Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
LA PRISONNIERE DE BORDEAUX ★★☆☆☆
De Patricia Mazuy
L’essentiel
Malgré Hafsia Herzi, ce deuxième rendez- vous sur grand écran entre elle et Isabelle Huppert, après Les Gens d’à côté d’André Téchiné, ne séduit guère
Il y a celle du désert de Ford. Mazuy invente celle de Bordeaux. Elles sont plurielles : la grande bourgeoise et la prolo, bientôt aimantées par une douleur (peu) commune : leur mari respectif est sous les verrous. Au centre, une belle maison entourée de barres d’immeubles à la place de la terre ocre de Monument Valley. Le western de classes sociales qui s’opère intrigue même si tout semble trop en place (les actrices, le décor, l’intrigue...) Alors on guette la faille. « Le monde est dur » apprend-on, les gens passent leur temps à mentir, se tromper. Le conjoint volage a offert en lot de consolation un tableau fait d’affiches déchirées (vrai faux MacGufffin hitchcockien) Qu’est-ce qui peut in fine relier cette femme du monde et du peuple ? La bromance est problématisée à pas si feutrés qu’on n’entend plus rien. Hier, chez Téchiné (Les gens d’à côté) aujourd’hui ici, Herzi regarde à nouveau Huppert. Manque dans les deux cas l’électricité qui viendrait tout embraser.
Thomas Baurez
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A AIME
PARADISE IS BURNING ★★★☆☆
De Mika Gustafson
Elles sont trois : une ado, Laura et ses deux jeunes sœurs Steffi et Mira. Laura, l’aînée et la chef de famille car leur mère a quitté le domicile familial. Tout au long du récit, celle- ci sera hors champ. Celle dont il faut cacher l’absence pour éviter que toute la tribu ne soit éparpillée dans des familles d’accueil. Celle que Laura doit comme elle peut remplacer en protégeant et gérant les natures non moins explosives que la sienne de Steffi et Mira. Et ce à un moment de son existence où elle doit faire face à un éveil des sens inédits et gérer son cœur et son cœur qui s’emballe pour une voisine, première adulte à porter un regard enveloppant sur elle mais à l’attitude plus ambigüe qu’il n’y paraît. Mika Gustafson réussit ici à nous faire ressentir physiquement le vertige des sentiments contradictoires qui la balaient et manquent à tout moment de la renverser. Et signe un beau film sur des enfants livrés à eux- mêmes à cause d’adultes défaillants ou absents.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéFÊLES ★★★☆☆
De Christophe Duthuron
Il y a du Un p’tit truc en plus dans ce Fêlés. Le même talent à parler de différence sans verser dans la sensiblerie. Duthuron (Les Vieux fourneaux) s’empare ici de l’histoire de l’Arc- en- ciel, une association de Marmande qui accueille des personnes brisées par l’existence et les aide à affronter ces petites choses du quotidien devenues montagnes impossibles à gravir. L’intrigue repose sur une expulsion menaçant la maison d’accueil pour rebattre les cartes dans les rapports aidés- aidants et faire du fondateur de cette association un personnage plus complexe qu’il n’y paraît. Prêt à sacrifier l’avenir de l’Arc- en- ciel quand il refuse de déménager dans de nouveaux locaux afin, au fond égoïstement, de ne pas trahir la mémoire de sa femme décédée rencontrée dans ce lieu dont on veut les chasser. Pierre Richard apporte nuances et profondeur à ce rôle écrit pour lui, figure de proue d’une bande d’acteurs joyeusement complice mêlant pros et amateurs, qui touche au cœur.
Thierry Cheze
SEPTEMBRE SANS ATTENDRE ★★★☆☆
De Jonás Trueba
La rencontre, le premier rendez-vous, les premières confessions… Quelques éléments qui font d’un film une comédie romantique par excellence, mais que Jonás Trueba prend plaisir à esquiver. Lui préfère filmer le désamour, raconter la fin d'une idylle plutôt que son début, en pointer du doigt la beauté. Mieux : il le dédramatise. Car ici, pas d’amertume entre Ale et Alex (Itsaso Arana et Vito Sanz, comédiens fétiches du cinéaste), mais un lâcher- prise alors que le couple décide d’organiser une grande fête pour célébrer leur rupture. Car comment, sinon, se dire au revoir ? C’est par ce contrepied rafraîchissant que Trueba touche en plein cœur. Mais son inventivité ne s’arrête pas là : le montage des séquences se fait sous les yeux du spectateur qui, amusé, se retrouve à la fois en dehors du film et au-dedans. Surprenant et mélancolique, Septembre sans attendre clôturera l’été en douceur.
