir l'un de ses films les plus appréciés : La Taupe. L’adaptation du roman de John Le Carré, Tinker, Tailor, Soldier, Spy, a reçu d’excellentes critiques lors de sa sortie britannique, en 2011, mais pas par Helen Mirren ! "Il y a combien de femmes dans ce film ?, s’interrogeait ainsi la comédienne de The Queen à propos de La Taupe dans le Sunday Times. Allez, il n’y avait pas de femme dans les années 70 ?"


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Si l’actrice n’a jamais caché sa colère envers le machisme ambiant à Hollywood (allant jusqu'à déclarer qu'elle ne se prosternerait pas "devant les hommes de 18 à 35 ans et leur pénis !"), elle fut à sa sortie la seule à s’attaquer de front à ce film, adaptation d’un polar culte de John Le Carré. Son reproche ? Qu'il ignore l’importance des femmes au sein des services secrets : "Il y a toujours eu un certain nombre de femmes au cœur de ces services et elles ont joué un rôle majeur dans la réalité. Mais elles sont passées à la trappe avec ce film"

La réponse des critiques n’ont pas tardé, estimant que ce n’était pas un défaut du film à proprement parler, puisque le roman dont l’intrigue s’inspire ne développe pas non plus de personnages féminins importants. Il n'empêche que ce coup de colère a eu le mérite de relancer le débat.

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Trop de films pour les hommes à Hollywood ?
Là où Helen Mirren touche un point sensible, c’est que les spectateurs qui se rendent le plus au cinéma aux Etats-Unis, ce sont les hommes de 15 à 35 ans, expliquait à l'époque le Sunday Times. Ils deviennent donc la cible des studios, comme la fameuse "ménagère de moins de 50 ans" en France pour les animateurs de télévision. Résultat, en ciblant principalement les hommes, la plupart des films du moment offrent les rôles importants aux acteurs. Et en oublieraient carrément les femmes, ne proposant que des films de mecs pour les mecs avec des mecs - comme The Expendables.

Mais est-ce vraiment le cas ici ? La Taupe est un polar britannique qui s’adresse à des spectateurs adultes, porté effectivement par casting masculin : Gary Oldman, Colin Firth, Tom Hardy… du beau monde, donc. Une histoire d’agent double à démasquer, en pleine guerre froide. Il est précédé d’une excellente réputation, en partie grâce à la qualité du roman de base, mais aussi à la réalisation de Tomas Alfredson, remarqué pour son film Morse. Le projet dénote des films actuels, promettant une intrigue dense, qui se déploie lentement et principalement par le dialogue. On est loin des blockbusters musclés à consommer avec un gigantesque paquet de popcorns. Dans sa critique pour Première, Gérard Delorme le qualifiait d'ailleurs d'"anti-James Bond", tant ce film d'espionnage ne cherche jamais à être spectaculaire, ni sexy : "A la suite de l’incroyable Morse, le suédois Tomas Alfredson confirme ses qualités de metteur en scène de premier plan en adaptant le roman d’espionnage le plus célèbre de John Le Carré. Contrairement aux apparences, le sujet est loin d’être désuet, et on peut même lui trouver des points communs avec Morse. Smiley, le personnage central (superbement joué par Gary Oldman), ressemble à un vampire, et pas seulement parce qu’il renaît après la mort symbolique que constitue sa mise à la retraite. Il est froid et dépourvu de sentiments, comme en proie à un état de gel moral et affectif, pur produit de la guerre froide que se livrait un monde artificiellement divisé en deux camps. Magnifiquement photographié, interprété et mis en scène, le film décrit ce monde qui a perdu sa raison d’être, et révèle une vérité vertigineuse: les « renseignements » obtenus par les différents services secrets ne servaient qu’à faire tourner cette usine à gaz que, du côté britannique, Le Carré appelait « le cirque ». La paranoïa, les trahisons et les défections y étaient monnaie courante, parce qu’elles faisaient partie intégrante de ce système absurde qui avait besoin de se justifier en inventant des raisons de s’entre-espionner. Dans le genre, La taupe est un film de réflexion plus que d’action, qui décrit une réalité complexe plutôt qu’il ne perpétue une mythologie simpliste. Aux antipodes d’un James Bond, il représente un modèle aussi réussi que séduisant."

Fallait-il transformer l'histoire originale en y ajoutant un personnage de femme important, afin d'éviter ce type d'avis négatif ? Ou valait-il mieux coller au roman ? L’absence de grands rôles pour les femmes est une véritable problématique à Hollywood, bien au-delà de cet exemple précis et toujours d'actualité aujourd'hui malgré une petite amélioration. 

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