Christophe
Abaca

Le chanteur des Mots bleus qui vient de mourir était également un grand cinéphile. Le cinéma a fait plusieurs fois appel à lui pour sa musique mais aussi sa présence magnétique.

La route de Salina de Georges Lautner (1970)

En 1970, en pleine fièvre psychédélique le réalisateur des Tontons flingueurs, Georges Lautner réalise un film trip, La route de Salina avec Mimsy Farmer et l’icône hollywoodienne, Rita Hayworth. Il demande alors à Christophe de signer la bande originale. Il en résulte un titre magnifique The Girl From Salina. Ce film ovni est une sorte de relecture du destin des Atrides au milieu de dunes non identifiées. "Christophe est alors en pleine métamorphose artistique", précise Jean-Baptiste Thoret qui vient d'ajouter ce film à sa collection vidéo Make My Day! (Studiocanal), "très proche finalement de celui que l’on connait aujourd’hui."

Les mots bleus d’Alain Corneau (2004)

Avec Aline et Les marionnettes, Les mots bleus, écrite par Jean-Michel Jarre, est l’une des chansons emblématiques des Christophe. Elle sert d’inspiration à Alain Corneau dans son adaptation du roman Leur histoire de Dominique Mainard, un drame autour d’une jeune fille qui refuse de parler et porté par le duo Sylvie Testud, Sergi Lopez. Alain Corneau rebaptise cette histoire du nom de la chanson de Christophe qui sert de leitmotiv au film. "Au départ, je voulais mettre une musique de Haydn", expliquait le réalisateur, décédé en 2010, à la sortie du film. "Mais cela aurait été une façon hautaine de les regarder pour raconter leur histoire. Finalement, quand est venue l'idée des Mots bleus, elle s'est imposée car cela allait avec le film. La même simplicité, la même sincérité. Bleu comme la plage, que nous avons filmée en 35 mm, pour rendre cet aspect de bout du monde, de no man's land paradisiaque."

Quand j’étais chanteur de Xavier Giannoli (2006)

Aux débuts des années 80, le jeune Xavier Giannoli n’hésite à descendre d’un étage de l’appartement familiale pour sonner à la porte de son voisin du dessous, un certain Christophe. C’est au contact du chanteur qu’il fait son éducation cinéphile. "Il pouvait aussi bien se passionner pour Visconti que pour Decoin", confiait le cinéaste à la sortie de Marguerite en 2015. "Il avait une cabine de projection où l'on regardait des films sans arrêt. Il en projetait un en boucle pendant des jours. Parfois, il quittait la pièce pour composer un morceau au piano. La chanson 'Les paradis perdus' a d'ailleurs été écrite pendant une projection de Mort à Venise." En 2006, Xavier Giannoli rendra un bel hommage à ce voisin pas comme les autres dans son film Quand j’étais chanteur, l’histoire d’un chanteur de bal fatigué incarné par Gérard Depardieu. La chanson Les paradis perdus, hante le film de ses accords lancinants et ses paroles d’une mélancolie magnifique. Christophe y incarne même son propre rôle le temps d’une séquence fantomatique face à Gérard Depardieu.


 

Fils de d’HPG (2014)

L’acteur et réalisateur de films porno, HPG, s’est aussi fait un nom dans le cinéma d’auteur avec des longs métrages en forme d’autoportraits. Ce Fils de explore sa vie de couple et l’éducation de ses enfants. La bande originale a été confiée à Christophe qui avait déjà travailler avec HPG pour ses Mouvements du bassin en 2012. "Bien qu'il soit connu, les rapports avec Christophe sont doux", commentait HPG en 2014. "C'est très simple d'avancer ensemble, il n'a pas d'ego, ne se pose pas de questions d'argent. Son moteur c'est l'envie. Avec lui, je me retrouve dans mon rôle préféré, celui de spectateur : que ce soit comme musicien ou comme acteur, il parvient à emmener certaines séquences du film dans des situations que je n'avais pas préméditées. C'est très fort, ça me plaît. Il n'a pas besoin de jouer, il est là, ça me suffit. À ce jour, c'est le dernier mec qui m'a fait pleurer, juste en l'écoutant chanter sur scène."

Jeanne de Bruno Dumont (2019)

Ce sera la dernière apparition sur grand écran de Christophe, mais quelle apparition ! On peut prendre le terme "apparition" dans son acceptation religieuse. Le cinéaste Bruno Dumont explore ici une nouvelle fois la figure de Jeanne d’Arc à travers la prose de Charles Péguy, et place le chanteur-acteur en plein cœur de l’imposante cathédrale Notre-Dame d’Amiens. C’est l’heure du procès en hérésie pour la Pucelle d’Orléans avec son arrière-fond politique et la disgrâce de Charles VII. Les juges en habits de gala pérorent, complotent, s’interrogent. Il y en a un, dont on ne voit pas les traits cachés sous une capuche, mais dont la voix fluette et gracile trahit l’identité : c’est Christophe, dont on entend à plusieurs reprises des chansons originales d’une puissance folle. Avec les chansons de Christophe, Bruno Dumont voulait créer un contrepoint avec l’éventuelle pesanteur des textes de Charles Péguy et nous restituer Jeanne d’Arc dans toute sa modernité. A noter que  Christophe a également composé la musique d'Arrête ou je continue de Sophie Fillières (2014) et Par accident de Camille Fontaine (2015). Il a également fait l’acteur dans le court-métrage Le Quepa sur la Vilni ! en 2014, entouré de l'ex champion cycliste Bernard Hinault et Bernard Menez.