Lucie Chiquer
TOUBIB ★★★☆☆
De Antoine Page
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les études de médecine sans jamais oser le demander. En 2010, Antoine Page se lance dans le projet ambitieux de documenter tout le parcours universitaire de son frère, Angel. Pendant 12 ans, le réalisateur nous rend témoins des réflexions et des doutes de son cadet, depuis la rentrée en première année de médecine jusqu’à l’obtention de son diplôme, en passant par ses nombreux stages et son année à l’étranger. Entre le journal de bord et l’immersion dans son quotidien, Angel prend le temps de verbaliser son ressenti au fil des mois et des années. Et ce qui aurait pu n’être qu’un état des lieux du monde médical nous plonge plutôt dans la profondeur du chemin solitaire d’un passage à l’âge adulte. Enrichissant et touchant, Toubib met la lumière sur les problématiques d’un métier et d’une vocation en crise.
Bastien Assié
DREAMING WALLS ★★★☆☆
De Maya Duverdier et Joe Rohanne
C’est un lieu qui est entré dans la légende : tout au long du XXe siècle, des dizaines de personnalités, parfois célèbres, parfois encore méconnues, ont séjourné au Chelsea Hotel, à New York. Cette immense bâtisse de briques rouges où vécut un temps Patti Smith. Le visage encore poupin de la chanteuse et poétesse — qui a elle-même raconté ce lieu dans Just Kids, un récit autobiographique —, est capturé par une vieille caméra. Son enthousiasme sert d’ouverture à ce documentaire, que l’on sent dès les premières minutes emprunt d’une forte nostalgie. Alors que l’établissement s’apprête à devenir un hôtel de luxe, Maya Duverdier et Joe Rohanne partent à la rencontre des habitants historiques des lieux, des travailleurs chargés de rénover le bâtiment afin de mieux sonder la légende — le tout entrecoupé d’images d’archives aux couleurs et au grain singuliers. Un bel exercice de style, bien qu’un peu désuet.
Emma Poesy
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
ALIENOID : L’AFFRONTEMENT ★★☆☆☆
De Choi Dong- hoon
Cinq mois après la sortie du premier volet en France, la saga Alienoid revient avec un deuxième épisode toujours plus ambitieux. Son héroïne, Ean, navigue désormais entre deux époques, le XIVème siècle et le XXIème siècle, pour combattre des aliens cherchant à s’emparer d’un pouvoir secret et infiniment puissant, qui menace le futur de notre planète. Comme dans le premier film, on ne comprend pas chose à l’intrigue, qui évolue lourdement entre des bastons superbement chorégraphiés et des blagues sans intérêts. Si les acteurs s’en donnent à cœur joie, ce blockbuster sud-coréen fait le choix de ne jamais se prendre au sérieux, désamorçant chaque situation présentant un semblant d’intérêt pour maintenir la pression jusqu’au grand final. Et échoue, in fine, à affirmer sa singularité face aux productions Marvel, qui font beaucoup mieux dans le même genre.
David Yankelevich
LA NUIT SE TRAÎNE ★★☆☆☆
De Michiel Blanchart
Nouveau talent du cinéma de genre belge, Michiel Blanchart avait réussi un coup de maître avec son court métrage T’es morte Hélène, comédie d’épouvante short-listée aux Oscars qui a entre autres tapé dans l’œil de Sam Raimi. Le même type de générosité débridée anime le premier long métrage du cinéaste, thriller d’action se passant quasiment en temps réel dans une Bruxelles nocturne où ont lieu des manifestations proches du mouvement Black Lives Matter. Le héros est ici un étudiant qui pratique la nuit le métier de serrurier et qui va se retrouver malgré lui complice d’une affaire criminelle le forçant à se lancer dans une intense course contre-la-montre. Mais si la mise en scène se révèle d’une redoutable efficacité et offre des poursuites de qualité dans les rues bruxelloises, la faible caractérisation des personnages et de l’arrière-plan politique laisse au spectacle un vrai goût d’inachevé.
Damien Leblanc
LA BELLE AFFAIRE ★★☆☆☆
De Natja Brunckhorst
Prenez deux acteurs allemands avec une belle carrière internationale (Sandra Hüller et Max Riemelt), ramenez - les au bercail et faites les jouer dans une comédie sociale située au lendemain de la chute du mur de Berlin. Qu’est-ce que cela donne ? Un film aguicheur dans un premier temps, qui rappelle plutôt bien que les ouvriers de l’ex-RDA ne vivaient pas dans un monde en noir et blanc où tout le monde tire la tronche. Sur une idée saugrenue, un quartier se met à voler en bande organisée les billets de l’ancienne monnaie pour les convertir par divers moyens en Deutsche Mark — une métaphore plutôt lucide sur l’économie mondiale et les rapports entre forces géographiques inégalitaires (ici, les deux côtés de l’Allemagne en cours de réunification), mais qui ne tient pas la route et explose complètement dans son final, expédié et lunaire. Une belle affaire cache généralement un coup tordu …
Nicolas Moreno
Et aussi
L’I.A. du mal, de Chris Weitz
Reprise
La Garçonnière, de Billy Wilder
Commentaires