Cette pépite qui n’a pas connu le succès qu’elle méritait en salles, est déjà dispo en VOD. Anthony Marciano, son réalisateur, raconte cette aventure
Play met en scène un jeune quarantenaire, Max, qui retrouve les cassettes vidéo qu’il a lui- même tournées depuis l’âge de 13 ans et décide alors de rembobiner le fil de sa vie. D’où vient l’idée d’utiliser le found footage, système prisé par le cinéma d’horreur, dans l’univers de la comédie romantique ?
Anthony Marciano : Mon deuxième film, Robin des Bois, la véritable histoire, était une commande. Je ne regrette absolument rien mais avec le recul, je crois qu’il n’était pas fait pour moi. Pour mon projet suivant, j’ai donc souhaité revenir à quelque chose de personnel. Or, j’ai toujours été quelqu’un de très nostalgique qui a eu peur de grandir, avec cette tristesse dès mon adolescence de savoir que certaines choses ne reviendront plus. J’ai donc voulu explorer cette nostalgie. Et plutôt que raconter une histoire d’amours et d’amitiés, j’ai eu envie de la revivre. De replonger les spectateurs dans un passé récent pour qu’ils aient l’impression d’avoir ressorti les K7 de leur propre vidéothèque et qu’ils sortent du film en se disant qu’ils venaient de revivre une période de leur vie à eux
Comment se construit le scénario de Play à partir de là ?
En essayant de trouver la réponse à une question aussi centrale qu’évidente. Comment réussir à faire avancer l’action à partir d’une succession de rushes ? Comment garder les mêmes enjeux que dans un « vrai » film ? Et cette écriture a été particulière. Car comme le film raconte quelqu’un qui fait le montage des images de sa vie, il a déjà fallu penser au montage de Play dès le scénario. Comme mes deux précédents films, j’ai écrit celui- ci avec mon ami Max (Boublil). On a essayé de compiler les grands moments de nos vies qu’on aurait envie de revivre. Mais à chaque fois qu’on imaginait une scène, elle devait résister à une sorte de crash- test : pourquoi Max a-t-il choisi de sortir sa caméra et de filmer cette scène ? S’il n’y avait aucune raison évidente, on l’enlevait. Voilà comment on a fait peu à peu le tri.
Certains moments que vos personnages traversent appartiennent à la mémoire collective comme la Coupe du Monde 98 ou la tempête de 1999. Y a-t-il des événements que vous aviez retenus et qui n’apparaissent pas dans le montage final ?
Oui. Deux en particulier. Une scène sur le 11 septembre où Max devait partir à New- York et une autre autour des attentats du Bataclan avec sa fille. Au montage, on s’est vite aperçu que ça alourdissait le propos et je trouvais surtout ces moments finalement indécents entre deux scènes de comédie.
Play raconte donc la vie de Max, ses amis, ses amours sur plus de 20 ans. Vingt années où la technologie n’a eu de cesse d’évoluer en termes de matériel vidéo. Comment cela a-t-il influé votre mise en images ?
Il a fallu six mois d’essai pour tester plusieurs solutions et parvenir au résultat final. Le problème ne se posait pas pour la partie post 2000 où il a été simple de simuler les images de Caméscope HD mais pour la période située entre 1990 et 2000. Ma première idée était de tourner avec un Camescope de l’époque. Mais le rendu des essais était vraiment dégueulasse et aurait été impossible à regarder sur grand écran, sans compter qu’on ne savait pas si les cassettes n’allaient pas se détériorer entre le tournage et le montage. Il a donc fallu trouver des artifices pour tricher, pour trouver une combinaison de caméras et de passages sur bande capable de donner visuellement un aspect similaire aux images des Caméscopes de l’époque
Play est aussi un défi de casting. Trouver les comédiens qui allaient permettre de raconter cette histoire sur plus de 20 ans, à trois âges différents de la vie des personnages : enfance, adolescence et âge adulte. Comment s’est construite cette distribution ?
Il y avait une seule donnée certaine : Max Boublil serait Max. Et au départ, j’avais un fantasme. Pour accentuer l’aspect found footage, je ne voulais l’entourer que de visages inconnus. Mais très vite, je me suis rendu compte que cette idée n’était pas économiquement viable. Alors, je me suis lancé dans un processus de casting qui s’est étalé sur plus d’un an. Comme un puzzle où, pour chaque personnage, si j’échouais à trouver ceux qui allaient jouer les comédiens trentenaires que j’avais en tête, plus jeunes, je devais repartir à zéro. J’ai dû passer pour un dingue. Dès que je sortais dans la rue, je scrutais les visages, j’arrêtais les gens… J’ai cru parfois ne pas y parvenir mais la persévérance à payer
Pour les comédiens, tourner un film en found footage change aussi la donne…
Oui, je leur ai demandé de faire tout ce qui est normalement interdit sur un plateau de cinéma. Faire que leurs dialogues se chevauchent. Penser à regarder en permanence la caméra comme quand un pote vous filme et arrive en retard sur vous quand vous commencez à parler. Cela confirme que le plus compliqué au cinéma… c’est de faire simple ! Car je n’ai jamais autant répété tant en amont du tournage que sur le plateau avant le tournage de chaque scène comme une chorégraphique pour que l’artificiel devienne totalement naturel, tant pour mes comédiens que pour l’équipe technique, à commencer par mon chef opérateur
Avec Play, vous ambitionnez de renouer avec quelque chose de plus intime et de plus personnel. Une fois cette aventure terminée, quel regard portez- vous sur elle ?
Moi, je viens de l’univers de la musique. Puis, j’ai commencé à bouquiner des livres sur la fabrication des scénarios. Et chaque fois ou presque, ils débutaient par la même phrase : « ne faîtes un film que s’il est important pour vous, si vous le faîtes dans un but de changer quelque chose dans le monde ou si vous êtes le mieux placé pour le faire ». Puis, je suis passé à la réalisation avec Les Gamins. Et, dans mes deux premiers films, j’ai été dans un délire de comédie où je voulais simplement faire rire les gens et leur faire passer un bon moment. Play suit à mes yeux une logique différente. Faire ce film a vraiment été essentiel pour moi. J’ai même le sentiment que je pourrai m’arrêter là. D’ailleurs, je n’ai aucune idée de ce que je vais faire après car j’ai le sentiment d’avoir tout dit. Je suis simplement heureux à l’idée de pouvoir montrer ce film à ma fille quand elle sera grande. Et de pouvoir, moi, le grand nostalgique, le remater à tout moment pour me replonger dans tout cette période. Comme uen vraie machine à remonter le temps
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