Quels films ont influencé Quai d'Orsay, rediffusé ce week-end à la télévision ?
Cinéphile incollable, Bertrand Tavernier commentait pour Première cinq de ses films politiques préférés à l’occasion de la sortie en DVD et Blu-ray de son Quai d’Orsay chez Pathé, en mars 2014. Immersion dans les coulisses du pouvoir entre les États-Unis, la France et le Cambodge, alors que ce film politique porté par Thierry Lhermitte et Raphaël Personnaz reviendra ce dimanche sur France 2.
Par Damien Leblanc
Mort de Bertrand Tavernier : la télévision rend hommage au cinéaste françaisCoffret Rithy Panh
"Les documentaires de Rithy Panh sur le génocide cambodgien (S21, La Machine de mort khmère rouge, Le Maître des forges de l'enfer, L'Image manquante) offrent un véritable examen de ce que peut être une dictature. C'est une oeuvre exemplaire dans son refus de se faire contaminer par l'oubli et dans sa volonté d'affirmer que le temps n'abolit pas les responsabilités ni les conséquences. C'est un travail bouleversant qui va à l'encontre de la mode actuelle consistant à sauter d'un sujet à l'autre."
Path to War de John Frankenheimer
"Voilà l'un des plus remarquables scénarios de la dernière décennie. Il nous permet d'observer comment le président américain Lyndon Johnson, qui tentait pourtant, avec des intentions généreuses, de construire la grande société des années 60, se fera littéralement flinguer par la guerre du Vietnam. À force d'ignorance, de mauvais conseils et de refus de voir la réalité, il sera amené à intensifier ce conflit, s'engageant dans une impasse. Le film dure presque trois heures mais se dévore comme un polar."
Thierry Lhermitte se prend pour Dominique de Villepin dans Quai d'OrsayL'exercice de l'Etat de Pierre Schoeller
"C'est brillant. Beaucoup ont voulu rapprocher Quai d'Orsay et L'Exercice de l'État, mais mon film parle d'un ministère qui affronte une échéance importante et ne connaît pas de graves problèmes internes. Celui de Pierre Schoeller montre comment un ministre voit son idéalisme lentement broyé car ses désirs sont contrecarrés par des ministères plus importants que le sien. Les acteurs sont tous parfaits : Michel Blanc écoutant la voix d'André Malraux, quel moment inoubliable !"
Tempête à Washington d'Otto Preminger
"Ce film se bonifie avec le temps car il décrit de manière synthétique une institution politique, tout en dotant chaque personnage d'une individualité propre. Il y a ici un ton unique, distant et vaguement sceptique, qui tranche avec l'habituelle volonté d'affirmation du cinéma américain. Ajoutons que, dans sa carrière de cinéaste, Otto Preminger a toujours combattu la censure et la liste noire de Hollywood en engageant des personnes qui étaient poursuivies par la justice, comme le scénariste Dalton Trumbo."
Le sucre de Jacques Rouffio
"Citons aussi des films sur la finance, comme Inside Job, de Charles Ferguson. Son ancêtre hexagonal, Le Sucre (1978), est un récit tout à fait précurseur. Contrairement à ce que l'on dit, le cinéma français a su aborder de grands sujets politiques mais, souvent, les critiques ne l'ont pas remarqué. Jacques Rouffio raconte ici de manière magistrale la crise du sucre de 1974, qui entraîna une spéculation énorme et ruina une multitude de petits actionnaires. Soit la débâcle des subprimes avec trente ans d'avance."
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