Son 12e long métrage, The Phoenician Scheme, est présenté à Cannes aujourd'hui, en compétition officielle. En attendant sa sortie en salles, le 28 mai prochain, on a classé les films du réalisateur texan du plus anecdotique au plus exceptionnel.
11. Asteroid City (2023)
Quand Wes Anderson verse dans la caricature de Wes Anderson... Comme enfermé dans sa propre esthétique, le réalisateur tourne à vide avec ce joli conte aride, sec, à l'image de cette ville perdue dans le désert qu'il filme comme un enfant. Avec Asteroid City, le cinéaste pousse son style à l’extrême : décors rétro kitsch, cadres millimétrés, direction artistique somptueuse... Tout est sublime, mais tout semble figé. Derrière les vignettes parfaites et le défilé de stars (Scarlett Johansson, Margot Robbie et même Tom Hanks sont là !), la vie peine à émerger. Son cinéma tourne en rond, prisonnier de ses obsessions, beau à regarder mais désespérément creux.
10. Bottle Rocket (1996)
Anderson plonge les frères Wilson (Owen et Luke) dans une comédie de braqueurs amateurs totalement décalée. L'évasion factice d’Anthony et les plans démesurés de Dignan dessinent déjà les contours d’un univers où l’amitié et les rêves de grandeur s’entrechoquent avec une précision d’horloger. On y trouve en germe tous les thèmes qui feront sa signature : relations familiales complexes, personnages marginaux et quête d’identité. Ce n’est pas un hasard si James L. Brooks a produit ce premier opus et si Scorsese l’a placé parmi ses films favoris des années 90 : ils avaient déjà décelé le talent singulier d’un auteur en devenir.
9. The French Dispatch ( 2021)
C’est à partir de là que Wes Anderson touche les limites de son système. Avec ce film, le réalisateur s’éparpille et tombe dans les travers mêmes de ce qui faisait la singularité de son cinéma. Malgré l’hommage vibrant à la presse et une créativité apparemment sans limites, The French Dispatch se noie dans ses références, ses intrigues et sa profusion de détails. Le génie de sa troupe d’acteurs (tous fantastiques, de Bill Murray à Timothée Chalamet, en passant par Léa Seydoux, Tilda Swinton, Adrien Brody, Benicio Del Toro, Elisabeth Moss…) et l’orfèvrerie de chaque plan deviennent presque étouffants, et ne suffisent plus à masquer l’absence d’enjeux. La forme a triomphé du fond… pour combien de temps ?
8. À bord du Darjeeling Limited (2007)
Le cinquième film d’Anderson est son œuvre signature. Cette expédition en Inde de trois frères ahuris, largement teintée de nostalgie, respecte tous les codes du cinéaste : famille en vrac, personnages en quête de sens, bande originale éclectique et caméos de stars. Et derrière les bizarreries, le périple ferroviaire se transforme en une introspection vertigineuse. Mais comme l’arc narratif peine à fonctionner et que les personnages ne sont pas aussi attachants qu’espéré… l’ennui guette au bout du tunnel. Reste la performance du trio, et surtout celle d’Amara Karan, qui brille à l’écran.
7. L'Île aux chiens ( 2018)
Après Fantastic Mr. Fox, Wes Anderson reste fidèle à la technique du stop-motion pour son deuxième long métrage d’animation. L’intrigue de L’Île aux chiens se déroule dans un Japon futuriste, où un régime autoritaire dirigé par le maire Kobayashi instaure une politique anti-toutous, forçant tous les chiens à errer sur une île-poubelle. Époustouflant de rigueur et de beauté, toujours habité par ce goût obsessionnel — presque enfantin — pour la symétrie et les maisons de poupées, le film est un hommage délirant à la culture nippone et à son cinéma. Mais derrière l’humour pince-sans-rire et l’aspect farfelu des personnages, Anderson signe surtout une vraie dystopie : son film le plus politique et le plus mordant.
