Alors que France 4 diffuse ce soir la captation par Philippe Galland du Père Noël est une ordure sur scène, on vous propose de jouer au jeu des sept erreurs entre la pièce et le film.
Créé en octobre 1979 sur la scène du Splendid, Le père Noël est une ordure a été un succès immédiat. Rarement le public avait vu quelque chose d’aussi loufoque. Après avoir joué à guichets fermés dans leur théâtre rue des Lombards, la troupe déménagea en janvier 1980 à la Gaîté Montparnasse. C’est là que la pièce fut filmée par Philippe Galland, compagnon d’alors d’Anémone. Quelques mois plus tard, au moment de l’écriture du scénario, avec le réalisateur Jean-Marie Poiré, quelques changements s’imposèrent. L’adaptation avance au prix de concessions douloureuses pour les uns et pour les autres. Une véritable guerre de tranchées qui se soldera par un script au cordeau. Certains préfèrent la pièce, d’autres le film. A vous de choisir.
1 - Monsieur ou Madame Musquin
Le responsable de SOS Amitié n’apparait pas dans la pièce mais il est évoqué. Parce qu’il fallait créer un rôle pour Josiane Balasko qui n’avait pu faire la création, on étoffa et on féminisa ce personnage. Néanmoins, pour ne pas changer toute la structure de la pièce et ses effets, il fallait qu’il n’influe pas sur l’intrigue d’où l’idée de la coincer dans l’ascenseur loin des autres.
2 - Un père Noël plus trash
Le personnage interprété par Gérard Jugnot est rendu plus trash dans le film. Dès le début du film, on le voit distribuer des tracts pour une boite de strip-tease devant les grands magasins. Même sa façon de se "disputer" avec Thérèse a été corsée : dans la pièce, c’est à coup de tournevis, dans le film avec un fer à souder !
3 - Le passé de Jean-Jacques/Katia
Dans la pièce, Katia révèle qu'il s'appelle Jean-Jacques et qu'il a été marié à Thérèse. "Ce petit con de Jean-Jacques…", explique-t-il dans un monologue attendrissant sous l’œil de Josette qui, étant la cousine de Thérèse, l’avait reconnu. Dans le film, Katia n’est plus l’ex-mari de Thérèse mais un travesti rejeté par sa famille. On est moins dans le quiproquo franchouillard que dans la comédie de mœurs pleinement raccord avec l’époque -l’homosexualité sera dépénalisée en août 1982. Les changements apportés à Katia sont une des grandes forces du film.
4 - Thérèse change de partenaire
Dans la pièce, Félix fait faire le porc à Thérèse avant de la culbuter dans le placard. Pierre, lui, est quitté par sa femme qui l’appelle pour lui reprocher son infidélité. Dans le film, c’est avec Pierre que Thérèse a une scène d’ébats torrides (sous la douche), et c’est plus "romantique" puisque chacun est attiré par l’autre, avant de réaliser que leur aventure n’a pas d’avenir. "C’est une catastrophe, Thérèse !"
5 - Un passage par la pharmacie
Inutile d’attendre le célèbre "C’est de la merde" prononcé par Jacques François devant sa veste maculée de kloug, cela n’arrivera pas. La mémorable séquence de la pharmacie, où Gérard Jugnot se fait soigner par un Jacques François pressé d’aller chez Castel, est un des ajouts demandés par Jean-Marie Poiré pour aérer la pièce.
6 - Sposi contre doubitchou
Dans la pièce, Monsieur Preskovitc offre ses fameux spotsi d'Ossieck. L’équipe ne sait toujours pas pourquoi ils se sont transformés en doubitchous de Sofia. La Shlovetnie, liqueur infusée au crapaud, disparait aussi du film car, entre temps, la troupe avait recasé ce gag dans Les Bronzés font du ski.
7 - Explosion ou zoo
La pièce se termine par l'explosion de l'immeuble, causée par M. Preskovitc qui a ouvert le gaz pour se suicider. La morale était claire : ça ne sert à rien de s’occuper des autres si on n’est pas capable d’ouvrir sa porte à son voisin. Le producteur comme le réalisateur, Jean-Marie Poiré, ne voulaient terminer sur une vision aussi macabre (qui plus est très coûteuse à tourner). Après moult discussions et disputes, le réalisateur eut l’idée d’une sortie au zoo de Vincennes où les héros jettent en pâture aux fauves les restes du dépanneur… Ah oui, car au passage, ce n’est plus Katia qui est découpée par Félix après son suicide. Le dénouement fera l’objet de débats homériques. Il est contesté encore aujourd’hui par certains et source de regrets pour d’autres.
Même Jean-Marie Poiré le défend avec des pincettes : "Je trouve la fin du film un peu meilleure que celle de la pièce, mais abominablement triste. On a fait tellement de concessions qu’on est en fait arrivés à un pis-aller. On n’a pas été assez courageux pour se disputer plus…" En fait, ils avaient écrit une dernière scène après le zoo et la séparation des compères où Pierre et Thérèse, rattrapés par leur conscience, finissaient par aller se confesser à un curé - rôle destiné à Michel Blanc - qui les dénonçait à la police. Le film se terminait par les manchettes de journaux annonçant leur arrestation. Cette séquence, comme celle du retour à Créteil de Mme Musquin, n’a pas été tournée. Manque de temps ou énième conflit, l’histoire ne le dit pas.
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