On a vu pire que Les Visiteurs : La Révolution, mais c'est pas la joie.
TF1 rediffusera ce soir Les Visiteurs : La Révolution, mais Première ne vous le conseille pas vraiment... Voici notre critique, publiée initialement à sa sortie, au printemps 2016.
A force de lire des articles sur l'absence de projections presse et d'avant-premières, Les Visiteurs : la Révolution avait fini par nous faire flipper d'avance. Pourtant, le film est moins consternant qu'anticipé. Ca ne veut pas dire qu'il est bon, réussi ou même nécessaire. D'une longueur ahurissante (110 minutes), il est surtout interminable et empesé. Les Couloirs du temps durait 112 minutes et partait dans l'hystérie pure avec comme nexus dévorant Clavier cloné en quatre exemplaires. Dix-huit ans plus tard, Les Visiteurs : La Révolution n'a plus les poumons pour courir partout. Après un étrange prologue et son embuscade médiévale, le film démarre exactement là où s'est terminé Les Couloirs du temps : en 1793, alors que Jacquouille et Godefroy sont capturés par les Révolutionnaires. Pour justifier les vingt piges que les héros ont pris dans les jambes, la voix off d'une sorcière nous explique qu'ils vieillissent de dix ans par semaine car les couloirs du temps déconnent à plein tube. Cette astuce scénaristique essaie surtout d'excuser le jeu de Jean Reno qui malheureusement n'a apparemment plus l'énergie et la carrure de traverser le film comme le chevalier qu'il est, et se contente, l'air absent, de traîner à l'arrière-plan. A l'image de l'ensemble, qui ne bouge pas tellement malgré son titre. Une fois sauvés des griffes du tribunal révolutionnaire, les héros s'incrustent avec la famille de Montmirail version 1790's qui cherchent à émigrer en Autriche. Les voilà à Paris, chez Gonzague de Montmirail (Franck Dubosc), noble devenu député.
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Robespierre a la chiasse
La quasi totalité du film va se coincer dans les murs de l'hôtel particulier de Gonzague, avec un couple de concierges (Marie-Anne Chazel et Pascal N'zonzi) en bas, Marat et sa femme à l'étage, Charlotte Robespierre (Sylvie Testud) et Jacquouillet (Clavier) en haut. Et en comptant les Montmirail (Alex Lutz, Karin Viard, Stéphanie Crayencour), les seconds rôles se passent les plats avec plaisir sinon avec métier. Clavier est plus convaincant en Jacquouillet, sympathique accusateur public amoureux de Charlotte Robespierre, que dans les guenelles puantes de Jacquouille où il nous sert le même numéro qu'en 93 et 98. Après un dîner entre Conventionnels dominé par Robespierre (Nicolas Vaude, superbe) pris d'une violente diarrhée après avoir mangé le boudin noir de Pascal N'zonzi (sic), le scénario bifurque brutalement vers une conclusion presque inattendue. Mais, encore une fois, beaucoup trop longue. Le tout est mal dégraissé, malgré - et c'est évidemment paradoxal - son montage plutôt vif. Certaines scènes manquent, d'autres sont interminables et tournent autour de deux éléments comiques en boucle : l'odeur pestilentielle de nos héros et les excréments. Ca lasse.
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"C'est en France que le monde se fait"
Le cadre révolutionnaire pose problème : l'humour du premier Visiteurs se déployait dans l'arrivée du Moyen-Age dans la France de 1993. Mais une Renault 4L de la Poste en 1993 restait toujours une Renault 4L de la Poste en 2016. Le présent des Visiteurs reste notre présent. Le décalage entre les Français de 1793 et les putois médiévaux surgis de 1124 est forcément moins fructueux. Moins pertinent. Moins drôle. Et si jamais le film avait l'ambition de raconter quelque chose sur la Révolution, c'est tout aussi râpé. Les Visiteurs 3 décrit la Terreur avec tous les clichés dès le montage sequence d'intro (où Saint Just est filmé en train de crier "on ne juge pas, on tue !", déformant sa phrase "je ne juge pas, je tue") : les gueux puants révolutionnaires entraînés par des politicards retors, versus les nobles empoudrés déconnectés du réél. En 2016, 18 ans après, le retour de Godefroy et Jacquouille ne sonne pas si déconnecté du réel que ça, à une époque où Les Nouvelles aventures d'Aladin et Les Tuche 2 dépassent dans les 4 millions d'entrées. La Révolution ressemble bel et bien à leur ancêtre venu du fond des temps (les années 90) et qui contemple ses petits-petits-petits-fillots comme Lutz et Abitan. Il manque juste Kev Adams, en fait, pour bien marquer le fait que Les Visiteurs : La Révolution est bien de notre temps et de notre espace. Et n'a rien d'une anomalie, ou d'un fantôme.
Le secret derrière la porte
Le secret de La Révolution se cache, peut-être, à la toute fin de son générique. Dans celui des Visiteurs 2, Jean-Marie Poiré se mettait en scène au même niveau que Clavier et Reno. En général triomphant coiffé d'une casquette JMP, juché sur une caméra grue, Tony Scott frenchy gueulant des ordres à ses troupes. Une fois le générique des Visiteurs 3 terminé, une petite scène apparaît. Dans le décor de l'appartement 18ème siècle de Gonzague, Poiré -sans casquette- apparaît et referme doucement une porte. Fondu au noir. C'est tout. Avec ce post-scriptum, Les Visiteurs 3 laisse la bizarre impression que l'ex-king de la comédie française (dont le dernier film remonte à 2002 : Ma femme s'appelle Maurice, 710 531 entrées) vient de laisser son testament de cinéma. Avec ce film sans l'énergie d'antan, il ferme la porte, silencieusement, sans déranger personne.
Sylvestre Picard (@sylvestrepicard)
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