6. Rushmore (1998)
Pour la première fois, Wes Anderson se frotte au teen movie, un genre qui traversera ensuite toute sa filmographie. Dans cette fable lycéenne, il explore les tourments adolescents de Max (un Jason Schwartzman fantastique), un garçon extravagant qui tombe amoureux de son institutrice avant d’entrer en rivalité avec son ami, incarné par un Bill Murray impassible. Mais Rushmore, c’est surtout le moment où le cinéaste impose définitivement à la fois ses personnages (jeunes, désespérés, aux relations amoureuses chaotiques) et son style dandy : collages façon pop art, cadrages millimétrés, bande originale soigneusement ouvragée. Il devient alors la plus grande promesse du cinéma indé américain.
5. La Vie aquatique (2004)
La plongée avec Steve Zissou a marqué son époque. En train de se construire comme cinéaste arty, Wes Anderson signe une odyssée pop et mélancolique, peuplée de créatures imaginaires, de fantasmes vintage et de fêlures doucement burlesques. La B.O. rétro, les décors fabuleux et les émotions à fleur de peau font de ce film une rêverie unique, tantôt amusante, tantôt poignante, sur un ton burlesque tranquille, où l’enfant cinéaste donne libre cours à son imagination avec un raffinement millimétré.
4. La Famille Tenenbaum (2001)
Le premier succès populaire de Wes Anderson, avec plus de 70 millions de dollars de recettes au box-office. Surfant sur la hype Ben Stiller (qui sortait alors des succès Mary à tout prix et Zoolander), le cinéaste s'offre de la visibilité avec un film familial déroutant, qui trouve un équilibre fascinant entre drame et comédie. Dans toutes les scènes. Chaque personnage, aussi farfelu soit-il, porte en lui une vérité émotive, et Anderson excelle à mélanger l'insignifiant et le grandiose. En additionnant ces petites touches, il construit un univers où le trivial devient essentiel, une œuvre délicieusement décalée, où chaque détail compte.
3. Fantastic Mr. Fox (2009)
Réunir Meryl Streep et George Clooney au casting (même vocal), c'est un coup de génie que seul Wes Anderson pouvait réussir. Avec ce Mr. Fox, il pousse l’animation en stop motion à de nouveaux sommets, en y insufflant toute sa vision unique. Fidèle à ses thèmes de prédilection – la famille dysfonctionnelle, la responsabilité et la transmission – le réalisateur touche-à-tout mélange humour acéré et poésie, avec une maîtrise absolue des détails visuels. Chaque plan est pensé, chaque mouvement une chorégraphie subtile. Son film regorge de clins d’œil, de références malicieuses, et offre une profondeur émotive surprenante pour une histoire animée.
2. Moonrise Kingdom (2012)
Deux pré-ados amoureux dansent maladroitement au bord de l'eau, sur une petite plage perdue, au son de Françoise Hardy... Bienvenue dans le monde de Wes Anderson, celui des robes à col Claudine et des gros gilets en laine, des dialogues décalés et des décors stylisés, du spleen et de la béatitude. Avec Moonrise Kingdom, Anderson pousse la sophistication à l’extrême, composant chaque plan comme une œuvre d’art. Ce raffinement formel colle parfaitement à l’univers du conte, dans un film éminemment graphique qui émeut comme une toile de maître. Bruce Willis, en flic mélancolique, y trouve l’un de ses rôles les plus tendres.
1. The Grand Budapest Hotel (2014)
L’apogée de l'Œuvre de Wes Anderson. Un concentré de son art, de sa folie douce, dans un conte virevoltant, drôle et mélancolique, porté par une mise en scène virtuose et un récit gigogne éblouissant. Toute sa créativité, son sens du cadre et son amour du détail sont au service d’un hommage élégant à Zweig et à l’Europe d’antan. Le texte dicte le rythme avec une précision jubilatoire. Anderson innove dans la continuité avec son film le plus abouti, le plus maîtrisé, un bonbon surréaliste qui fait briller Ralph Fiennes, en Monsieur Gustave, véritable Monsieur Loyal de ce cirque du solaire. Puis Willem Dafoe, Edward Norton, Bill Murray ou Tilda Swinton entourent la révélation Tony Revolori dans ses péripéties enchanteresses.







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